Une petite famille au bonheur silencieux

Une "famille silencieuse"? Cela fait penser à un foyer à l’atmosphère pesante, où chacun est muré dans le silence. Cependant, dans ce cas particulier, c’est tout le contraire. L’amour brûle entre les membres, mais s’exprime sous des formes autres que la parole.

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Travaux quotidiens de Mme A Niêng.
Photo: TT/CVN

Sur le plateau de Lâm Viên, province de Lâm Dông (hauts plateaux du Centre ou Tây Nguyên en vietnamien), se trouve une petite maison en bois au pied d’une colline, que les gens du coin surnomment "la famille silencieuse". Sous ce toit, la vie se déroule silencieusement, tranquillement, sans un mot ou presque…

Place au langage des signes

Cette famille est composée d’un couple et de leurs deux filles. Trois d’entre eux - le mari et les deux enfants - sont capables de parler normalement. Mais lorsque la famille est réunie, autour d’un repas par exemple, seul le langage des signes prévaut. "Ma femme est muette, et pour exprimer notre solidarité et notre affection pour elle, nous communiquons différemment", confie le père, Nguyên Tiên, 55 ans, employé à la Ferme d’exploitation forestière de Lâm Dông.

A Niêng, 48 ans, de l’ethnie Raglai, est une femme travailleuse dont le visage traduit un optimisme à toute épreuve. Outre la plantation d’arbres avec son mari, elle accepte de faire d’autres petits boulots comme plongeuse pour des restaurants. "Ma femme avait autrefois une belle voix, raconte le mari. Je suis tombé amoureux d’elle dès la première rencontre. Les difficultés quotidiennes n’ont pas entamé notre amour, au contraire".

Avec l’aide de ses amis, le couple a pu construire un petit logement, au milieu de la ferme sylvicole.

Accepter le destin

Sa vie serait tout à fait normale s’il n’y avait pas eu il y a 28 ans cette maladie étrange qui frappa la jeune femme. Du jour au lendemain, A Niêng fut terrassée par une fièvre qui dura de longues journées. Son mari l’amena dans divers hôpitaux, tant dans le Centre que dans le Nord du pays. Personne ne savait exactement de quel mal elle souffrait. Malgré des traitements coûteux qui pesèrent lourdement sur le budget de cette famille pauvre, A Niêng perdit la voix et se mura dans le silence. "C’est le destin. Nous devons l’accepter. C’est la seule façon pour que la vie redevienne agréable", avoue Nguyên Tiên avec un doux sourire.

La mari amena sa femme dans un centre d’apprentissage du langage des signes à Dà Lat (province de Lâm Dông). "J’ai voulu moi aussi suivre ce cours, simplement pour pouvoir dialoguer avec ma femme", dit-il. Car la langue des signes est un système de communication mis en place par les sourds et les malentendants pour communiquer entre eux, mais aussi avec le monde des entendants. Il s’agit d’un langage visuel qui fonctionne comme une langue à part entière, avec son alphabet, son lexique et sa syntaxe.

Les deux fillettes n’ont pas suivi ce cours, mais elles savent exprimer leur amour à leur mère par d’autres manières. Et leur père est toujours prêt à "traduire" certaines idées. "J’ai toujours dit à mes enfants: si nous parlons beaucoup à la maison, maman pourra ressentir un sentiment d’isolement et de la tristesse. Donc, tout le monde s’efforce d’utiliser d’autres formes d’expression que le langage parlé, par exemple la langue des signes", indique le père.

Pour l’aînée, "bien étudier à l’école est la meilleure façon de témoigner de la gratitude à maman". La cadette exprime lui son affection avec des bisous et des sourires. Aidée par son mari, A Niêng fait elle aussi des confidences: "Ma grande douleur est de ne pas pouvoir dire des mots doux à mes proches. Malgré tout, je suis heureuse, car nous arrivons toujours à exprimer nos sentiments".

En apparence, la petite maison silencieuse pourrait sembler triste à en mourir. En fait, elle est inondée d’amour et de bienveillance. Pas de querelles, ni de reproches ou de plaintes. Que des regards de joie et des sourires chaque soir autour du repas. Bien des familles dites "normales" ne pourraient en dire autant…

Nghia Dàn/CVN

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