Une nouvelle espèce de champignon spectaculaire

"Quand on l'a vu pour la première fois, on s'est demandé si c'était bien un champignon !". Marc Ducousso, chercheur du CIRAD au Laboratoire des symbioses tropicales au centre IRD (Institut de recherche pour le développement) de Nouméa, se souvient encore de cette découverte étonnante.

La couleur rose bonbon, presque fluorescente, de ce champignon est totalement inattendue : la palette chromatique de ce règne s'étale plutôt de l'orange au brun, en passant par le jaune. "Les pigments donnant des couleurs roses sont rares chez les champignons", commente le spécialiste.

L'architecture du champignon intrigue également les scientifiques. Elle présente la particularité quasi-unique de former plusieurs étages, ou chapeaux, en forme d'entonnoir, jusqu'à 6, de taille décroissante vers le sommet, tous centrés sur l'axe du champignon. Sa taille peut atteindre jusqu'à 10 cm.

Troisième particularité remarquable, ce champignon, découvert dans une forêt de "chênes gommes ", plusieurs fois centenaires, vit en symbiose avec ces géants de la canopée, en formatant sur leurs racines de petits manchons appelés ectomycorhizes, siège des échanges entre ces partenaires. Les spécimens collectés ont été étudiés par l'équipe du Laboratoire des symbioses tropicales de l'IRD en collaboration avec le Muséum national d'histoire naturelle de Paris. Les ressemblances et les différences observées par rapport aux espèces déjà décrites permettent de classer cette espèce dans le genre Podoserpula. "Compte-tenu de l'étonnement suscité par ce champignon et de l'émerveillement de ses découvreurs, l'épithète miranda sera proposée pour nommer cette espèce", précise Marc Ducousso. Toutefois, bien qu'appartenant à une groupe de champignons dépourvu a priori d'espèces toxiques, il est très peu probable que ce champignon ait un quelconque intérêt gastronomique en raison de son odeur de radis rose et de sa texture fibro-cotonneuse.

La Nouvelle-Calédonie : un point chaud de biodiversité

La biodiversité néocalédonienne est considérée comme la plus grande de la planète, avec le plus haut niveau d'endémisme et une des flores les plus riches. Cet archipel du pacifique Sud, territoire d'outre-mer d'une superficie de 17.000 km2, abrite plus de 3.000 espèces végétales locales. Il tient l'originalité de sa flore à ses sols à haute teneur en métaux lourds, a priori toxiques pour la plante. La flore de Nouvelle-Calédonie a su, au cours de son évolution, trouver des solutions en adaptant sa physiologie pour se développer sur ces sols très particuliers.

Un inventaire titanesque

Depuis 2006, l'équipe du Laboratoire des symbioses tropicales et méditerranéennes constitue au sein du centre IRD de Nouméa un herbier mycologique de plus de 2.000 spécimens. À peine 1% des espèces auraient été décrites à ce jour. En effet, on estime qu'il existe en Nouvelle-Calédonie environ 30.000 espèces de champignons, avec une "identité visuelle" pour 6.000 d'entre eux. Seules 300 espèces sont actuellement décrites. L'ampleur de la tâche d'inventaire est titanesque. Outre l'étape de la découverte, pour 2 jours d'identification, il faut compter 11 jours de description. Cette récente prise de conscience, doublée de l'extrême originalité des champignons calédoniens, a conduit les scientifiques à s'entourer d'amateurs, au travers de la création de l'Association de mycologie de la Nouvelle-Calédonie.

"Au cours des sorties dominicales, relate Marc Ducousso, les trouvailles sont assez rapides sans marcher trop longtemps. Ici, le taux de découverte est anormal comparé à d'autres pays, même si, bien sûr, il faut vérifier que le champignon découvert n'a pas été déjà décrit". Ainsi, pour un genre comme Entoloma, un millier d'espèces sont connues, 24 ont été décrites en 2009 en Nouvelle-Calédonie dont 11 nouvelles. Certains champignons de l'herbier mycologique de Nouméa, comme l'lleodictyon ganrnierii nom prov., peuvent être aussi spectaculaire que Podoserpula miranda. Ce qui peut encore aiguiser l'appétit des amateurs. D'autres présentent un grand intérêt pour les scientifiques. En effet, certaines espèces communes du maquis minier, comme Pisolithus albus, sont dotées de capacités originales de tolérance élevée aux métaux lourds du sol en assurant la protection de sa plante hôte vis-à-vis de ces mêmes métaux. Elles font actuellement l'objet d'études visant à les utiliser dans les processus de revégétalisation des sites miniers.

IRD/CVN

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