Un peu d’histoire: la perte de la capitale royale racontée par le peuple

L’un des , littéralement paroles rimées, les plus connus de la région de Huê, l’ancienne capitale royale, raconte l’échec de l’attaque du régent Tôn Thât Thuyêt contre la garnison française de Mang Cá en juillet 1885.

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Le régent Tôn Thât Thuyêt.

Photo: Archives/CVN

Le est un récit d’actualité qui propage parmi le peuple la connaissance des faits et parfois des mots d’ordre de lutte populaire. Ce genre traditionnel constitue une sorte de journal transmis oralement par les paysans ou par des chanteurs souvent aveugles.

L’un des les plus connus de la région de Huê, l’ancienne capitale royale, raconte l’événement tragique du 5 juillet 1885. Dans la nuit, le régent Tôn Thât Thuyêt (1839-1913) attaqua par surprise la garnison française de Mang Cá. Le coup échoua. À l’aube, les Français lancèrent une contre-offensive qui leur permit d’occuper Huê. La soldatesque coloniale pilla et tua sans merci pendant trois jours. Chaque famille compta au moins un mort ou un blessé dans ce massacre.

Œuvre de 3.000 vers

Ces événements tragiques revivent dans un célèbre vè de l’époque. Nous donnons ci-dessous des extraits de cette œuvre anonyme de 3.000 vers:

"Une fois arrivé, à genoux, le seigneur Duc Nguyên Van Tuong dit à Sa Majesté(1) ces quelques mots:

Cette bataille risque de durer longtemps encore.

Je propose qu’on conduise Votre Majesté hors du Palais

Qu’elle se préserve en sortant de la citadelle.

Car de tous les côtés l’on tire,

De tous les côtés les bolets volent comme des flèches.

Comment serions-nous tranquilles en vous laissant en ce Palais?"

Sa Majesté toute en larmes

Supplie Sa Haute Majesté l’Empereur de Jade(2)

D’être témoin de son vœu de recouvrer le poste de Trân Bình

Pour assurer au peuple une vie sereine.

Juste après deux ans de règne

Qui eût cru le Trône en un tel péril!

Et si l’on est ainsi en péril,

On doit tous ces ennuis à ces bandits de Tây(3)!

L’ancienne capitale impériale de Huê de nos jours.
Photo: CTV/CVN

Sa Majesté alors déclare:

"L’Épée d’Or, le Livre et le Sceau doivent être avec Elle en ce combat"

Et déplore qu’en ce moment d’embarras pour l’État,

Elle n’ait pas encore la gloire, mais ait reçu sa part de peine

Au Protocole d’apprêter palanquin et parasol!

Que les unités Câm Y et Loan Giá préparent le Trône d’Or!

Que les deux régiments Kim Ngo assurent

la protection des Reines.

Les troupes vont en longues files

Et les seigneurs chefs des Armées d’Arrière et de Droite font partie du cortège…

La Porte de Droite atteinte,

Les Tây tirent, leurs canons retentissent

En tumulte, on pleure, on se lamente;

Les poules caquètent, les chiens aboient dans une rumeur de ruche,

Sa Majesté verse des pleurs amers:

Qui eût cru le Trône en un tel péril?

Pour passer l’eau au bac Ke Van,

Officiers et soldats pataugeaient dans la rivière.

À hauteur des bâtiments de l’Église de la Mission,

On s’aperçoit que le Seigneur Due est de mèche avec les Tây

… Il gagne la Mission pour chercher un abri.

Le Seigneur-Arrière et le Seigneur-Droite sont perplexes.

De tous les mandarins civils et militaires, plus personne pour accompagner l’Empereur!

Parvenant à la hauteur de la pagode Thiên Mu,

On tourne le regard vers les palais ruinés.

Tous ces ennuis et périls, on les droit à ces bandits de Tây.

Sa Majesté alors déclare

Qu’il faut tout faire pour que la question se règle bien.

Le Seigneur-Droite, s’agenouillant devant le Trône,

Maintenant loin de la portée des fusils,

Il faut trouver un abri avant de s’occuper d’autre chose.

Mais à l’heure Serpent, les Tây sont venus hisser leurs drapeaux.

Dans la capitale, ce ne sont qu’égarement et trouble:

Après quatre heures d’engagement, les gens sont réduits à l’impuissance.

Des incendies se sont allumés en partant du Marché Neuf.

Ils bouleversent les deux côtés des rues,

Gagnent la préfecture Thua Thiên,

Jettent aussitôt la confusion de tous côtés dans les rues alentour.

L’ennemi a pris la capitale, brûlé ses habitations,

Incendié la caserne Long Vu, puis la caserne Truyên Phong.

Tous ont le cœur serré:

Ils brûlent nos maisons pour nous faire du mal,

Du ministère de l’Intérieur au ministère de la Guerre,

Et les rues où l’on se glisse le long des murs pour se sauver…

Ils brûlent nos maisons jusqu’à n’en rien laisser.

On n’a plus qu’à revenir aux villages pour éviter les balles françaises".

Huu Ngoc/CVN
(Décembre 2004)
(1). Le roi Hàm Nghi âgé de 13 ans.
(2). L’Empereur du Ciel de qui les rois détiennent le pouvoir sur la terre.
(3). Français.

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