Un enjeu majeur pour la Francophonie en Asie

Les JO d’hiver 2018 à Pyeongchang constituent un enjeu politique fondamental du plurilinguisme et de la diversité culturelle pour la Francophonie en Asie. Interview de Michaëlle Jean, secrétaire générale de l’OIF.

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Michaëlle Jean, secrétaire générale de l’OIF.

Mme la secrétaire générale, quelle relation entretiennent la Francophonie et les Jeux olympiques ?

Depuis longtemps, la Francophonie et le Comité international olympique sont associés parce que ce mouvement olympique est né en France et la langue française est, au même titre que l’anglais, inscrite dans la Charte olympique comme langue officielle des Jeux. Pour nous, l’idée n’est pas la langue pour la langue, c’est plutôt de nous assurer le multilinguisme, afin que les francophones venant ici, public ou délégations sportives, soient bien servis.

Dans le domaine de la santé par exemple, c’est terrible pour un athlète francophone de ne pas être compris tout de suite ou de ne pas comprendre ce qu’on dit sur son cas. Les délégations ont besoin de ce service en français. Nous voudrions aussi assurer que chaque pays organisateur adopte le français comme langue de communication et de service des Jeux. La langue est une fenêtre que l’on ouvre sur le monde.

Actuellement, à l’aéroport international d’Incheon, on peut trouver des informations en français comme en anglais sur les panneaux. Et lorsque le pays hôte des Jeux retient nos recommandations, c’est gagnant pour ce pays. La Chine par exemple, lors des Jeux d’été de 2008, avait pris la chose très au sérieux.

Que pensez-vous de l’entrée de la République de Corée dans la communauté francophone, en tant que membre observateur ? Quel sera l’enjeu pour ce pays mais aussi pour la Francophonie ?

Je pense que l’espace francophone est un espace de grand potentiel. C’est toujours un espace d’échange économique. Les peuples se rencontrent aussi par le commerce. Et à travers les échanges commerciaux viennent aussi les échanges culturels, le rapprochement entre les peuples. En entrant dans l’espace francophone, même à titre d’observateur, la République de Corée sait très bien qu’elle entre dans un espace aux riches possibilités. Nous sommes sur les cinq continents. Nous avons à la fois des pays très développés, très industrialisés et ceux qui ont émergé, en émergence, en développement, même peut-être à plus faible revenu. Mais dans tous les cas, il n’y a pas de hiérarchie entre petits et grands pays. Chacun a quelque chose à offrir. Nous sommes des peuples riches de civilisation et d’expériences. Nous sommes riches aussi de cet espace de solidarité que nous avons construit ensemble. C’est un espace de coopération et d’échanges.

La République de Corée était très consciente de ce qu’elle a à offrir mais aussi de ce qu’elle souhaite atteindre. C’est du gagnant-gagnant. Elle dispose de filières très importantes : construction d’infrastructures portuaires, économie verte, urbanisme, solutions contre les changements climatiques, etc. Elle joue cette carte de la culture. Ainsi la K-Pop est-elle devenue un phénomène mondial. Il y a des fans partout. Nous espérons que lors des prochains Jeux de la Francophonie qui vont se tenir dans le Nouveau-Brunswick, la K-Pop sera présente aussi. La République de Corée pourra en profiter pour faire parler d’elle à travers le monde. Nous avons besoin de voir ce pays s’engager en coopération dans d’autres domaines comme les économies du savoir, la connaissance numérique, les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Rencontre des jeunes reporters francophones de l’OIF avec la secrétaire générale Michaëlle Jean, à Pyeongchang, le 8 février 2018.
Photo : Dang Duong/CVN

Les prochains JO se tiendront à nouveau en Asie. Que pensez-vous de l’avenir de la Francophonie, de la présence de la langue de Molière sur ce continent ?

Nous allons voir un langage très sportif. Nous allons voir le français monter en puissance, grâce à ce grand rendez-vous sportif. Je crois que, par exemple, le prochain rendez-vous après la République de Corée, ce pourrait être le Japon. Car ce pays s’intéresse à la Francophonie.

Il considère la possibilité peut-être de rejoindre la Francophonie, et il a déjà des coopérations avec l’espace francophone. Tout comme la République de Corée, avant l’entrée dans l’espace francophone, il mène déjà une coopération par les investissements économiques. On reviendra ensuite en Chine. Vous n’êtes pas sans savoir qu’elle est aussi très présente en Francophonie. Pourquoi? Parce que la Chine sait que la Francophonie est un espace important. Comme la République de Corée, tous ces pays asiatiques ont bien compris l’enjeu politique fondamental du plurilinguisme et le levier puissant que représente la langue française, trait d’union pour agir, échanger, établir des liens et coopérer entre 84 États et gouvernements sur les cinq continents. Nous avons aussi une histoire et une culture en partage. C’est plus simple. Et même les pays dans la Francophonie qui n’ont pas le français comme langue officielle savent que son enseignement comme deuxième ou troisième langue étrangère, c’est leur offrir une possibilité de plus pour engager des discussions et des liens avec le reste du monde.

Nous sommes une communauté de 800 millions de personnes en termes de population, de plus de 274 millions de locuteurs francophones. Les pronostics disent que cela va augmenter et que le français va rattraper l’anglais dans les 30 à 50 années à venir en raison de la démographie très forte des pays francophones d’Afrique. Donc l’avenir de la langue française est en Afrique. Et aussi en Asie. Je suis contente de voir qu’avec la stratégie autant économique que numérique, les pays d’Asie, qui étaient déjà membres à part entière de la Francophonie, reviennent avec beaucoup de motivation et de volonté.

Je pense que chaque grand rendez-vous doit être saisi. Ces Jeux d’hiver de Pyeongchang 2018 sont une façon de faire rayonner ce que nous sommes à travers cette langue, de faire rayonner en tant de perspectives nos réalités dans cet espace, dans ce mouvement dont nous partageons les valeurs, de paix, de dialogue, de respect dans la diversité, de rencontre des peuples. Une occasion de positionnement pour la communauté francophone!


Propos recueillis par Hông Anh/CVN

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