Sri Lanka: le blocage des réseaux sociaux inquiète les défenseurs des droits

La décision des autorités sri-lankaises de bloquer les réseaux sociaux après la série d'attentats meurtriers de dimanche 21 avril illustre la méfiance envers ces plateformes mais certains pointent une atteinte à la liberté d'expression et à l'accès à l'information.

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Au Sri Lanka, les autorités ont décidé de bloquer les réseaux sociaux après la vague d'attentats dimanche 21 avril.

Cette décision est intervenue alors que les réseaux sociaux sont vigoureusement critiqués à travers le monde, accusés de laisser proliférer désinformation et contenus incitant à la haine ou à la violence. Une vague coordonnée d'attentats suicides contre des églises célébrant la messe de Pâques et des hôtels a fait au moins 290 morts dimanche au Sri Lanka.

Selon le groupe de défense des droits numériques NetBlocks, les autorités ont bloqué Facebook, ses filiales WhatsApp et Instagram et son service de messagerie Messenger, mais aussi YouTube (Google), la messagerie Viber ou le réseau social Snapchat.  C'est la deuxième fois que Colombo prend cette mesure, inaugurée l'an dernier lors d'une vague de violences. Une démarche qui illustre le changement radical de l'image des réseaux sociaux, vus il y a encore quelques années - au moment des révolutions arabes de 2011 en particulier - comme les vecteurs d'une expression et d'une information libres.

"Certains gouvernements, dans le monde entier, y compris ceux qui utilisent les réseaux sociaux et les médias d'État, ont compris le risque posé par des plateformes comme WhatsApp", a estimé Jennifer Grygiel, spécialiste du sujet à l'Université de Syracuse (Est). "Ils agissent vite maintenant lors d'actes de terrorisme pour empêcher les rumeurs et d'éventuelles violences, mais la facilité avec laquelle ils peuvent fermer les plateformes montre aussi combien ils ont de pouvoir et de contrôle sur ces compagnies, et (démontre) le besoin de protéger la presse libre", a-t-elle ajouté.

Accélération de la désinformation

Colombo a sans doute été d'autant plus prompt à couper ces réseaux qu'une polémique avait éclaté après un double attentat anti-musulmans en mars en Nouvelle-Zélande: l'assaillant avait filmé la tuerie et l'avait retransmise en direct sur Facebook, qui avait, comme YouTube notamment, eu énormément de mal à supprimer ces images qui s'étaient répandues très vite sur le  web. Selon NetBlocks, la décision du Sri Lanka a, qui plus est, pu être contreproductive.

"Les restrictions d'internet accélèrent la propagation de la désinformation pendant une crise car les sources fiables d'informations sont coupées" aussi, a twitté l'organisation. La décision de Colombo - qui veut maintenir l'interdiction le temps de son enquête - est problématique, pense aussi Amy Lehr, chargée des droits humains au sein du groupe de réflexion américain Center for Strategic and International Studies. "Nous sommes tous dans la compassion en cas d'attentat terroriste mais que se passerait-il en cas de manifestation pro-démocratie en Iran?", s'interroge-t-elle. "Qui décide qu'il s'agit d'une urgence?", demande encore Mme Lehr.

Plus de "safety check"

En bloquant Facebook, le Sri Lanka a aussi bloqué la fonction "safety check", qui permet aux utilisateurs situés dans une zone touchée par une catastrophe de signaler qu'ils sont "en sécurité".

En bloquant Facebook, le Sri Lanka a aussi bloqué la fonction "safety check", qui permet aux utilisateurs situés dans une zone touchée par une catastrophe de signaler qu'ils sont "en sécurité".

"Les gens ont besoin des plateformes numériques pour avoir une information fiable et contacter leurs proches", a estimé sur Twitter Allie Funk, de l'association de protection des droits humains Freedom House. Cette décision est "dangereuse", estime-t-elle. De plus, selon des études universitaires, le blocage des réseaux sociaux est susceptible de mener à davantage de violences au lieu de les limiter.

Jan Rydzak, de l'Université de Stanford (Ouest) avait ainsi écrit en février qu'en Inde, cela "avait été beaucoup plus souvent associé à des hausses de cas de violences collectives". Cette décision est "une conséquence inévitable et malheureuse de l'incapacité des plateformes à arrêter l'amplification" sur Internet des complots et de la colère, pense pour sa part Karen Kornbluh, ancienne conseillère à la Maison Blanche, aujourd'hui en charge des questions de démocratie numérique au sein du think-tank German Marshall Fund.

"Cela illustre l'idée fausse selon laquelle tout changement dans les pratiques des plateformes (internet) aboutirait à étouffer la liberté d'expression (...), si elles continuent à amplifier la désinformation, cela conduira à moins de liberté d'expression sur internet", ajoute-t-elle.


AFP/VNA/CVN

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