Renaissance d'un courant pictural royal à Huê

Le phap lam, un art pictural propre à l'ancienne ville impériale de Huê, a fait sa réapparition ces derniers temps, après une éclipse d'un siècle et demi. Le mérite revient à Nguyên Phuoc Diên, 58 ans, qui a décidé de mettre sa carrière de médecin entre parenthèses pour faire revire ce métier ancestral.

Originaire de Huê, Nguyên Phuoc Diên vit dans sa ville natale, rue Nguyên Khuyên, dans une maison transformée en atelier et en salle d'exposition de peintures phap lam, que seule sa famille peut fabriquer. D'une beauté inégalée, les peintures exposées représentent pour l'essentiel des paysages naturels et des vestiges historiques de renom du pays. "Je les ai créés pour, avant tout, exprimer mon amour envers notre pays si magnifique et ma fierté envers nos ancêtres si talentueux", lance l'artisan. Et d'insister que ces images, représentées au travers l'art du phap lam, se conserveront à jamais. "Mon vœu est de voir ce vieux courant pictural renaître de ses cendres pour s'affirmer comme un métier traditionnel des plus distingués".

Dans cette petite "entreprise" familiale, tous les membres participent et sont spécialisés chacun dans un maillon, formant une "chaîne de production de A à Z".

Du médecin à l'artisan

Avant de devenir "maître" de phap lam, Nguyên Phuoc Diên a travaillé longtemps dans la médecine. Son destin bascule lorsqu'il se retrouve un jour face à des peintures phap lam séculaires. Ce courant pictural a connu ses heures de gloire sous le règne du roi Minh Mang (1820-1841), pour connaître un inexorable déclin sous celui de Tu Duc (1848-1883). Il ne reste aujourd'hui qu'un nombre restreint d'œuvres conservées dans les palais et les mausolées royaux de la dynastie des Nguyên (1802-1945) à Huê. Le plus remarquable est que ces chefs-d'œuvre vieux de 150 ans au moins ont conservé intacte leur beauté d'origine.

"J'ai eu le cœur serré en apprenant que cet art avait disparu", confie Nguyên Phuoc Diên. Après des semaines à réfléchir au moyen de "ressusciter cet art noble", le médecin cinquantenaire a pris une décision courageuse : laisser de côté sa profession pour se consacrer corps et âme à cet art oublié. "Laisser de côté mon métier de médecin pour partir à l'aventure ! Beaucoup de mes connaissances m'ont pris pour un fêlé ! Mais ma décision était prise. L'amour du +phap lam+ l'emportait sur tout le reste", avoue-t-il.

Quatre jours pour un produit

Sensibilité, dextérité, passion et volonté. Les qualités naturelles de ce peintre autodidacte lui ont permis d'atteindre son but, après plus d'un an de recherche et de tâtonnements.

Dans l'atelier de Nguyên Phuoc Diên, toute la famille participe au travail. Si le "maître" prend en charge le dessin des images et des motifs décoratifs, les autres assurent les étapes restantes telles que émaillage, cuisson au four... "Le phap lam exige une maîtrise totale des différentes phases de création", déclare le maître. D'ordinaire, la fabrication d'une oeuvre demande quatre jours. "Au début, les difficultés n'ont pas manqué. Car il suffit d'un détail mal exécuté pour qu'une peinture soit bonne pour la poubelle". Mais, à cœur vaillant, rien d'impossible. Le brave homme a tiré des expériences de chaque échec. Dans un premier temps, il a choisi de représenter des paysages naturels, des sites historiques célèbres.
Les œuvres de Nguyên Phuoc Diên sont hautement estimées des connaisseurs qui y décèlent "un esprit créatif, un sens esthétique, une technique raffinée".
Le peintre autodidacte a l'ambition d'aller plus loin dans le métier, en variant les thèmes et aussi les supports. "Je souhaite que la peinture phap lam soit plus proche de la vie actuelle, mieux appréciée de nos compatriotes et aussi des touristes étrangers", selon ses termes. Une stratégie de reconquête a été tracée, avec comme coup d'envoi une exposition au prochain Festival des villages de métiers de Huê. Espérons que son vœu sera exaucé !
Un processus de production des plus méticuleux

L'art du phap lam a été introduit au Vietnam au début du XIXe siècle, sous le règne du roi Minh Mang. En effet, l'empereur vietnamien avait envoyé des artisans en Chine pour apprendre ce métier artisanal. Le premier atelier national, appelé "phap lam tuong cuc" a vu le jour à Huê. Les produits, d'une beauté fastueuse et d'une grande variété, étaient réservés aux palais et aux mausolées royaux.

Cet art exige de suivre des étapes précises, très techniques, où l'amateurisme n'est pas de mise : enduction d'émail sur le tableau (ou l'objet comme vase, objet d'art) en bronze, cuisson au four, dessin des images et des motifs, recuisson... Il y a aussi des articles qui nécessitent plusieurs couches de peinture, chacune suivie d'une cuisson. C'est grâce à ce travail méticuleux que les peintures phap lam sont inaltérables et peuvent être conservées siècles après siècles.

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