Peinture et poésie : symphonie vietnamo-américaine

L’hiver dernier, j’ai eu le plaisir de rencontrer de nouveau Edward Tick. Toujours le même, avec son air réfléchi, ses paroles prévenantes et ses gestes mesurés, il me donne l’impression d’un prêtre.

De fait, ce Ph.D clinicien psycho-thérapeute d’Alban assume un vrai sacerdoce. Depuis plus de trois décennies, il soigne des vétérans américains de toutes sortes de guerre, y compris les Vets de la guerre du Vietnam. Des individus affolés par des désordres du stress post-traumatique. Tick préconise une méthode originale pour guérir ses malades mentaux dont les troubles psychologiques pourraient détruire l’identité. Il les fait revenir au Vietnam pour visiter leurs anciens champs de bataille et terrains de combat, ainsi que tout le pays, ce afin d’effacer les images d’horreur d’antan par des spectacles de paix, de joie et de création, créant par la communion avec la culture des anciens adversaires, la compassion, l’amitié et la réconciliation.

Edward Tick (gauche) lors d’une visite de travail en janvier 2012 à Hanoi.

C’est pour cette raison que chaque fois qu’il vient au Vietnam avec ses «ouailles», Tick me demande de leur donner un panorama affectif de la culture vietnamienne traditionnelle. Cette fois-ci, il a eu la gentillesse de m’offrir un cadeau modeste mais de grande signification : la brochure Speak Peace : Américain voices respond to Vietnamese children’s painting. Ce livre contient une vingtaine de dessins en couleur d’enfants vietnamiens condamnant la guerre et chantant la paix, et leurs échos, des poèmes d’Américains de tous âges et de toutes conditions, rimeurs occasionnels et poètes professionnels. Il est publié par le Wick Poetry Center de l’Université de Kent, le School of Art Galleries et le Soldier’s Heart, en collaboration avec le Musée des vestiges de guerre de Hô Chi Minh-Ville.

Cadeau modeste mais de grande signification

Depuis son ouverture en 1975, pendant une trentaine d’années, ce musée a reçu plus de 13 millions de visiteurs, sans compter chaque année 500.000 hôtes dont 70% venus de pays étrangers, 75% à 80% des visiteurs vietnamiens sont des jeunes, en particulier des étudiants. Tous les ans, le musée organise un concours de dessins d’enfants sur le thème Guerre et Paix. Il reçoit en moyenne de 1.000 à 2.000 esquisses de jeunes de 4 à 15 ans. De ce puits d’inspiration, le musée en choisit 300 pour une exposition dans son enceinte et une présentation itinérante dans les régions rurales. Les images publiées par le Speak Peace sont toujours sélectionnés à partir de ce concours annuel.

David Hassler, directeur du Wicker Poetry Center, a présenté 70 de ces images sur le site web de son organisation et lancé un appel national pour demander des poèmes en réponse à ces images. Au bout de six mois, il a reçu 1.200 poèmes envoyés de tous les coins du pays. L’adhésion des élèves a été importante.

À la campagne par la jeune Vietnamienne Vu Thi Duong, 15 ans.

Un élève de 17 ans, d’Orégon, a dit : «J’ai écrit mon poème parce que je suis vraiment touché par ce que les enfants vietnamiens ont vu. Je voudrais chercher le meilleur angle d’observation pour savoir comment ils ont vu la guerre et ce qu’elle était pour eux et leurs parents».

Pour le traitement du traumatisme

Le Dr Tick nourrit depuis longtemps l’idée d’amener ces images d’enfants vietnamiens aux États-Unis pour contribuer au traitement des vétérans traumatisés par la guerre. Il me confie : «Un proverbe africain dit : +Mon ennemi est celui dont je n’ai pas écouté d’histoire+. Kate Dahlstedt, co-directrice du Soldier’s Heart et moi, avons conduit plusieurs voyages de réconciliation au Vietnam depuis l’an 2000. Nous avons œuvré par l’immersion des vétérans dans la culture vietnamienne, leur participation aux pratiques spirituelles et curatives traditionnelles du bouddhisme et d’autres croyances. Leurs rencontres avec leurs anciens ennemis, leurs contacts avec l’art vietnamien, par exemple avec l’exposition de dessins d’enfants vietnamiens, tout cela est un salut pour ces âmes blessées par la guerre.

Larmes, dessin du Vietnamien Trân Quy An, 13 ans. 

Au musée des vestiges de guerre de Hô Chi Minh-Ville, j’ai eu l’occasion d’observer des Américains, vétérans et civils, lorsqu’ils regardaient les images réalisées par les enfants vietnamiens. Après avoir vu les galeries présentant de manière précise et honnête les horreurs de la guerre, les visiteurs se sentaient soulagés en entrant dans la dernière salle consacrée à l’exposition de dessins d’enfants. Ces images les attendrissaient, changeant leur état d’âme glacé et tourmenté par l’horreur. J’ai vu des yeux d’Américains remplis de larmes, leurs mâchoires tomber et leur corps trembler. La déshumanisation de soi-même et d’autrui est l’une des pires blessures de guerre. La réhumanisation pourrait se réaliser avec l’art».

Bol R, vétéran et avocat des vétérans, souffrait de blessures de guerre très graves. Après avoir vu cette exposition, il a apporté son aide à des élèves vietnamiens en difficulté et joué avec eux. Il a déclaré : «Pendant la guerre, je voyais les enfants comme des Charlie, des Baby Charlie. Mais maintenant, je les vois comme ils sont, mes propres petits enfants, des êtres humains dotés d’une âme».

Les visiteurs de l’exposition, grâce à l’art, peuvent entrevoir leurs âmes. Ils voient comment ces derniers ont subi la guerre et s’en guérissent, leurs rêves, leurs aspirations, comment ils oeuvrent pour la paix. Ces coups d’œil guérissent, métamorphosent. La poésie de cette exposition, organisée à l’occasion du Millénaire de Hanoi, confirme que les Américains se tournent maintenant vers les Vietnamiens, et que l’humanité, la compassion et les liens amicaux sont en train de remplacer la peur, les blessures et l’ignorance. Nous voudrions dire que cette exposition sert non seulement la guérison des individus, mais encore celle de l’Université de Kant, et de toute l’Amérique après tant de tragiques tueries et celle des relations entre le Vietnam et les États-Unis.

Huu Ngoc/CVN

 

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