Noël à Luncavita : chants et masques pour "chasser les mauvais esprits"

Des silhouettes étranges, vêtues de peaux de moutons et coiffées de masques épouvantables surgissent dans les rues de Luncavita : à la veille de Noël, les jeunes hommes de ce village de l'Est de la Roumanie se déguisent en "mochoï" pour "chasser les mauvais esprits".

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Organisés en groupes d'une vingtaine de personnes, ils se rendent de maison en maison, interprétant des chants et des danses où se conjuguent éléments païens et chrétiens.

"Dans le Sud-Est de l'Europe, de nombreux chants de Noël sont une synthèse entre les anciens cultes du soleil et des hymnes chrétiens", annonçant la naissance du Christ, indique l'ethnologue Doina Isfanoni.

"L'homme s'adresse à la divinité, avec l'espoir que ce rituel va purifier son foyer et que sa prière pour une vie meilleure sera entendue", ajoute-t-elle.

À Luncavita, les chansons sont rythmées par le bruit assourdissant des énormes sonnailles, pesant plus de deux kilos chacune, attachées aux ceintures des "mochoï", qui doivent sauter pour les faire retentir. Si les hôtes sont contents, ils offrent aux jeunes hommes des fruits, des gourmandises ou un peu d'argent.

Un "mochoï" (dérivé de "mos", le mot roumain désignant un vieillard ou un grand-père) "évoque un ancêtre mythique qui vient au secours de l'homme, faisant fuir les forces hostiles", explique Mme Isfanoni.

Cet être fantastique "a une double fonction : d'une part il est destiné à protéger, d'autre part à exprimer l'abondance, à travers le costume" richement décoré, souligne-t-elle.

Le Père Noël 'banni' de Roumanie

Ce rituel ancestral, qui a survécu sous le régime communiste, lorsque le Père Noël était "banni" de Roumanie, a failli disparaître dans les années 1990 avant d'être ranimé par Gheorghe Trandafir, un enthousiaste enseignant local.

Des membres du groupe folklorique "Mosoaiele" du village de Luncavita en Roumanie, le 13 décembre.

"Dès mon enfance, je suis tombé amoureux de cette tradition. Quand j'ai vu qu'elle risquait de se perdre, nous avons commencé à fabriquer des costumes, des masques et des sonnailles pour les donner aux enfants", encouragés à participer à des concours et des fêtes, confie M. Trandafir.

"J'ai 60 ans, je vais bientôt quitter ce monde, mais en aucun cas il ne faut laisser mourir cette tradition, c'est ce qu'il y a de plus beau à Luncavita", ajoute-t-il, précisant que ce rituel attire de nombreux touristes.

Razvan Ion, 17 ans, l'un des membres de l'ensemble des "mochoï" coordonné par M. Trandafir, met la dernière main au costume qu'il va porter le soir du 24 décembre.

Avec du fil de laine rouge, il marque le pourtour des yeux et de la bouche de son masque, confectionné, selon la tradition, d'un potiron dont la tige courbée forme le nez.

"À partir de la Saint-Nicolas, le 6 décembre, tous les soirs nous nous retrouvons chez l'un d'entre nous pour récupérer des rubans, des cocardes et des cornes de bélier", qui décoreront le masque, explique-t-il.

Mobilisation sur Facebook

Comme lui, son père, son grand-père et son arrière-grand-père avaient passé leurs soirées de décembre à se préparer pour la fête des "mochoï".

Les costumes sont transmis de génération en génération et les paroles des chansons sont en ancien roumain, mais les "mochoï" d'aujourd'hui utilisent volontiers Facebook pour se mobiliser et annoncer le programme des répétitions.

À travers la Roumanie, les rituels de Noël -portant le nom générique de "colindat"- sont divers mais comportent souvent des costumes et des masques évoquant des animaux, tels des ours, des chevaux ou des chèvres.

Ces costumes incluent également des éléments végétaux ou minéraux, liés aux occupations ancestrales de l'homme.

À la différence de plusieurs autres traditions, qui ont petit à petit disparu, "le "colindat" est un phénomène vivace, actif, comptant des dizaines de chants interprétés par des groupes de jeunes", souligne Mme Isfanoni, qui remarque l'"originalité des chants, en termes de versification et de métaphores".

Reconnaissant sa valeur, l'UNESCO a d'ailleurs inscrit en 2013 le "colindat" sur sa liste du patrimoine culturel immatériel.

Fier d'incarner un "mochoï", Mihaita Florea, 17 ans, souligne pour sa part l'importance de "préserver une tradition qui existe depuis toujours". Et d'ajouter: "En plus, les filles nous admirent beaucoup".

AFP/VNA/CVN

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