Missionnaires des lettres

Nombreux sont les maîtres qui se portent volontaires pour enseigner dans les régions reculées et montagneuses. Leur mission: faire de bons citoyens.

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Dans une classe du district de Hông Ngu, province de Dông Thap (delta du Mékong).

Le delta du Mékong, en période de saison des crues. Les eaux inondent les champs et les routes, transformant des villages en "îlots". Parmi ceux-ci, le village de Giông Bang, dans la commune de Thuong Phuoc, district de Hông Ngu, province de Dông Thap, proche du Cambodge, qui se trouve isolé au milieu des eaux. Malgré celà, l’école annexe de Giông Bang, de l’école primaire de Thuong Phuoc, comprenant seulement trois salles de classe, fonctionne comme d’habitude.

Une cinquantaine d’élèves, répartis en cinq classes, de la première à la cinquième, y viennent quotidiennement, soit le matin soit l’après-midi. "La plupart des élèves habitent dans des villages voisins. Chaque jour, c’est M. Nhan, paysan et batelier, qui les amène ici en barque", explique le maître Nguyên Van Hop.

Il faut normalement une demi-heure à la barque à moteur pour relier l’embarcadère de Thuong Phuoc à l’école annexe de Giông Bang. Le premier départ a lieu à 06h00, avec à bord habituellement deux maîtres et une vingtaine d’élèves. Parfois, les eaux pénètrent dans la barque, mouillant les habits des passagers.

Un oasis au milieu des eaux

Selon le batelier Nhan, qui prend en charge la tâche quotidienne de transporter les élèves de chez eux à l’école et retour, cette région se situe seulement à 200 m de la frontière avec le Cambodge. À la saison sèche, les enfants peuvent aller à l’école en empruntant des diguettes. Mais, celles-ci sont toujours inondées ou affaissées à la saison des pluies. "Cette année, les eaux semblent monter plus haut que d’ordinaire", observe-t-il.

Les maîtres, outre leurs cartables, portent en plus chacun une gamelle de riz. "C’est notre déjeuner. Car nous devons assurer deux séances de classe du jour", explique Nguyên Van Hop.

En poste dans cette école depuis dix années, il connaît comme le creux de sa main les chemins de cette contrée inondable.

"Parfois, il pleut à verse. Le chemin est tellement boueux que la moto ne peut plus rouler. Et je dois alors marcher sur 5 km", souligne-t-il. Mais, qu’à cela ne tienne. L’important, c’est de pouvoir aider les enfants à étudier et enrichir leurs connaissances générales".

Le maître Nguyên Van Hop (1er plan) à la barque à moteur pour aller à l’école annexe de Giông Bang.

Pour le maître Nguyên Cao Cuong qui, après s’être porté volontaire, est resté à "l’oasis" de Giông Bang ces 20 dernières années, "la plupart des élèves sont issus de familles pauvres. Leurs parents étant partis au loin pour travailler, ils vivent avec leurs grands-parents. Ils subissent beaucoup d’inconvénients. Malgré leur vie matérielle difficile, ils se montrent studieux et ont de l’estime pour les maîtres. J’ai de la compassion pour eux et je ne veux pas les quitter".

Dans une salle de classe, trônent deux tableaux noirs accrochés à deux murs opposés. Les pupitres sont rudimentaires, les écoliers portent des vêtements usés. Le maître Nguyên Van Hop assure en même temps les cours de deux classes - la première et la troisième. Alors que les élèves de la première s’appliquent à épeler des lettres, ceux de la troisième s’affairent aux exercices de mathématiques.

"Il n’est pas facile de donner en même temps deux cours différents. À cela viennent s’ajouter les différences de niveau de connaissances. Ainsi, les plus faibles doivent suivre un cours complémentaire dans l’après-midi", confie Nguyên Van Hop. Mais, pour ces maîtres dévoués, "le  respect des habitants, l’attachement des élèves, leur passion pour les études et leur progression... sont déjà une grande récompense".

Des "héros" de la vie quotidienne

Surnommée "Oasis", la commune de Kon Pne se situe dans une vallée, à une trentaine de kilomètres du chef-lieu de la province de Gia Lai, sur les hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên en vietnamien). Le chemin y conduisant est sinueux, escarpé et traverse des forêts sauvages.

Peuplée pour l’essentiel par les Ba Na, une des ethnies minoritaires du Tây Nguyên, cette commune reculée  abrite une école associant primaire et collège, dotée d’un internat. "L’école primaire-collège de Kon Pne compte près de 300 élèves d’ethnies minoritaires dont 100 vivant en internat. Une vingtaine d’instituteurs doivent assurer une double tâche: enseigner et s’occuper de la vie matérielle des internes", confie le maître Pham Van Hinh, directeur de l’école.

Âgé de 36 ans, il travaille ici depuis 16 ans. À cause de difficultés pour accéder au village, le coût de la vie à Kon Pne est plus élevé qu’ailleurs. Et les enfants doivent participer à de petites besognes pour aider leur famille. Nombreux sont les cas où des élèves des familles pauvres ont dû abandonner leurs études. Les maîtres doivent alors assumer la tâche de venir chez eux  pour persuader leurs parents de leur permettre de revenir à l’école.

"Sans volonté ni persévérance, on ne peut pas travailler longtemps ici. Moi, je suis à l’école de Kon Pne depuis cinq ans. Les premiers temps étaient difficiles. Parfois, j’ai été démoralisée. Chaque jour, je dois faire à moto une vingtaine de kilomètres pour aller à l’école. Maintes fois, le chemin abrupt et glissant m’a fait tomber à terre, provoquant parfois des blessures. Mais j’ai résisté. J’aime mes élèves studieux qui me donnent du courage", confie la maîtresse Nông Thi Thuy, 23 ans.

La maîtresse Ro Ô H’anh, de l’ethnie Jrai, doit être un cas particulier. Comme la coutume le veut, elle s’est mariée à l’âge de 14 ans. Mais, "pour les lettres", elle a continué ses études avant d’être admise à l’Université de Quy Nhon, spécialisation en littérature. Sortie de l’Université avec un diplôme mention assez bien, Ro Ô H’anh s’est portée volontaire, avec son mari, pour travailler à l’école de Kon Pne. Depuis six ans, sa famille s’est installée dans cette contrée reculée. "Malgré des difficultés, nous avons une vie heureuse avec nos deux enfants qui sont tous nés ici", confie-t-elle tout simplement, avec un sourire. Sans imaginer que les enseignants courageux et dévoués dans ces régions difficiles sont dignes d’être glorifiés comme héros.


Nghia Dàn/CVN

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