Mal à l'ouïe...

Le Vietnam bouge. Le Vietnam change. Le Vietnam évolue. Le Vietnam se modernise. Mais le Vietnam est toujours aussi bruyant de vie, à donner le tournis à celui qui y fait ses premiers pas...

Dans chaque coin de rue et à toute heure, les haut-parleurs des vendeurs ambulants offrent aux passants une partition de publicités diverses.


Certes, il existe au Vietnam des endroits où le temps semble s'être arrêté, et où seul le chant des cigales et des oiseaux trouble le silence de profondes vallées ou de plateaux balayés par le vent.
Certes, il n'est pas rare, dans ces mêmes contrées, de parcourir des dizaines de kilomètres sans rencontrer âme qui vive. Mais dès que l'on s'approche des grosses bourgades ou des grandes villes, le Vietnam moderne nous saute aux oreilles et nous prend à bras le corps ! Amoureux du silence et de la vie d'ermite, s'abstenir.

Réveil en fanfare !

Bienvenu dans le royaume du Bruit ! Tout commence le matin vers 06h30, par le réveil matinal des haut-parleurs publics, qui diffusent annonces, informations et musique entraînante, dans les quartiers et les villages. Il est vrai que pour qui n’est pas habitué, entendre l’Arlésienne ou des extraits de Carmen, dès potron-minet, a de quoi surprendre. Et on ne compte plus les touristes réveillés en sursaut, qui le front en sueur et le cœur palpitant, se précipitent à la fenêtre pour vérifier s’il ne s’agit pas là d’une annonce d’évacuation à la population ! Quand, rasséréné par le spectacle tranquille de la rue, le touriste se replie sous ses draps douillets, il doit subir une seconde épreuve, qui elle durera jusqu’au soir : le bruit du klaxon !


Le klaxon a certainement été inventé pour le Vietnam. Pas une seconde sans que retentisse le son de ces instruments impétueux et tempétueux ! Je dis bien «ces instruments», car il existe plusieurs types de klaxons. Le plus répandu est le klaxon modeste des motos, à son uniforme et monotonal. Il permet simplement de signaler sa présence à ceux qui précèdent pour éviter les collisions dues à leurs intempestifs changements de direction. Il y a ensuite le klaxon de moto à ton modulé, communément nommé «klaxon à l’italienne». Celui-ci, c’est le klaxon des machos, qui permet à son propriétaire de se faire remarquer au milieu de la foule anonyme, et de zigzaguer allègrement, en coupant la route au mépris de sa sécurité. Puis, dans le registre supérieur, on trouve, le klaxon des voitures.
Puissant, ferme, décidé, il annonce en général l’arrivée du véhicule, mais peut aussi, lorsqu’il est répété rapidement, manifester l’impatience du conducteur automobile vis-à-vis de ses congénères qui l’empêchent d’avancer à la vitesse qu’il a choisit. Enfin, au niveau supérieur, impérial et tonitruant, il y a le klaxon des bus et des camions ! Celui-ci signifie : «J’arrive, dégagez le passage parce que moi je ne m’arrêterai pas ! Et je suis le plus gros». En général, on obtempère à un tel ordre, surtout que le rapport de force entre la plus grosse des motos et le plus petit des camions est toujours en faveur du second ! Ceci étant il convient de relativiser l’effet du bruit des klaxons. En effet, s’il intervient pour partie sur l’équilibre nerveux du touriste, il modifie peu le comportement des conducteurs qui continuent souvent leur trajectoire rectiligne, sans se soucier de la masse lancée à vive allure qui leur fonce dessus.


Orchestre... disharmonique !

Si, résigné à se lever, notre touriste décide de sortir pour aller déjeuner, il s’aperçoit alors, que, dans la rue, le klaxon cohabite disharmonieusement, avec les bruits des nombreux petits métiers qui nous offre une partition de sons divers : annonces criées par les marchandes ambulantes à vélo qui circulent dans les quartiers : «Vente de petits pains !», «Ramassage de cartons et papiers !», «Soupe chaude !», «Fruits frais !»...; musique des instruments ambulants de pesée et mesure, qui sur des airs de folk ou disco, essaient d’attirer les candidats soucieux de leur santé ; marteaux, scies et autres outils des artisans qui œuvrent sur les trottoirs ou sous le porche de leur magasin.
Le tympan affolé, l’oreille en berne, le touriste entre dans un petit restaurant pour, pense-t-il profiter d’un moment d’accalmie en mangeant. Las ! Il s’aperçoit alors que, habitué à un niveau sonore élevé, le vietnamien parle fort, et rit encore plus fort ! Et ce pauvre touriste, de se retrouver dans un brouhaha de conversations, qui pour une oreille inexercée pourraient passer pour des disputes permanentes. Mais sa torture vestibulaire (du nom d’une partie de l’oreille, utile pour la perception des sons), ne s’arrête pas là. Car, au dessus de ces toniques conversations, trône le bruit de la radio ou de la télévision ! Chansons, sport, films d’actions, comédies et rires, tout le panel de ce que peuvent offrir les médias comme spectacles bruyants, défilent à longueur de journée dans les haut-parleurs généreux des gargotes, restaurants et autres cafés…


Grosse musique de nuit !

On pourrait penser que, à la tombée de la nuit, le bruit s’atténue, et qu’enfin l’oreille et le système nerveux trouveront quelque repos. Erreur ! Quand s’allument les lampions et les devantures des magasins, un autre bruit naît, enfle, et éclate dans la nuit : celui des karaokés. Le karaoké c’est un bruit multiplié par deux : celui de la bande vidéo qui produit la musique d’accompagnement, et celui de l’apprenti-chanteur qui entonne la chanson au micro. Et, c’est toujours pour moi un sujet d’étonnement, que d’entendre ces futurs candidats aux émissions de radio-crochets, hurler des chansons d’amour, que l’on s’attendrait à susurrer délicatement. Je me demande quel est l’effet sentimental de se faire crier dans l’oreille des mots du type «Mon amour, pour toi je donnerai la lune, le ciel et ma vie», ou «Main dans la main, viens découvrir le bonheur !».
En tout cas, à défaut de satisfaire les tympans, cela semble combler d’aise les spectateurs qui reprennent en chœur les refrains, avec autant de vigueur ! Bon, tout cela, n’est pas bien grave, se dit-on, tout a une fin, et tous le monde ira se coucher. Alors, quel calme, ce sera ! Hélas, la nuit, quand les hommes dorment (très tard) vivent encore les chiens et les chats. Les premiers aboient quand les seconds passent, ou à chaque mouvement imprévus dans leur environnement olfactif, et les seconds, sans doute émoustillés par les chansons d’amour entendues précédemment, ne cessent de miauler, avant, pendant et après leurs opérations de séduction !

Bon, je vous quitte, car je dois baisser le son du téléviseur que ma fille a tendance à confondre avec un karaoké, couvrir la cage des oiseaux qui chantent à tue-tête au rythme des hurlements du chien de la maison d'en face, et aller jeter un seau d'eau sur mes voisins qui ont choisi cette heure tardive de la nuit pour s'agonir d'injures ! Ainsi va la vie ici...

Gérard BONNAFONT/CVN

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