L'UNESCO à Paris commémore le 120e anniversaire du Président Hô Chi Minh

À l'occasion de la cérémonie commémorant le 120e anniversaire de naissance du Président Hô Chi Minh (le 19 mai), qui a eu lieu le 14 mai à Paris, Hans d'Orville, directeur-général adjoint p.i. et sous-directeur général pour la planification stratégique de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), a donné à Paris son discours sur la vie et la personnalité éminente de ce leader vietnamien. Nous reproduisons ci-après de larges extraits de son discours.

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de poser devant vous une question un peu provocante. "Qui était Hô Chi Minh en 2010 ?". Pour les gens de ma génération, il fut une figure de l'actualité et une cible des manifestations des étudiants globalement, pour les générations qui suivent, il est une figure de l'histoire qui appartient au passé. Mais pour nous tous, il est un symbole à méditer aujourd'hui encore.

Libérateur, résistant, Hô Chi Minh fit la guerre, mais il a ciblé la liberté et l'indépendance de son peuple. Pour les Vietnamiens et le monde, c'est d'abord un homme de paix et de conciliation dont nous reconnaissons qu'il a marqué le développement de son pays, de sa région et du monde.

L'année 2010 est le 120e anniversaire de sa naissance et l'occasion également de se rappeler qu'en 1990, l'UNESCO avait compté le centenaire de cette naissance au nombre des célébrations d'anniversaires de personnalités éminentes. Aux yeux de la conférence générale, le Président Hô Chi Minh est un symbole de "l'affirmation nationale, qui a consacré toute sa vie à la libération nationale du peuple vietnamien, contribuant à la lutte commune des peuples pour la paix, l'indépendance nationale, la démocratie et le progrès social".

La figure d'Hô Chi Minh est porteuse d'idéaux qui incarnent les aspirations des peuples dans l'affirmation de leur identité culturelle et la promotion de la compréhension mutuelle. On ne pouvait manquer, également, de considérer sa contribution importante et multiforme dans les domaines de la culture, de l'éducation et des arts. "Cette contribution cristallise en effet la tradition culturelle plusieurs fois millénaire du peuple vietnamien ".

Cette grande richesse du Vietnam est partout connue et en premier lieu à l'UNESCO. L'ensemble de Monument de la ville de Huê, la vieille ville de Hôi An, le sanctuaire de My Son font partie des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial culturel de l'UNESCO. Nous avons également classé la baie de Ha Long et le parc national de Phong Nha-Ke Bàng au Patrimoine mondial naturel. La liste du patrimoine immatériel compte, parmi ses 166 éléments, les musiques et danses de la cour royale de Huê, le Nha Nhac, ainsi que l'espace des gongs du Tây Nguyên. Il faut également signaler que Hanoi, qui fête ses 1.000 ans, avait reçu le prix de l'UNESCO de "Ville de paix", pour son palmarès impressionnant de réussite, en particulier dans des domaines tels que la restauration de monuments, l'appui aux échanges culturels et artistiques, la promotion de l'artisanat traditionnel, l'amélioration des services de santé pour le troisième âge, la protection de l'environnement et la création de zones vertes. C'est une telle vision intégrale et respectueuse de l'humain qu'Hô Chi Minh a su exprimer tout au long de son existence.

Son action politique est d'abord centrée sur les droits des personnes et des peuples. Lorsque le 2 septembre 1945, il proclama l'indépendance de la République démocratique du Vietnam, sa déclaration commençait par des mots directement repris à la Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique : "Tous les hommes sont nés égaux". Sa vision anticipait donc directement ce que les Nations unies proclameront 15 ans plus tard, en 1960, avec la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux, où il est dit que "La sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l'homme, est contraire à la Charte des Nations unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales".

Formé dans la tradition confucéenne autant qu'occidentale, Hô Chi Minh a forgé sa pensée dans un creuset de différences. De ses différences, il a su tirer une synthèse authentiquement vietnamienne.

Selon lui, le Confucianisme mettait l'accent sur le progrès moral de l'individu, le christianisme sur la bienveillance et marxisme sur la dialectique.

Digne héritier des traditions du Vietnam, Hô Chi Minh en a toujours exprimé la richesse autant que l'ouverture sur le monde.

Ses multiples voyages ont fait d'Oncle Hô un citoyen du monde et un ambassadeur mondial du Vietnam. À partir de 1911, à 21 ans, il va aller- souvent pour vivre et travailler très modestement au début - en Grande-Bretagne, en France, aux États- Unis, en Union soviétique ou en Chine. Sur la liste des multiples influences qu'il a intégrées, on pourrait aussi mentionner celle qu'il prit à New York de Marcus Garvey, fondateur de l'Association universelle pour l'amélioration de la condition noire et qui marqua un grand nombre de penseurs d'hommes politiques dans toutes les régions du monde.

Cette sensibilisation d'Hô Chi Minh aux enjeux de l'émancipation fut particulièrement renforcée après la Première Guerre mondiale, lorsqu'il se révéla que le traité de Versailles n'appliquait pas le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes aux colonies, et donc au Vietnam, Hô Chi Minh se fit alors appeler, à son arrivée en France, Nguyên le patriote - mais il ne s'agissait nullement d'un patriotisme étroit ou exclusif : on en a la preuve dans le fait qu'il appartenait aux membres fondateurs du Parti communiste français, où il se fit remarquer par ses interventions sur le sort des colonies.

C'est à ces traits qu'on reconnaît la grandeur d'Hô Chi Minh : il ne rejetait pas un pays, parce que colonisateur, il rejetait une relation inégale et injuste, qu'il a dénoncée dans un livre publié en France où il fit le procès de la colonisation. Je cite le mot fameux d'Hô Chi Minh : " Il n'est pas de bien plus précieux que l'indépendance et la liberté ".

Telle parole a valeur universelle. Hô Chi Minh n'était donc pas seulement l'éclaireur de son peuple, mais également un éclaireur de la Francophonie, une organisation dont le Vietnam est membre et avec laquelle l'UNESCO entretient les meilleures relations.

Homme de dialogue, homme de culture, Hô Chi Minh doit continuer d'être célébré, par les Vietnamiens, bien sûr, mais par le reste du monde à commencer par l'UNESCO, responsable en cette année 2010 de l'Année internationale du rapprochement des cultures. Les voyages qu'il a faits, les influences qu'il a connues et, surtout, la fusion qu'il a élaborée à partir de cette diversité, font d'Hô Chi Minh un éducateur à la vie dans un monde globalisé.

Nous vivons en effet dans un monde marqué de plus en plus par une interdépendance croissante dans tous les domaines de l'activité humaine. Comme l'a déclaré la directrice générale de l'UNESCO, Mme Irina Bokova, "en réponse au sentiment de vulnérabilité qui s'insinue à tous les niveaux, (...) la nécessité s'impose d'inventer de nouvelles modalités d'action pour sauvegarder la cohésion sociale et préserver la paix".

C'est la conscience de cette nécessité qui a conduit l'Assemblée générale des Nations unies a proclamé 2010 Année internationale du rapprochement des culturels et à désigner l'UNESCO pour jouer le rôle de chef de file dans la célébration de cette année, compte tenu de son expérience de plus de 60 ans en faveur "de la connaissante et de la compréhension mutuelle des nations".

La vie et les positions de Hô Chi Minh indiquent nettement qu'il n'aurait pas renié une telle entreprise, qui repose sur le respect mutuel des cultures et des régions du monde. L'objectif de cette année internationale est d'aider à dissiper les amalgames nés des ignorances, des préjugés et des exclusions qui engendrent tensions, insécurité, violence et conflits. Il s'agira, en militant pour le dialogue et la connaissance réciproque, de favoriser le respect pour la culture de l'autre, et de briser les barrières entre les différentes cultures. Car l'échange et le dialogue entre les cultures sont la meilleure arme pour construire la paix.

Représentant de l'UNESCO, je ne puis, dans cet horizon de la paix, oublier que le père de la libération du Vietnam a été enseignant et que l'émancipation du Vietnam signifiait pour lui une "lute contre 3 ennemis : la famine, l'ignorance et l'impérialisme agresseur". L'éducateur véritable est un libérateur, le libérateur véritable est un éducateur. L'approche d'Hô Chi Minh se rejoint le mandat de l'UNESCO, qui, en vertu de son acte constitutif, "imprime une impulsion vigoureuse à l'éducation populaire et à la diffusion de la culture ".

Né en un temps où la plus grande partie des masses mondiales vivaient l'illettrisme, cette pauvreté immatérielle qui redouble souvent la pauvreté matérielle, Hô Chi Minh aurait apporté tout son soutien aux objectifs de l'éducation pour tous. En 1945, dans son appel pour la lutte contre l'analphabétisme, il déclarait "Pour raffermir l'indépendance nationale, pour renforcer et enrichir le pays, il faut que chacun de nous sache exactement quels sont ses droits et ses devoirs, qu'il possède des connaissances nouvelles pour pouvoir participer à l'édification nationale. Avant tout, il faut que chacun sache lire et écrire (...). Les illettrés feront des efforts pour s'instruire. Le mari apprendra à sa femme, l'aîné au cadet, les enfants aux parents, le maître de maison à ceux qui vivent sous son toit. Les riches installeront chez eux des classes pour les analphabètes.

Quant aux femmes, elles doivent étudier avec d'autant plus d'ardeur que d'innombrables entraves les ont empêchées jusqu'ici de s'instruire. L'heure est venue pour elles de rattraper les hommes et de se rendre dignes d'être des citoyennes à part entière ".

Ce message a plus de 60 ans, mais l'esprit qui l'anime, et notamment son attention aux inégalités de condition ou de genre, est universelle et sans âge. On le trouve justement reflété dans le titre du dernier Rapport mondial de suivi de l'éducation pour tous, Atteindre les marginalisés. Selon ce rapport, on compte encore aujourd'hui 72 millions d'enfants non scolarisés, dont 54% sont des filles, et 759 millions d'autres illettrés, dont les trois-quarts sont des femmes. Aussi, on doit reconnaître que le message d'Hô Chi Minh est mondial et il a conservé toute sa force, parce qu'il est tourné vers le futur. Comme il l'a dit lui-même : "Planter des arbres en prévision des décennies futures. Éduquer les jeunes générations au profit du siècle à venir ".

Pour reprendre ma question du début, " Qui est Hô Chi Minh en 2010 ? ", je dirais eu final que son identité tient peut-être dans ce souci permanent d'un futur fondé sur la justice et l'équité, l'inclusion, le savoir diffusé et partagé, la diversité culturelle et le rapprochement des cultures. C'est cette dimension universelle de l'homme Hô Chi Minh que nous célébrons à l'UNESCO.

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