Les romans en vers nôm

Inventé au XIIIe siècle ou plus tôt, le nôm est l’écriture idéographique sino-vietnamienne, essentiellement phonétique, pour transcrire les sons vietnamiens. Les romans en vers nôm ont fleuri au XVIIIe siècle.

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Le roman "Luc Vân Tiên" en vers "nôm" de Nguyên Dinh Chiêu.
Photo: CTV/CVN

Nous sommes reconnaissants au Centre de l’École française d’Extrême-Orient à Hanoï d’avoir publié, à titre posthume, l’Univers des Truyên nôm de Maurice Durand (1914-1966), l’une des grandes figures de la vietnamologie française.

Les œuvres populaires constituent un trésor de notre littérature nationale. Elles portent un cachet essentiellement vietnamien tant par le contenu que par la forme du vers 6-8 pieds spécifiquement vietnamien et l’emploi des caractères nôm (nôm, idéogrammes vietnamiens, est une déformation phonétique de Nam = Sud, pays du Sud, c’est-à-dire Vietnam).

Patrimoine culturel propre

Les idéogrammes vietnamiens (nôm) avaient été inventés vers le XIIIe siècle ou avant pour transcrire les sons vietnamiens. Ils sont formés par la combinaison d’éléments sémantiques et phonétiques empruntés aux caractères chinois.

Maurice Durand estime qu’"il est certain que l’engouement affiché pour tous ces romans provient d’un esprit nationaliste qui, dans sa pieuse fierté, a voulu constituer, à juste raison, un patrimoine culturel propre qui permettait d’affirmer la personnalité politique du peuple vietnamien".

Apparus sans doute dès les XVIe et XVIIe siècles, les romans en vers nôm ont fleuri au XVIIIe siècle, en pleine crise féodale. Les œuvres populaires transcrites en nôm tendent à une forme plus stable que dans la simple version orale. Certains pensent que ces récits doivent leur essor à l’émergence d’une nouvelle classe urbaine, celle des marchands, dont certaines idées sont en contradiction avec l’idéologie féodale et qui, par cela même, cadrent avec les aspirations des masses populaires si durement exploitées.

Le "Truyên Kiêu", roman en vers "nôm" de Nguyên Du, a fait l’objet de nombreuses rééditions.
Photo: CTV/CVN

Les récits, tout en conservant l’esprit et les caractères des contes anciens, s’enrichissent de qualités propres au roman: personnages plus individualisés, intrigue mieux construite, caractère dramatique de l’action, peinture psychologique et sociale plus poussée. Cependant, ils conservent les traits lyriques et le même fonds moral et philosophique. Ils exaltent le héros et stigmatisent le vilain. S’ils louent l’aspiration au bonheur, l’idéal prôné ne dépasse pourtant pas les limites des conceptions confucéennes et bouddhiques. Leurs vœux se bornent à souhaiter le règne d’un monarque éclairé, soucieux d’édifier une communauté sociale pacifique.

Soulignons que la plupart rendent hommage à la femme, résignée mais intelligente et d’une fidélité au mari à toute épreuve.

Chefs-d’œuvre de la littérature nationale

De nombreux romans en vers nôm ont fourni des sujets au chèo (opéra populaire) et même influencé les ca dao (chansons populaires). Passons en revue les plus aimés du peuple…

Pham Tai et Ngoc Hoa constitue le réquisitoire le plus violent contre le régime féodal, s’attaquant même à la toute-puissance du roi. L’œuvre chante l’amour pur entre deux êtres de classes sociales différentes. L’héroïne, rompant avec la passivité féminine traditionnelle, défend avec acharnement son bonheur.

Dans Pham Công - Cúc Hoa, un étudiant pauvre, qui se fait bûcheron pour vivre, épouse une fille de riche condition. Devenu mandarin et général, il sort vainqueur de toutes les épreuves semées sur son chemin par le mal et descend jusqu’aux enfers pour retrouver sa femme.

Hoàng Truu exprime une conception, hardie pour l’époque, de l’amour et de la femme: amour fondé sur les sentiments réciproques, avec une femme prenant en main son propre destin.

Le bûcheron Thach Sanh est l’incarnation de la loyauté.

L’histoire de la Boddhisattva Thi Kính chante la constance admirable avec laquelle une femme supporte les injustices.

La plupart des romans en vers nôm sont anonymes. Mais le genre a connu une telle vogue que des œuvres signées de lettrés renommés ont fait leur apparition, à l’image du Truyên Kiêu de Nguyên Du (XVIIIe siècle) au Nord et de Luc Vân Tiên de Nguyên Dinh Chiêu au Sud.

Huu Ngoc/CVN
(Février 1999)

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