Les remakes: "poule aux œufs d’or" du 7e art vietnamien?

Une fièvre des remakes s’est emparée des studios de cinéma au Vietnam. Avec pour avantage de pouvoir corriger les faiblesses des productions étrangères, les adaptations cinématographiques vietnamiennes vont elles devenir la manne financière principale du secteur?

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"Thang nam ruc ro" a rencontré un succès fou dans les salles.
Photo: SGTT/CVN

La tendance a été inaugurée par le succès du long-métrage Em là bà nôi cua anh (Tu es ma grand-mère, adapté du film sud-coréen Miss Granny), véritable carton au box-office vietnamien. Viennent ensuite Ban gai tôi là sêp (Ma copine est la cheffe, adapté du film thaïlandais ATM Er Rak Error), Sac dep ngàn cân (200 pounds beauty, Corée du Sud), Yêu di dung so (Spellbound, Corée du Sud) et d’autres productions récentes telles que Thang nam ruc ro (Les mois ensoleillés, Sunny, Corée du Sud), Ông ngoai tuôi 30 (Grand-père à 30 ans, Scandal Makers, Corée du Sud) ou encore Yêu em bât châp (Mon effrontée, My Sassy Girl, Corée du Sud) sorti le 6 avril dernier. De la même façon devrait être mis à la disposition du public Les 500 jours d’été (500 days of summer, États-Unis).

Après seulement 10 jours de projection, la version vietnamienne du film coréen Sunny, Thang nam ruc ro a rencontré un succès fou dans les salles, permettant ainsi aux producteurs d’engranger 65 millions de dollars. De la même façon, Em là bà nôi cua anh avait enregistré 102 millions de dollars, instituant un record et étant de fait propulser au 3e rang du film le plus rentable de l’histoire vietnamienne. Sorti au cinéma pour le Têt dernier, Ban gai tôi là sêp a également été l’occasion de l’établissement d’un record avec 16 millions de dollars de recette lors des quatre premiers jours de projection.

En plus des succès commerciaux, les films précités parviennent à introduire des éléments de "l’âme vietnamienne" sans altérer la qualité du film. Ceci permet au public de s’identifier plus facilement et de se fédérer le temps d’un film. Par exemple, dans le Miss Granny à la sauce vietnamienne furent utilisées des chansons populaires composées par le célèbre compositeur Trinh Công Son.

Le réalisateur du film Ban gai tôi là sêp, Hàm Trân, est même aller plus loin en remaniant intégralement les éléments du film original (contexte social, dialogues, personnages, etc...)

L’affiche du film Ban gai tôi là sêp (Ma copine est la cheffe, adapté du film thaïlandais ATM Er Rak Error.
Photo: HHF/CVN

Dans la même veine, le film Thang nam ruc ro se déroule entre 1975-2000 au lieu de 1980-2010 dans la version originale et inclut des chansons vietnamiennes comme Yêu (amour), Kim, Vêt thù trên lung ngua hoang (La tâche sur dos du cheval sauvage) pour mieux coller aux émotions des personnages…

Ce tour de main tord le cou à un lieu commun attaché aux remakes: ce genre de production ne laisse aucune place à la créativité. Le réalisateur Nguyên Quang Dung, célèbre pour son film Thang nam ruc ro, explique: "Le problème ne se trouve pas vraiment dans la question de la créativité en elle-même. Dans les faits, les remakes comportent une double difficulté: ils ne doivent pas être des décalques maladroits de l’œuvre original mais ils doivent également ne pas en être trop éloignés afin de maintenir le spectateur dans sa zone de confort. C’est pour cela que, personnellement, je regarde toujours les long-métrages originaux un nombre incalculable de fois pour en proposer une nouvelle version".

Les scénarios inventés ne sont pas toujours assurés du succès

Sac dep ngàn cân (200 pounds beauty) est une copie sans âme de l’original.
Photo: PLDS/CVN

Il faut dire que, de base, réussir un film, production originale et remake, est déjà une prouesse en soit. Au Vietnam, les remakes permettent de contourner un problème récurent des productions nationales: le scénario. On comprend dès lors tout l’intérêt de la discipline pour le 7e art vietnamien.

Afin d’illustrer ce problème, on peut citer le film Sac dep ngàn cân (200 pounds beauty) qui, bien que bénéficiant d’un budget conséquent, est une copie sans âme de l’original – parfois à la scène près – alors qu’entre l’œuvre d’origine et son double s’est écoulé 11 années. Le long métrage traitant de la chirurgie esthétique, une "mise à jour" du sujet aurait été bienvenu et aurait même ajouté une curiosité comparative au produit fini.

Un bon scénario, un bon réalisateur et un bon producteur suffisent-ils à la production d’un bon remake? La réponse est clairement "non". L’échec de Sac dep ngàn cân peut trouver sa source dans le fait que le nom vietnamien est la traduction directe du coréen. En gardant la même dénomination, la nouvelle production souffre forcément des comparaisons avec son original. La réception par le public dépend donc largement de la réputation du film d’origine et des ressemblances que le producteur a bien voulu mettre en avant ou aplanir. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la traduction du titre My Sassy girl en yêu em bât châp - plutôt qu’en Cô nàng ngô ngao - comme une manière de mettre une distance entre la production "mère" et "fille".

Il est à noter que ce changement d’appellation n’est en rien une garantie de succès. On se souvient en cela du cas malheureux de Yêu di dung so, remake du film Spellbound et échec critique et commercial retentissant.

En guise de conclusion on pourra dire que les remakes constituent une bonne base de développement pour le cinéma vietnamien mais qu’ils ne sauraient être considérés comme une formule magique pour produire des bons films. En effet, pour que la version vietnamienne soit acceptée par le public domestique, les remakes ont besoin de beaucoup d’autres éléments favorables, y compris un vrai changement dans le travail de création afin de pallier au problème scénaristique, dont le but ultime est de pouvoir mettre le doigt de manière authentique sur les émotions des spectateurs.

Nguyên Tùng/CVN

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