Les lithophones ou l'âme musicale du Tây Nguyên

Le Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre) est le berceau des lithophones (dan da) du Vietnam.

C'est même sur ces hautes terres qu'a été découvert en 1949, par le professeur Georges Condominas, le plus ancien lithophone de l'humanité.

Jadis, dans les régions montagneuses du Centre Vietnam, des hommes ont su créer des instruments de musique à partir de roches, que l'on a appelés ñaøn ñaù. Il s'agit d'un instrument très rudimentaire créé par des gens d'ethnies minoritaires des hauts plateaux du Centre, comprenant généralement une douzaine de pierres plates qui, frappées par une "baguette" en pierre, émettent des sons différents. "À travers ces sons modulés, cet objet semble pouvoir exprimer pensées et sentiments, tel un être humain", observe le professeur-Docteur en musicologie Trân Van Khê. Selon lui, la palette sonore du lithophone est très large. À tel point qu'il fut vénéré par les hommes d'antan comme un objet magique reliant le monde terrestre à celui des ténèbres, les êtres humains aux divinités, le présent au passé.

Lâm Dông, pays des pierres sonores

La province de Lâm Dông, dans la partie Sud du Tây Nguyên, abrite le plus d'anciens lithophones. C'est là que le plus vieux lithophone de l'humanité, celui de Ndulieng Krat, a été découvert en février 1949. Cet ensemble porte le nom d'un village riverain du fleuve Krong Knô, autrefois relevant de la province de Lâm Dông (actuellement de la province de Dak Nông). C'est un ethnologue français, le professeur Georges Condominas, qui a vu dans ces pierres éparpillées un instrument de musique, vieux de 4.000 ans et plus. Composé de 11 roches, le lithophone de Ndulieng Krat est conservé au Musée de l'homme, à Paris.

Après le Ndulieng Krat, bon nombre d'autres lithophones ont été mis au jour dans la partie Sud du Tây Nguyên dont, parmi les plus célèbres, ceux de Hoa Nam (découvert en 2003) et de Liên Dâm (en 2008).

Le lithophone de Hoa Nam se caractérise par ses 20 pierres, un record. En juin 2003, un paysan d'ethnie Co Ho, du village de Bo Nom (district de Di Linh, province de Lâm Dông), est tombé par hasard sur des rochers taillés, placés par ordre de taille, dans un abri souterrain d’un mètre de profondeur, situé dans son jardin. Il les a utilisés pour... daller une allée. La nouvelle de la découverte de ces pierres bizarres, aux sons étranges, est arrivée quelques années plus tard aux oreilles de certains fonctionnaires de la province chargés des affaires culturelles. Mais les pierres avaient été dispersées ici et là dans la région. En 2008, le peintre Luong Nguyên Minh, un fonctionnaire du musée de Lâm Dông, réussit le tour de force de rassembler l'ensemble, qui est depuis exposé au musée. Les experts ont conclu récemment que ce lithophone a entre 2.000 et 5.000 ans. La plus grande des pierres mesure 151 cm de long et 22 cm de large ; et la plus petite, 53 cm x 10 cm.

Le lithophone de Liên Dâm, quant à lui, a été découvert en 2008, aussi dans le district de Di Linh. "Sa découverte étant récente, ce lithophone doit être le seul du Tây Nguyên à avoir conservé son caractère originel", remarque le directeur du musée de Lâm Dông. Selon lui, il aurait 3.000 ans.

Toujours à Lâm Dông, d'autres lithophones ont été découverts ici et là par les habitants, tels que ceux de Blao, Da Long, Di Linh… Dans l'ensemble, ils ont connu une "vie errante", avant d'être réunis, pas toujours avec la totalité de leurs pièces, au musée.

Khanh Son, l'atelier des lithophones

Outre Lâm Dông, on a trouvé ces dernières décennies de nombreux lithophones dans d'autres localités des hauts plateaux du Centre, comme Kon Tum, Dak Lak, Dak Nông, et aussi dans des provinces côtières du Centre, comme Khanh Hoà, Ninh Thuân, Binh Phuoc, Phu Yên.

Le lithophone de Khanh Son (nom d'un district montagneux de Khanh Hoà) a été exhumé il y a 40 ans par un paysan d'ethnie Raglai, qui ne l'a remis au musée de Khanh Hoà qu'en 1979. Composé de 12 pierres taillées et de deux baguettes en pierre en forme de concombre, cet ensemble est considéré par les spécialistes comme un objet bimillénaire, voire plus. D'autres ont été mis au jour dans cette localité et ses environs. Toujours à Khanh Son, des experts ont trouvé les traces d'un atelier de lithophone. Des études ont montré en effet que les lithophones ont été fabriqués à partir de roches volcaniques (rhyolite porphyre), et que ce type de pierre est fréquente dans un massif de Khanh Son.

Comme les gongs, les épopées et les nha rông (maison commune sur pilotis), les lithophones du Tây Nguyên constitue un trésor culturel de ces hautes terres. Les études se poursuivront, et peut-être un jour ces vieux lithophones à l'aspect si rudimentaire seront reconnus comme des antiquités parmi les plus précieuses du pays. Un vœu partagé par tous les Vietnamiens.

Le lithophone de par le monde
Le lithophone est un instrument à percussion composé de plusieurs pierres sonores frappées (appelées individuellement phonolithes). On trouve de tels instruments dans une zone allant des mers du Sud et de l'Amérique du Sud à l'Afrique et à l'Extrême-Orient. Les pierres sont utilisées dans les églises éthiopiennes et coptes, par exemple comme cloches ainsi qu'en jeux de carillons, et aussi dans la musique indienne. À part le Vietnam, des restes d'autres lithophones anciens proviennent de fouilles archéologiques chinoises, et certaines sources mentionnent de tels instruments 2.000 ans avant J.-C. On trouve couramment des lithophones chinois en forme de L obtus. Ils se composent de nombreux matériaux, notamment le marbre, la néphrite et le jade. Des jeux de 16 pierres (bianquing) utilisés autrefois dans des orchestres de rituels confucianistes ont survécu de nos jours en Corée, où on les appelle p'yon'gyong ou t'ukkyong. À noter enfin qu'un lithophone a été construit par Richardson, un tailleur de pierre anglais, en 1841, et a été utilisé en concert pendant une période assez courte sous le nom de rock harmonicon.
(Source : Wikipedia)

Nghia Dàn/CVN

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