Les histoires d’amour ne finissent pas toujours bien

Les vieux contes vietnamiens ont toujours une fin heureuse : ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants et vécurent heureux longtemps. Rares sont ceux qui comme Le santal d’amour se terminent de façon tragique.

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Une scène de la pièce "Le santal d’amour".
Photo : ST/CVN

L’histoire Le santal d’amour est racontée dans le vieux livre Su Nam chí di (Faits extraordinaires de l’Histoire du Vietnam) et a inspiré à Van Cao (1923-1995), l’auteur de l’Hymne national, une belle chanson lyrique. Elle a connu des variantes chinoises et Cham.

Le thème du contraste

Il était une fois, une fille d’un grand mandarin belle comme le jour.

My Nuong, son nom, vivait retirée dans le gynécée, selon la coutume des filles de sa condition. Du pavillon où elle passait ses jours à broder, il lui arrivait de suivre rêveusement la rivière qui déroulait son écharpe claire entre les collines.

À cette époque-là, Truong Chi, un pauvre pêcheur, allait lancer chaque jour ses filets dans cette partie du fleuve. Il était pauvre, son visage manquait de beauté mais il avait la voix la plus mélodieuse du monde.

L’histoire "Le santal d’amour" est très populaire au Vietnam.
Photo : CTV/CVN

My Nuong regardait glisser le sampan. Elle ne voyait que la silhouette fugitive du pêcheur et son chant berçait doucement sa solitude.

Un beau jour, Truong Chi alla pêcher dans une autre partie du fleuve. My Nuong, n’entendant plus la voix amie, sombra dans une étrange mélancolie. Quel sentiment habitait donc son cœur ? Elle-même l’ignorait. Elle attendait simplement la voix et celle-ci s’était tue. À la fin, elle tomba malade.

Le grand mandarin appela à son chevet des médecins renommés. Mais nul médicament ne pouvait chasser la langueur de la jeune fille. Quelle était l’origine de ce mal mystérieux ? À force d’interroger les suivantes, le grand mandarin finit par deviner le secret du mal. Les médecins consultés lui conseillèrent de faire venir le pêcheur.

Truong Chi fut invité chez la jeune fille et se mit à chanter. Un sourire parut sur les lèvres de My Nuong au son de la voix tant attendue, mais quand elle ouvrit les yeux et vit le pauvre pêcheur, son rêve se brisa et elle ne lui manifesta que froideur. Lui, au contraire, fut doublement frappé par la beauté de My Nuong et par son dédain. Il retourna à son sampan, blessé au cœur. Il ne pouvait plus ni pêcher ni chanter.

Le mal d’amour finalement le terrassa. Il se mit à chanter :

"Puisque nos cœurs sur terre
Ne peuvent, hélas, se rencontrer
Que nos âmes, dans une autre vie
À jamais s’unissent !"

Puis, il se jeta dans le fleuve. L’âme de Truong Chi flottant à la dérive s’incarna en un santal.

Un vieil homme repêcha ce bois précieux et, le hasard aidant, le vendit au grand mandarin. Celui-ci, le trouvant particulièrement beau, en fit tailler une tasse à thé qu’il offrit à sa fille.

Un jour d’automne, My Nuong versa dans la tasse un peu de thé blond. Aussitôt, glissant au fond, apparut le sampan du pêcheur, tandis que s’élevait un chant plaintif. My Nuong alors se souvint. Très émue, pensant à son amour passé, elle se mit à pleurer. Une larme tomba sur la tasse et celle-ci fondit.

Le thème du contraste entre la laideur physique et la beauté spirituelle fait partie de la littérature universelle. Dans son immortel chef-d’œuvre Truyên Kiêu (Histoire de Kiêu), le grand poète Nguyên Du (XVIIIe siècle) expliqua le conflit entre la beauté (ou le talent) et le destin implacable par la loi de la compensation de la philosophie orientale : le sort est toujours équitable, celui qui reçoit trop de faveurs du ciel subit un destin malheureux.

Huu Ngoc/CVN
(Septembre 1998)

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