Les Hanoiens qui oeuvrent pour la capitale

"Les Hanoiens" est une rubrique spéciale apparue depuis peu sur le journal Thê Thao & Van Hoá (Sports & Culture), relevant de l'Agence Vietnamienne d'Information, dans le cadre des préparatifs du Millénaire de la capitale Thang Long-Hanoi. Il s'agit d'un concours journalistique, ouvert à tous, dont le but est de trouver, à travers les articles reçus, les 100 personnes les plus représentatives de Hanoi contemporaine. Nous présentons ici quelques uns des "profils" proposés.

Ordonnance sur le transfert de la capitale en jade

L'artisan Ðào Trong Cuong, vice-président de l'Association des pierres précieuses du Vietnam, directeur général de la Compagnie de pierres précieuses et de joailleries Thân Châu Ngoc Viêt, s'active actuellement à finir un ouvrage inédit : ordonnance sur le transfert de la capitale en jade. C'est en effet la reproduction de l'ordonnance du roi Ly Thái Tô, qui a juste mille ans, décidant de transférer la capitale vietnamienne de Hoa Lu (province de Ninh Bình) vers Thang Long (Hanoi actuelle). Cette ordonnance royale, en écriture idéographique et d'une grande portée historique, va apparaître textuellement sur un grand bloc de jade que Ðào Trong Cuong a pris soin de se procurer et de tailler lui-même. Un ouvrage extraordinaire qui sera exposé au public lors de la célébration du Millénaire de Thang Long-Hanoi, en octobre prochain, au Temple de la Littérature.

Construit en 1070, ce haut lieu dédié au culte du Confucianisme s’est doublé de première université du Vietnam, abritant jusqu'ici encore 82 stèles de docteurs en pierre dont chacune, installée sur le dos d'une tortue en pierre, est consacrée à un concours royal de l'époque 1442-1779. Tout récemment, l'ensemble de ces stèles a été reconnu par l'UNESCO comme patrimoine documentaire du monde. "Notre lignée familiale, les Ðào, a compté 47 docteurs de diverses générations dont les noms ont été inscrits sur les stèles de docteurs érigées dans l'enceinte du Temple de la Littérature", s'enorgueillit Ðào Trong Cuong. Issu d'une famille éminemment studieuse, cet homme a eu, lui, une vie remplies de vicissitudes. Pendant de longues années, il a touché à tous les métiers, mêmes les plus pénibles, avant de devenir un artisan, puis un entrepreneur spécialisé dans les peintures en pierres fines (topaze, améthyste, chrysobéryl...). "Dans ce domaine, je suis également un autodidacte, confie Cuong. En effet, la fabrication des peintures serties de menues pierres fines est originaire de Thaïlande. Pourquoi ne pas faire de même au Vietnam, sachant que les pierres fines en miettes sont légion, me suis-je demandé ?"

L'étude des techniques de fabrication, très compliquées, lui a pris de longues années. Sans compter les longs moments consacrés à l'approfondissement des connaissances en art pictural. Aptitude pour les arts, habilité, esprit créatif, savoir-faire et volonté inflexible ont été les clés qui ont permis à Ðào Trong Cuong de maîtriser ce métier jusque là inconnu au Vietnam, avant de créer sa compagnie Thân Châu Ngoc Viêt. Mieux que les peintures thaïlandaises qui ne sont serties qu'en partie de pierres précieuses, celles de Cuong en sont entièrement recouvertes.

Sa première exposition, organisée en 2002 à l'hôtel Média Hanoi, a présenté 600 grands tableaux "dessinés" avec des pierres fines, fruits de 6 ans de travail acharné effectué dans les ateliers de sa compagnie. Créateur de ce genre de peinture au Vietnam, Ðào Trong Cuong s'est vu alors attribuer le titre honorifique d'"Artisan aux mains d'or". Malgré une carrière réussie, il n'oublie pas de penser à ceux qui ont été laissés au bord du chemin. Pour preuve, il a vendu plusieurs de ses tableaux aux enchères pour avoir de quoi soutenir les activités humanitaires.

C'est lui qui a eu l'idée de "dessiner" de sa manière les portraits des chefs d'État des pays participant au 14e Sommet de l'APEC, en 2006 à Hanoi. C'est un des plus originaux cadeaux qui a aidé à embellir l'image du Vietnam dans le coeur des dirigeants étrangers. Mais ce n'est pas tout : récemment, cet artisan aux mains et au coeur d'or a décidé d'acheter un énorme bloc de jadéite de 35 tonnes, extrait au Myanmar. Ce bloc, le plus grand du monde, sera "utilisé pour sculpter une statue de Bouddha", déclare Ðào Trong Cuong. Et d'affirmer : "Ce futur objet sacré n'appartiendra pas qu'à moi seul : il appartiendra à toute notre nation".

Soie Long Vân, une nouvelle création de Van Phúc

Le village de la soie naturelle de Van Phúc, en banlieue de Hanoi, est bien connu des gens, qu'ils soient Vietnamiens ou étrangers, pour ses produits délicats introuvables ailleurs. Une de ses soies traditionnelles est Lua Vân, qui veut dire soie à motifs de nuages, de fleurs ou d'oiseaux. Une particularité : parée de motifs tantôt en haut relief tantôt en bas relief, Lua Vân se montre à la fois fine, luisante et veloutée.

La soie de Long Vân (littéralement dragon et nuage) est une variation de Lua Vân. Fraîchement créée par Nguyên Huu Chinh, un tisseur de talent de Van Phúc, le Long Vân présente des motifs particuliers : 2 dragons se tournant vers le pavillon "Khuê Van Cac" (célèbre pavillon dans le Temple de la Littérature - un symbole de Hanoi), fleur de lotus... "Cette nouvelle création, pour laquelle j'ai consacré toute mon énergie et tout mon savoir-faire, je la dédie au Millénaire de notre capitale", dévoile le tisseur chevronné, qui s'est vu attribuer en 2006 le titre honorifique d'"Artisan-Artiste". Il y a quelques années, il était un des 2 villageois de Van Phúc s'étant battu de toutes ses forces pour restaurer le métier traditionnel de tissage de la soie naturelle, qui s'était perdu au début de la décennie 1990, faute de débouchés, au grand dam de tous.

L'idée de créer la soie Long Vân lui est apparue le jour où il a assisté à une conférence spécifique organisée par le ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme dans le but d'exhorter la création de nouveaux produits artisanaux et objets d'art en guise de "cadeaux" offerts au Millénaire de la capitale Thang Long-Hanoi. "Si le dragon prenant son envol (Thang Long en vietnamien) évoque l'image et le nom de la capitale, le pavillon +Khuê Van Các+ symbolise l'esprit et la grandeur d'âme de la nation, alors que le lotus est symbole de sa pureté et de sa quintessence", précise Nguyên Huu Chinh. Il espère pouvoir présenter bientôt au public sa nouvelle création.

Un photographe de la rue

Depuis qu'il a fait connaissance avec la photographie il y a de cela plus d'un demi-siècle, Quang Phùng voue un intérêt particulier pour les clichés de Hanoi - sa ville natale. Au travers de l'objectif de son appareil, les rues de Hanoi, y compris des coins reculés, semblent avoir une vie et une âme. Les dizaines de milliers de photos relatives à Hanoi, toutes en noir et blanc, qu'il a prises depuis 1954, font un recueil documentaire extraordinaire, susceptible d'illustrer tout un trajet évolué de la vie socio- économique d'une capitale aujourd'hui vieille de mille ans.

Né en 1932 à Hanoi, Quang Phùng a suivi une carrière de diplomate et s'est pris de passion pour la photographie. Ses vertus de diplomate (civilité, courtoisie, esprit d'observation, caractère résolu, diligence, patience...), combinées au sentiment d'un Hanoien amoureux de sa ville capitale, transparaissent, paraît-il, dans son art photographique et sur ses clichés. Son premier recueil de photos, celui sur l'époque de la libération de Hanoi (en octobre 1954), il l'a présenté au public en 1955. Connu sous le surnom de "photographe de la rue", Quang Phùng a consacré tous son temps libre et tous ses pécules à l'assouvissement de sa passion. Equipé de son vieil appareil photo, il erre dans tous les coins et recoins de la ville, prend dans son objectif diverses scènes de la vie quotidienne, notamment celles des travailleurs manuels.

Les images immortalisées sont très vivantes avec, pêle-mêle, une vendeuse de pop-corn, une marchande ambulante portant sur ses épaules une palanche aux bouts de laquelle sont suspendus 2 paniers garnis de fleurs, un vendeur ambulant de pho (soupe de Hanoi) ou encore un porteur de cannes à sucre chargées sur une vieille bicyclette...

La particularité est que l'auteur connaît bien la situation familiale de chacun de ses "modèles", ainsi que son caractère et ses goûts. "Généralement, l'image ne peut refléter que la moitié de la photo. Le reste doit se trouver dans les explications jointes", confie-t-il.

À propos des oeuvres photographiques de Quang Phùng, un sociologue français a fait cette observation, très subtile : "Je me sens admirablement bien en voyant les paniers pleins de fleurs que porte sur ses épaules une marchande dans la rue de Hanoi. Il s'agit en effet d'une jolie symphonie de la rue. Il me semble que les soucis s'évanouissent d'eux-mêmes. Derrière cette image, je peux imaginer la vie laborieuse des habitants vietnamiens, image qui est tout à fait différente de celle d'une société de consommation telle que l'on peut contempler dans nos contrées".

Nghia Ðàn/CVN

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