Les fleurs dans la culture du Vietnam

Les fleurs sont ancrées dans la vie quotidienne des Vietnamiens. Certaines à l’état naturel portent déjà une signification. Lors du Têt ou des cérémonies rituelles, elles sont toujours présentes sur l’autel des ancêtres.

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Le lotus, fleur emblématique du Vietnam.
Photo: CTV/CVN

La tradition culturelle du Vietnam est marquée profondément par les fleurs. Le Kiêu, roman en vers de Nguyên Du (XVIIIe siècle), notre bible culturelle, contient 130 vers employant le mot hoa (fleur), sans compter d’autres où figurent des noms de fleurs sans l’article hoa.

La langue vietnamienne abonde en termes et expressions ayant des connotations florales: có hoa tay (littéralement "avoir la pulpe des doigts au dessin fleuri" = être adroit de ses mains), sô đào hoa (être né sous l’étoile de la fleur de pêcher, de l’amour = être le chouchou des femmes), hoa đá (fleur de pierre = corail), hoa đèn (fleur de la lampe = charbon de la mèche d’une lampe à huile), hoa tai (fleur de l’oreille = boucle d’oreille), mat hoa (visage fleuri = beau visage de femme), etc.

Les chansons populaires font souvent allusion aux fleurs, surtout en amour. Les fleurs interviennent dans plus d’un roman populaire: Nhi đô mai (Les pruniers ont fleuri deux fois), Hoa tiên (Les feuillets fleuris), un conte de Truyên kỳ man luc (Vaste recueil de légendes merveilleuses) qui raconte l’histoire d’une âme de fleur réincarnée.

Je me rappelle que quand j’avais 6 ou 7 ans, vers les années 1920, j’étais très impressionné par le caractère sacré des fleurs. J’habitais alors rue du Chanvre, au cœur du Vieux quartier de Hanoï. Deux fois par mois, ma mère rendait hommage au Seigneur Tigre protecteur de la famille. Sur son autel, elle posait un bol d’eau de pluie et une assiette de fleurs enveloppées dans des feuilles de bananier que lui apportait régulièrement une marchande.

Fleurs thiên lý (Pargularia odoratissima).
Photo: Archives/CVN

La gamme des fleurs pour le culte comprend hoa sói (Eugenia), hoa ngâu (Aglaia), tubéreuses, roses, orchidées, hoa môc (Aplotasis), hoa thiên lý (Pargularia odoratissima), etc.

Les jasmins sont tabous parce qu’ils s’épanouissent la nuit et sont considérés comme fleur de la luxure.

L’eugénia sert à parfumer le thé en boutons (chè hat) et le tabac pour pipes à eau (thuôc lào).

L’aglaia, qui donne aussi son parfum à ces matières, a de petites fleurs jaunes qu’évoque une chanson populaire:

"Ton sourire, ma mie, évoque l’aglaia,

Et ton fichu, sur la tête, une fleur de lotus".

(Miêng cuoi nhu thê hoa ngâu
Cái khan đôi đâu nhu thê hoa sen
).

Les tubéreuses au parfum pénétrant s’emploient lors des funérailles et ne peuvent servir comme offrande...

Les móng rông (móng = griffe, rông = dragon) ont un parfum qui rappelle celui des bananes mûres.

Les aplotasis, plantés de préférence dans les cours des pagodes, servent à parfumer le tabac pour pipes à eau.

Le thiên lý, employé comme légume, donne une soupe délicieuse.

Le lotus, très populaire au Vietnam, se rattache à une tradition culturelle commune à plusieurs peuples d’Asie et d’Afrique. À l’origine, il est le symbole de la vie émergeant du chaos primitif des eaux marécageuses. Il représente le sexe de la femme, la matrice des matières de l’univers biologique, de l’élan vital et de la volupté. Selon les conceptions brahmaniques et bouddhiques, sa beauté et sa pureté, tranchant sur la boue immonde du monde de l’éphémère, sont l’image de la vertu.

Un proverbe vietnamien dit également: "Poussant dans la boue, le lotus ne sent pas l’odeur nauséabonde" (Gân bùn mà chang hôi tanh mùi bùn).

Le Bouddha trône sur un lotus, emblème de la bouddhéité, de l’affranchissement du cycle des naissances et renaissances.

Le lotus en bouton, motif familier de l’architecture bouddhique, a huit pétales indiquant les huit points cardinaux et reproduit le mandala, représentation schématique du cosmos.

Fleurs d’ornement et leur signification

Les orchidées font partie des fleurs d'ornement.
Photo: CTV/CVN

Les fleurs d’ornement jouent un rôle non moins important que les fleurs de culte. Les anciennes archives mentionnent que les jardins de fleurs entouraient les palais royaux sous le règne de Lê Ðai Hành (Xe siècle) et que sous les Lý (XIe-XIIe siècles) existaient déjà des villages spécialisés dans la plantation des fleurs…

Cependant, ce "métier peu vulgaire" ne prospérait pas. D’après Nhât Thanh, "il semble qu’il n’y avait pas de planteurs professionnels de fleurs, sauf dans la capitale royale ou dans quelques bourgades où se vendaient des fleurs pour les besoins du culte. Les vieux lettrés voulaient planter des fleurs de leurs propres mains".

Les fleurs d’ornement comprennent orchidées, camélias, chrysanthèmes, sói, môc, dahlias, pivoines, jasmins, roses, fleurs de pêcher, d’abricotier, narcisses, quỳnh, phù dung. Chacune a sa signification éthique et traduit le caractère du planteur.

En tête de la liste figure l’orchidée, fleur de "l’homme supérieur" et de la beauté féminine.

Le chrysanthème, apanage de l’automne, évoque la retraite d’une âme indifférente aux honneurs.

Le quỳnh (sorte d’hortensia), d’une blancheur candide, ne fleurit la nuit que pour les poètes.

Certains prétendent que la rose est importée de l’Occident parce qu’elle est absente dans notre littérature classique. Nous ne connaissons que les roses sauvages tâm xuân (sorte d’églantine) qui poussent en buisson dans les haies et les champs.

Le phù dung (sorte d’hibiscus) symbolise une beauté vite fanée.

Les fleurs d’abricotier blancs représentent l’endurance parce qu’elles s’épanouissent seules à la fin de l’hiver, les jaunes accueillent le Têt au Sud et les fleurs roses de pêcher au Nord, ainsi que les narcisses.

La plantation des fleurs pour une commercialisation de quelque importance est le résultat de l’impact des mœurs et de la culture occidentales.

Huu Ngoc/CVN
(Février 2000)

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