Les communautés au cœur de la protection du patrimoine

Les communautés jouent un rôle essentiel dans la préservation de leur patrimoine culturel, estime Nguyên Duc Tang, directeur du Centre de recherche et de valorisation du patrimoine culturel.

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Nguyên Duc Tang, directeur du Centre de recherche et de valorisation du patrimoine culturel.
Photo : HNM/CVN

Le rôle de la population dans la préservation et la valorisation du patrimoine est important. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?

Le patrimoine culturel immatériel n’existe pas sans les êtres humains qui les créent et qui les font vivre. Les rites, fêtes, us et coutumes, la gastronomie, entre autres, sont le produit de la connaissance et de techniques de l’homme. C’est quand il est pratiqué et transmis qu’il peut ensuite être conservé et valorisé. Cela montre le rôle important de la population et des communautés dans la préservation du patrimoine.

Dans les faits, certaines communautés ne sont pas capables de protéger leur patrimoine, ce dernier risquant ainsi de disparaître des mémoires. Néanmoins, ce sont les communautés qui ont le droit le plus suprême dans le choix de ce qui doit être préservé et valorisé. Si la population concernée trouve que ce n’est pas la peine de le préserver encore, ou qu’une certaine pratique ne correspond plus au nouveau contexte, aucun autre acteur ne peut les forcer à changer la décision d’arrêter de pratiquer la coutume ou le rite en question.

Si, au contraire, la communauté montre l’envie de préserver son patrimoine, celle-ci devra être accompagnée par d’autres acteurs, comme les autorités locales et des chercheurs, qui aideront la population dans son projet. Il faudra alors estimer la valeur du patrimoine en question, identifier les enjeux, et mettre en œuvre les méthodes appropriées de conservation (utilisation de la vidéo ou du dictaphone par exemple). Ces supports pourront ensuite servir de base pour l’enseignement et la transmission.

La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, adopté en 2003 par un grand nombre de pays dont le Vietnam, souligne d’ailleurs l’importance de la communauté, des groupes et individus dans la protection du patrimoine.

Afin de valoriser les patrimoines, les décideurs de politiques et experts doivent prendre conscience du rôle indispensable que jouent les communautés. Celles-ci doivent être mises au centre du processus de sauvegarde, parce que ce sont elles qui sont à l’origine des us et coutumes à préserver.

En tant qu’association indépendante, comment le Centre de recherche et de valorisation du patrimoine culturel accompagne-t-il les communautés dans la sauvegarde du patrimoine ?

Organe professionnel relevant de l’Association du patrimoine culturel du Vietnam, notre centre a mis en œuvre de nombreux projets et programmes dans le cadre de la protection et la valorisation du patrimoine culturel immatériel des communautés.

Nous nous considérons comme un lien entre la communauté et les autorités. Afin de bien connaître la valeur du patrimoine, saisir les enjeux et mettre en œuvre des actions appropriées, il faut écouter et discuter avec les communautés, surtout avec celles et ceux qui tiennent des rôles importants, comme les patriarches ou chefs de village, les artisans, etc. En outre, nous consultons les "mémoires vivantes locales" et profitons de leur savoir et expertise pour mener à bien le processus de préservation.

La leçon que nous avons tirée est qu’il faut renforcer la confiance de la communauté à travers les discussions et qu’il ne faut pas les affronter. Il faut faire des questions académiques des idées concrètes et compréhensibles pour les habitants. Quand la population comprend le projet, elle y consent en général et, mieux, devient force de proposition pour la suite.

Plus que la préservation du patrimoine en elle-même, je crois que ce qui importe le plus, c’est l’accompagnement de la communauté pour qu’elle comprenne la mission qui lui est donnée vis-à-vis de leur culture passée et présente.

Les tenues traditionnelles des Dao rouges ont été reconnues comme patrimoine culturel immatériel national.
Photo : VNA/CVN

D’après vous, les politiques de sauvegarde et de valorisation du patrimoine culturel immatériel au Vietnam satisfont-elles les demandes réelles ?

Le Vietnam dispose aujourd’hui d’un cadre législatif important sur le patrimoine. La Loi sur le patrimoine modifiée en 2009 adopte les conceptions énoncées par l’UNESCO dans ses multiples textes, notamment la Convention relative à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel ou celle relative à la promotion de l’éducation sur le patrimoine de 2001.

Les politiques de compensation, de récompense et de soutien décrétés au profit des artistes et artisans sont un encouragement important dans la conservation et l’enseignement du patrimoine au sein des communautés. Les provinces de Bac Ninh et de Phu Tho ont par exemple adopté leurs propres politiques de soutien effectives et concrètes favorables aux artistes de quan ho (chant alterné) et hat xoan (chant printanier).

Dans d’autres localités, les politiques de soutien rencontrent des obstacles. Bien souvent, la résolution sur le soutien des artistes et artisans en difficulté avec un faible revenu ne coïncide pas avec la règlementation sur le soutien aux familles pauvres. En témoigne, par exemple, les pratiquants du jeu traditionnel du tir à la corde, reconnus comme des artisans mais ne bénéficiant d’aucune aide.

Cette question de l’aide est importante selon moi, et devait être clarifiée afin que les artistes et artisans puissent obtenir le soutien de l’État qu’ils méritent. Actuellement, le pays compte presque environ 400 pratiques figurant dans la liste du patrimoine culturel immatériel national. Dans l’objectif de mieux protéger ces œuvres culturelles et historiques, il est nécessaire de faire des recherches et proposer des critères et outils d’indentification des patrimoines prioritaires, et d’élaborer des mécanismes législatifs clairs sur lesquels l’État pourra se baser pour mener une politique ambitieuse de protection.

Mai Quynh/CVN

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