Le washi, célèbre papier japonais, traverse les âges sans prendre un pli

C’est un papier qui résiste au temps avec insolence et trouve des usages multiples depuis des siècles : du support d’écrits bouddhistes au transport de bombes pendant la dernière guerre, le washi de la petite cité d’Ogawa répond aux besoins des Japonais depuis 1.300 ans.

Teizo Takano, un artisan façonne à la main le washi dans son atelier à Ogawa, proche de Tokyo.

Le washi est traditionnellement façonné à la main à partir de fibres issues des mûriers à papier, qui sont d’abord trempées dans de l’eau claire de rivière puis épaissies et filtrées au moyen d’un tamis en bambou.

Plusieurs fines couches ainsi formées sont ensuite superposées pour créer un papier plus ou moins épais, doux ou au contraire un peu rêche, en tout cas souple et très résistant.

Le washi d’Ogawa, dans la banlieue de Tokyo, a longtemps été apprécié par les moines bouddhistes, soucieux que leurs textes ne disparaissent pas avec le temps.

Certains marchands japonais ont, eux aussi, longtemps eu recours au washi - dont le nom signifie «papier japonais» ou «papier harmonieux, paisible» - pour tenir leurs registres de comptes.

Mais cette matière est aussi devenue, mobilisation générale oblige, un outil militaire pendant la Seconde Guerre mondiale. À l’instar de tous les secteurs manufacturiers nippons, l’industrie du papier fut alors réquisitionnée pour l’effort de guerre. Et le papier d’Ogawa, léger, translucide et robuste, a même servi à fabriquer l’enveloppe de «ballons-bombes», des ballons de dix mètres de diamètre, gonflés au gaz, lestés d’explosif et lâchés au-dessus de l’océan Pacifique en direction des États-Unis à la fin du conflit.

«Nous ignorions complètement que nos ballons transportaient des bombes. Nous faisions simplement notre travail, jour après jour», assure le nonagénaire Kaihei Kasahara, un ancien artisan de washi.

Moins d’un millier des quelque 9.300 montgolfières incendiaires ainsi fabriquées auraient parcouru les 9.000 km séparant le Japon du continent nord-américain, la plupart s’abîmant en mer.

«Bombardiers de papier» et UNESCO

Un seul de ces «bombardiers de papier» aurait avec certitude fait des victimes : une femme et cinq enfants qui pique-niquaient dans l’Oregon le 5 mai 1945, selon des historiens japonais.

Modèle de ballons bombe fait en papier washi, exposé au Musée de l'armée impériale à Kawasaki.

Oubliées ces heures sombres, la technique artisanale traditionnelle de fabrication du washi a été inscrite en 2014 au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO - à la plus grande joie de la région d’Ogawa, qui mise sur ce papier précieux pour attirer les touristes.

Outre Ogawa et le village voisin d’Higashi-Chichibu dans la préfecture de Saïtama, la fabrication traditionnelle du washi est pratiquée dans deux autres endroits du Japon: le quartier de Misumi-cho à Hamada, une ville de l’ouest, et à Mino, dans la préfecture centrale de Gifu.

Avec le temps, les usages du washi ont continué d’évoluer. Aujourd’hui ce papier sert tout naturellement à la correspondance et à confectionner des livres, mais aussi à fabriquer des cloisons et portes coulissantes pour l’habitat traditionnel, des abat-jour, des sacs et emballages, des cerf-volants, et même à décorer et personnaliser des coques de téléphones portables...

La créatrice Taki Okajima en a, elle, fait la matière de vêtements, inspirée par la pratique ancestrale des moines bouddhistes du temple Todaïji, dans l’ancienne capitale de Nara, près de Kyoto.

Pantalons larges, vestes avec ceinture, foulards, Mme Okajima a imaginé plusieurs tenues de coupe occidentale avec cette matière qui se prête aussi à la coloration et aux incrustations (de fleurs, feuilles, paillettes, etc.).

«Les anciens ont créé le washi après de multiples essais, pas toujours couronnés de succès. Je crois personnellement que l’on doit recommencer à en apprécier la qualité», plaide Teizo Takano, un artisan de 80 ans encore en activité.

Mais l’art de fabriquer du washi se raréfie. Dans les années 1920, la région d’Ogawa comptait jusqu’à mille ateliers de washi. Un siècle plus tard, on n’en dénombre plus que vingt, pour une production uniquement artisanale.

«Bien sûr, nous pourrions produire du washi avec des machines, à un coût dix fois inférieur. Mais il est préférable de ne pas le faire: il est difficile de préserver la qualité du matériau lorsque l’on change d’échelle», soutient M. Takano.

La tradition manuelle ne se perdra pas, veulent croire les vétérans d’Ogawa. Teizo Takano a deux apprentis qui hériteront de son savoir-faire.

AFP/VNA/CVN

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam.

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top