Le verre soufflé, un art millénaire menacé au Liban

À Sarafand, l'antique ville phénicienne de Sarepta, la famille Khalifé est fière de son savoir-faire dans le soufflage de verre. Mais ils sont parmi les derniers à perpétuer cet héritage millénaire au Liban.

Le visage bruni par la chaleur du four en briques rudimentaire où il fait fondre le verre, Mahmoud "cueille" avec l'aide d'une canne une boule de feu visqueuse. En quelques minutes, pincettes à la main, il la transforme en une cruche aux formes élégantes. "Toute ma famille a appris cet art dès le plus jeune âge", dit-il en soufflant délicatement dans sa canne inoxydable.

À 12 ans, il commence à observer son père et son oncle, une formation qui lui prendra sept ans.

"C'est un métier transmis de génération en génération. On est actuellement près de six dans la famille à l'exercer", explique son oncle Ali Khalifé, 48 ans, dans le petit atelier à Sarafand, où les souffleurs de verre dorment et mangent au rythme du crépitement du creuset.

Des souffleurs qui sont en quelque sorte recycleurs puisqu'ils utilisent bouteilles et autres objets en verre blanc jetés par les usines. "On transforme tout ça en beauté", dit Ali.

L'invention du soufflage de verre est attribuée au peuple antique des Phéniciens qui l'ont développé notamment à Sarepta, une ville sur la côte méditerranéenne entre Sidon (actuelle Saïda) et Tyr dans le Sud du Liban.

D'après une légende, des marchands phéniciens faisaient cuire leurs aliments sur une plage de sable dans des marmites supportées par des blocs de natron, lorsqu'ils auraient vu couler une substance inconnue, découvrant ainsi la possibilité d'étire-ment du verre.

Dans le passé, de nombreux ateliers d'artisans étaient disséminés le long de la côte, mais aujourd'hui cet art est presque tombé dans l'oubli, les bibelots industriels importés et bon marché ayant la cote.

"Avant, on travaillait deux mois de suite pour se reposer 20 jours. Aujourd'hui, on travaille 15 jours et on se repose trois mois", déplore Ali, selon qui les ventes ont chuté de plus de 50% ces dernières années.

"À part les grandes boutiques d'artisanat, beaucoup de commerçants vendent des modèles fabriqués notamment en Chine en prétendant que c'est fait au Liban", explique Ohannes Khoustekian, directeur général de "Azm 4 Crafts", une société qui soutient l'artisanat pour fournir des emplois aux plus démunis.

Les artisans doivent faire face à des coûts importants. Le four, qui fonctionne au fioul, doit rester allumé nuit et jour tant qu'il y a des deman-des, ce qui leur coûte 250 dollars par 24 heures. Leurs prix peuvent varier de six dollars pour un verre à 600 dollars pour un lustre en verre soufflé.

À l'image des savons, du cuivre martelé de Tripoli (Nord) ou des couteaux de Jezzine (Sud), le verre soufflé tente de survivre non seulement au Liban mais aussi au Moyen-Orient, mais les jeunes se détournent de ces métiers jugés archaïques et sans avenir.

"Ce n'est pas lucratif", dit Nesrine, la sœur de Mahmoud, un sourire résigné aux lèvres, dans sa boutique où sont disposés des vases, des cendriers, des cruches et des jarres aux couleurs chatoyantes.

"Mon père est également pêcheur et mon oncle travaille dans la construction pour faire vivre nos familles", ajoute cette brune qui gère les commandes.

Pour consolation, des groupes d'éco- liers viennent régulièrement "apprendre" le métier le temps d'une journée et repartent ravis après avoir "soufflé" un verre ou un cendrier.

À Tripoli, où les souffleurs de verre étaient au nombre de 10, la société "Azm 4 Crafts" -- financée par la famille du Premier ministre libanais Najib Mikati -- aide le seul artisan qui, il y sept ans, avait tout abandonné, faute de moyens.

Ils lui procurent des coloris, gèrent ses commandes et lui permettent même d'exporter. "Cet art fait partie de notre culture, il faut le préserver ", dit M. Khoustekian. "C'est vraiment dommage de perdre cette beauté", renchérit Nesrine.

AFP/VNA/CVN

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