Le then, passerelle entre le Ciel et la Terre

Pratique rituelle centrale de la vie spirituelle des ethnies minoritaires Tày, Nùng et Thái, le then reflète des concepts relatifs aux êtres humains, à la nature et à l’univers. Par sa valeur d’excellence, il a été reconnu récemment patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO.

La pratique du "then", commune identité culturelle des ethnies minoritaires Tày, Nùng et Thai.
Photo : Quang Dan/VNA/CVN
Photo : Quang Dan/VNA/CVN

Lors de la 14e session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, tenue fin décembre 2019 en Colombie, les pratiques du then par les groupes ethniques Tày, Nùng et Thái au Vietnam ont été inscrites sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Cet art vocal reflétant les caractéristiques culturelles de ces trois ethnies, de la musique à la danse et aux instruments de musique, est une part indispensable de leur vie spirituelle. Il s’effectue essentiellement dans une dizaine de provinces septentrionales : Tuyên Quang, Cao Bang, Bac Kan, Hà Giang, Lai Châu, Lào Cai, Yên Bai, Diên Biên, Quang Ninh, Bac Giang, Lang Son, Thai Nguyên et plusieurs localités des hauts plateaux du Centre.

Des airs adressés aux divinités

Le then, en dialecte Tày, Nùng et Thái, signifie le Ciel. Pratiquer le then est d’abord un acte religieux. Celui de chanter, lors de grands événements ou de rites solennels, un poème décrivant le voyage au paradis pour parler à l’Empereur de Jade. Le poème comprend habituellement plusieurs parties dont le contenu et la longueur varient. On ne sait pas exactement quand est née cette musique au sein des communautés Tày, Nùng et Thái, mais elle s’est fortement développée au XVe siècle. Le then est obligatoirement accompagné du dàn tinh, instrument à deux ou trois cordes, à manche long dont la caisse de résonance est une calebasse coupée et séchée.

Femmes Tày d’une troupe de "then" du village de Pheo, province de Lào Cai (Nord).
Photo : Trân Hiêu/VNP/CVN

"Le +then+ est un produit spirituel à caractère documentaire et histo-rique sur la vie ancestrale et culturelle ethnique des Tày, Nùng et Thái. Transmis de génération en génération, il intègre littérature, musique, danse, théâtre et même peinture", analyse la critique musicale Nguyên Thi Minh Châu, de l’Association nationale des musiciens. Selon elle, le then est pratiqué par les habitants qui connaissent bien les mœurs et coutumes locales. Ils peuvent être choisis pour exécuter les rites importants de leur communauté ou certains événements marquant les jalons de la vie humaine. La transmission de ce trésor musical est toujours orale.

Les éléments clés d’un spectacle rituel

Dans un spectacle de caractère rituel, les officiants masculins (ông then) ou féminins (bà then) sont les personnages les plus importants. Du fait que la cérémonie a pour but d’envoyer des messages de l’homme vers les divinités, les ông then ou les bà then jouent le rôle central de guide de l’homme dans son voyage de la Terre vers le Ciel afin de présenter les offrandes et prier pour la chance, le bonheur, la paix, la bonne récolte, la santé, etc. Ces artisans, connus comme maîtres polyvalents, portent leur robe de cérémonie. Ils peuvent en même temps chanter, jouer du dàn tinh, et improviser des gestes et mouvements du corps en fonction des mélodies.

Les spectateurs ont également un rôle à jouer, étant invités à apprécier et à se passionner pour la scène. D’après l’homme de cultures Huu Ngoc, "par extension, le mot +then+ peut désigner : le culte du +then+, culte animiste autochtone teinté de bouddhisme et d’autres croyances. Il vise l’exorcisme, la guérison des maladies, la bénédiction surnaturelle... ; la célébration de ce culte alliant les rites, le chant, la musique et la danse ; les +bà then+ ou +ông then+ sont plus ou moins des chamans".

Le chercheur Huu Ngoc s’intéresse particulièrement aux danses dans les pratiques du then. Elles font donc partie intégrante de cette manifestation religieuse et artistique et dépeignent les activités de la vie quotidienne de la population travailleuse (mouvements pour ramer, laver la barque, tirer la corde, abattre un arbre, danses avec un fichu, une palanche, un éventail...). Elles miment aussi des combats (danse avec un bâton, une épée...).

Lors des séminaires sur le sujet du then, le Pr.-Dr. Tô Ngoc Thanh, président de l’Association des arts folkloriques du Vietnam, affirme que si l’on retire les éléments superstitieux et thérapeutiques, le then est un espace culturel populaire, un art folklorique qui combine parfaitement des métriques, des mesures rhétoriques, métaphoriques de l’art du langage, des chansons et de la musique folklorique et les danses les plus anciennes.

Un spectacle de then pratiqué en plein air par des filles Tày.

Pratiqués dans différentes provinces du Nord, les airs du then oscillent sur plusieurs octaves. Si les mélodies sont successives et ardentes à Cao Bang, tumultueuses à Lang Son, elles sont redoublées à Tuyên Quang, posées et lentes à Hà Giang, et presque murmurantes à Bac Kan. En dépit des aléas tout au long de son existence, le then renferme toujours une flamme extraordinaire qui traverse les siècles. "Une vie sans +then+ est comme un oiseau sans chant, un arbre sans fleur ou un poisson sans eau", souligne l’artisan Hà Thuân, maître then de l’ethnie Tày de la province de Tuyên Quang.

Pour préserver ce patrimoine, les Tày, Nùng et Thái ont créé un espace culturel dédié aux pratiques du then varié et diversifié, qui a une importance culturelle similaire à celui des gongs et des épopées du Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre), au quan ho (chant alterné) de Bac Ninh ou au nha nhac (musique de la cour royale) de Huê. Le then est scéniquement de plus en plus interprété lors des fêtes de printemps et des festivals artistiques.


Linh Thao/CVN

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