Le temps du Vui sông (Vivre dans la joie)

Pendant la Résistance anti-colonialiste, une modeste revue de vulgarisation sanitaire et médicale de l’Armée populaire du Vietnam a contribué à maintenir un effectif militaire et paramilitaire combatif et à renforcer le moral des troupes et de la population.

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La presse doit servir de passerelle entre le peuple et le Parti, l’État

Le Vui sông (Vivre dans la joie) était l’une des rares revues à paraître dans la zone libre contrôlée par le gouvernement de la Résistance de Hô Chi Minh, pendant la Première Guerre d’Indochine (1946-1954). Cette modeste publication de vulgarisation sanitaire publiée sous les auspices du Département de la santé du ministère de la Défense, a joui d’une grande popularité, non seulement parmi les militaires, mais encore auprès du grand public grâce à ses conseils pratiques et à son ton enjoué, choses importantes en temps de guerre.

En 1994, à l’occasion du 50e anniversaire de la fondation de l’Armée populaire du Vietnam, l’équipe du Vui sông a publié un cahier substantiel retraçant le parcours du journal et présentant une sélection de ses articles, poésies et dessins.

Le Vui sông a un ton enjoué, choses importantes en temps de guerre.
Photo : Archives/CVN

Des compliments du général Giap

Préfaçant le livre, le général Vo Nguyên Giap, vainqueur de la bataille de Diên Biên Phu en 1954, a rendu hommage au Vui sông : «Si le journal a été si bien accueilli, c’est parce qu’il a fortement contribué à diffuser des mesures préventives, en particulier contre le paludisme, à assurer l’hygiène collective et individuelle, à améliorer la nourriture pour écarter l’avitaminose et les maladies intestinales et stomacales qui amenuisent l’effectif de notre armée, à muscler les jambes en vue de longues marches. Ces conseils ont été appliqués au cours de la bataille de Diên Biên Phu, qui avait demandé une marche de 500 km, un combat de longue durée. La revue a rassemblé des articles de nombreux intellectuels distingués, soucieux de contribuer à la libération de notre pays, de notre peuple…».

Rappelons quelques faits historiques pour situer le Vui sông dans son contexte socio-politique. En août 1945, Hô Chi Minh proclame l’indépendance du Vietnam, mettant un terme à 80 ans de colonisation française. Avec l’appui britannique, un Corps expéditionnaire français débarque au Sud Vietnam pour la reconquête de l’ancienne colonie. La guerre franco-vietnamienne dure neuf ans. La Résistance débute avec la guérilla pour augmenter au fur et à mesure le nombre de combats entre forces armées régulières, jusqu’à Diên Biên Phu. En décembre 1946, les Français lancent une offensive générale totale pour occuper les grandes villes et les régions de plaine, refoulant le gouvernement et l’armée populaire vers les moyenne et hautes régions.

Le maquis, au climat insalubre, encerclé par l’ennemi, manque de tout : hommes, voies de communication, nourriture, sel, médicaments. Il est infecté par le paludisme et d’autres maladies tropicales. C’est dans ces circonstances que le Vui sông prouve son efficacité. Le Haut commandement de l’Armée lui assigne des tâches précises. L’essentiel, c’est la lutte contre le paludisme, l’amélioration de la qualité de la nourriture quotidienne et de l’hygiène culinaire. Aussi, l’application de mesures pratiques est un souci majeur : diffusion de connaissances pratiques, traitement de maladies courantes, hygiène collective et individuelle, éradication de pratiques superstitieuses. Par ailleurs, le Vui sông ne manque pas de sel avec ses histoires drôles, ses dessins humoristiques, ses propos badins sur des sujets didactiques.

Grâce à ses conseils pratiques, la revue Vui sông a joui d’une grande popularité notamment les militaires.
Photo : CTV/CVN

Qu’il me soit permis de traduire un certain nombre d’articles du Vui sông pour évoquer une facette peu connue de la lutte d’un peuple colonial pour sa libération. Pour commencer, un article de Ta Quang Buu.

La joie de vivre au mois d’Août

«La Révolution d’Août 1945 est l’œuvre de tout notre peuple. Des plus hauts dirigeants au simple habitant qui s’éveille homme libre, chacun se sent bouleversé par cet ouragan qui lui donne les impressions les plus vives, lui fait penser aux conceptions de vie les plus profondes, le remue au plus profond de son être. Chacun sent qu’il faut désormais vivre autrement. Cette prise de conscience collective se traduit en particulier par le mouvement dit Vivre dans la joie (Vui sông). Il se développe avec vigueur car à l’origine, c’est un mouvement de masse dans notre armée. Il est empreint de joie car il mûrit dans une collectivité de jeunes qui savent vivre et sont prêts à sacrifier leur vie aux moments les plus significatifs de leur existence.
Le nom Vui sông évoque en nous une foule d’images radieuses : des enfants rayonnant de santé, des maisons bien aérées, des habits propres. On croyait que les portes des maisons s’ouvriraient largement pour l’accueillir, que tout le monde serait prêt à changer d’esprit pour écouter et appliquer ses conseils d’hygiène. Hélas, après son passage, des tas de préjugés antihygiéniques demeurent. Les mauvaises habitudes se sont fortement enracinées dans l’esprit du peuple, 80 ans de passivité sous le régime colonial ont inculqué à beaucoup de personnes la peur de tout changement, de toute action révolutionnaire.
Et le Vui sông est une révolution. Cette révolution apporte la joie de vivre, change les coutumes surannées, efface les préjugés désastreux pour bâtir une vie nouvelle, scientifique et hygiénique. C’est une lutte longue et dure. Il s’agit, avant tout, d’inspirer à tout le monde la décision de ne pas le craindre, de faire sa connaissance et d’agir avec lui. La tâche est loin d’être aisée car elle demande des actes révolutionnaires»
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(À suivre)
Huu Ngoc/CVN

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