Le Nostradamus vietnamien

Chaque pays a son Nostradamus. Celui du Vietnam est Nguyên Binh Khiêm (1491-1585), plus connu sous le nom populaire de Trang Trình - Docteur ès humanités Trình, le roi l’ayant honoré du titre de Duc de Trình - Trình Quôc Công.

>>La fête du temple de Nguyên Binh Khiêm

>>Un poète et son asile du Nuage Blanc

>>Un poète et son asile du Nuage Blanc (suite)

Statue de Nguyên Binh Khiêm (1491-1585).
Photo : CTV/CVN

La tradition lui attribue de nombreuses prédictions appelées Oracles du Docteur Trình, certaines déjà réalisées, d’autres en cours. Du moins nombre de personnes y croient, surtout en fin du XXe siècle plus ou moins apocalyptique.

Pseudonyme littéraire Bac Vân

On prétend que certaines de ses prophéties ont été confirmées par l’histoire. Mort à 95 ans, le Docteur Trình qui prend comme pseudonyme Bach Vân (Nuage Blanc), domine la vie littéraire et même politique de son époque, époque marquée par des troubles très graves qui entraînèrent l’usurpation du trône des Lê par les Mac, puis les guerres incessantes entre les partisans des deux dynasties. La cour des Lê restaurée fut de nouveau le théâtre de rivalités entre les deux clans seigneuriaux Trinh et Nguyên. Se mettant au-dessus de la mêlée, le sage Docteur consulté par tous les clans leur a donné des conseils de portée stratégique. C’est ainsi que les Mac se retirèrent dans la région frontière de Cao Bang où leur dynastie put durer encore soixante ans. Les Trinh ne renversèrent pas les Lê, se contentant d’être les shogouns du Nord. Les Nguyên s’isolèrent dans le Sud où ils étendirent leur fief jusqu’au delta du Mékong.

Né en 1491 dans une famille de lettrés du village de Trung Am, district de Vinh Lai (actuellement district de Vinh Bao à Hai Phong), Nguyên Binh Khiêm fut initié dès son enfance à la culture classique par une mère très distinguée. Ayant acquis aussi des connaissances profondes du taoïsme, il était très versé dans la géomancie et l’art divinatoire. Écœuré par les crises politiques et sociales, il refusa d’abord de se présenter aux concours mandarinaux organisés par la nouvelle dynastie des Mac. Pressé par ses amis, il ne se présenta qu’à l’âge de 45 ans et est reçu Trang Nguyên (Premier Docteur). Au bout de huit ans, il quitte la carrière mandarinale, incapable de faire valoir sa droiture et son amour du peuple. Il se réfugia dans son village natal, où il vécut en ermite dans l’asile Bach Vân. Il forma pour le pays de nombreux disciplines distingués.

Nguyên Binh Khiêm a laissé plusieurs œuvres en caractères chinois dont le "Recueil de Poèmes de l’Asile du Nuage Blanc" (Bach Vân am tho tâp).

Mais c’est son "Recueil de Poèmes en langue nationale" (Bach Vân quôc ngu tho) qui mérite une place à part dans notre littérature en idéogrammes vietnamiens nôm… Il comprend une centaine de poèmes écrits dans un style simple et savoureux et traitant de deux thèmes : sa philosophie de la vie et les plaisirs de la retraite.

Réflexions taoïstes sur la vie

Cérémonie d’ouverture de la fête du temple de Trang Trình dans la ville portuaire de Hai Phong, au Nord.
Photo : CTV/CVN

Moraliste confucéen, le Docteur Trình condamne la méchanceté et l’ingratitude des hommes. Mais c’est avec la mansuétude d’un homme qui a souffert et ne cherche pas à rendre le mal pour le mal, et avec la sérénité du philosophe taoïste qui prise la modestie parce qu’il connaît les lois inéluctables de la nature. Il s’exprime parfois avec une ironie voilée.

Voici, à titre d’exemple, des réflexions taoïstes sur la vie :

"L’homme en vain se presse et se fatigue
La vie humaine n’est en fait qu’un séjour provisoire
Le soleil et la lune glissent comme des navettes,
La floraison perd vite son éclat.
Plus fière est une fleur épanouie, plus vite elle se flétrit
Plus l’eau s’accumule, emplissant toute chose,
Plus vite elle diminuera de volume
Plein ou vide, le destin en décide
Qui a pu jusqu’ici changer les lois de la nature ?"

Le Docteur Trình consacre beaucoup de ses poèmes aux plaisirs de la retraite au sein de la nature.

"Je répugne à me faufiler sur le chemin des honneurs
Jouissant de loisirs, je dois les conserver en ma vie.
J’aime depuis toujours ma modeste retraite, maison à trois travées.
Que de paysages, au milieu des monts et des fleuves, me sont devenus familiers !
Jamais les plaisirs de la vie rustique et de la solitude ne me lassent,
Bonnes ou mauvaises, les opinions des gens me laissent indifférent.
Si la fleur d’abricotier ne s’entrouvre pas en automne, elle n’est pourtant pas tardive
Que de fois, s’ouvrant en hiver, elle précède d’autres fleurs et leur annonce le printemps"
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Huu Ngoc/CVN
(Août 1999)

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