Le garde-forestier et le sao la, une légende moderne

Animal aussi mythique que mystérieux des jungles du Vietnam, le sao la sait se montrer des plus discrets. Et pourtant, un garde-forestier a eu la chance de l’apercevoir de près par deux fois, un exploit des plus exceptionnels.

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Luong Viêt Hùng (debout) et un membre du groupe de protection installent les pièges photographiques.

Surnommé la «licorne asiatique», le sao la (Pseudoryx nghetinhensis) est dit-on plus difficile à trouver qu’une étoile filante dans le ciel. Le rarissime bovidé vietnamien, à mi-chemin entre une antilope et une chèvre, risque malheureusement de disparaître de manière définitive du firmament zoologique.

Pour éviter ce funeste destin, le ministère fédéral allemand de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire, l’antenne du Fonds mondial pour la nature au Vietnam (WWF Vietnam) et l’Institut de recherche sur les animaux sauvages du zoo de Leibniz se sont associés pour lancer le projet CarBi (Carbon and Biodiversity project). L’une des missions de ce dernier est de surveiller l’évolution des espèces rares et en danger du Vietnam, dont le fameux sao la dans la réserve naturelle qui lui est dédiée, située dans la région centrale de Truong Son, province de Quang Nam (Centre). À la tête d’une partie des opérations, Luong Viêt Hùng, sans doute l’homme le plus chanceux du Vietnam.

Un groupe de volontaires s’était décidé à patrouiller en plein coeur de la réserve, en toute fin de l’année dernière. La soirée avant le départ, les gardes-forestiers ont partagé avec eux leurs savoir-faire pour passer la forêt, notamment en cas de mauvais temps, et surtout expliquer les multiples interdictions. Les volontaires nourrissaient le secret espoir d’apercevoir la créature mythique, même si leur chance était des plus nulles. L’un d’entre eux osa poser la fameuse question aux gardes-forestiers. Parmi eux, Luong Viêt Hùng leur répondit : «Je l’ai vu à deux occasions. La première fois, j’ai même pu le toucher. La deuxième fois, je l’ai aperçu à distance. Mais ce sont deux tristes souvenirs pour moi».

Deux souvenirs inoubliables

M. Hùng a rencontré son premier sao la en 1998 alors qu’il était tout jeune diplômé et fraîchement mobilisé pour travailler dans le Parc national de Bach Ma. «Cette année-là, les locaux ont pris un petit sao la et l’ont confié aux cadres du parc pour le faire soigner. Le nom de ce mammifère n’était connu que depuis cinq ans, et peu d’informations circulaient à son sujet», raconte-t-il. Et d’ajouter : «Nous ne savions pas encore à l’époque les caractéristiques du sao la, notamment sur son régime alimentaire. J’ai été assigné à la cueillette de légumes poussant dans la forêt, les lui ai servis et observé son comportement. Une semaine après, le timide mammifère ne mangeait rien malheureusement, et il est mort peu de temps après».

Apercevoir au Vietnam, le +sao la+ est aujourd’hui exceptionnel.
Photo : TH/CVN

Dans la même année, les pièges des habitants ont permis la capture de plusieurs sao la, aidant les scientifiques à avancer dans leurs recherches. Les traces mais aussi les images de ces derniers ont été aperçues dans plusieurs coins de la province de Thua Thiên-Huê, toujours dans la région du Centre. «À l’époque, j’avais demandé aux chercheurs de pouvoir les accompagner sur les lieux où l’on avait annoncé la présence du sao la», détaille Luong Viêt Hùng.

«Deux ans plus tard, les habitants du district d’A Luoi, province de Thua Thiên-Huê, nous ont informés qu’un spécimen avait été piégé au bord d’un ruisseau. J’étais présent à l’heure où il avait été relâché, j’ai pu cette fois-ci l’observer à distance», se souvient-il.

Un modèle efficace pour protéger la forêt

Prouver l’existence du sao la a nécessité aux gardes-forestiers de parcourir l’immense zone pendant de nombreux mois. Selon Luong Viêt Hùng, il a été l’initiateur des groupes de protection et du modèle d’action des plus efficaces qui a été par la suite mis en place. «Il existait déjà un modèle quasi identique au Laos, mais il n’avait pas fait ses preuves. J’en ai tiré quelques leçons pour lancer ce groupe de protection, expose-t-il. La priorité était de choisir des locaux en excellente santé, et passionnés par le métier. En effet, ces derniers comprennent parfaitement la forêt, quelle qu’elle soit, et maîtrisent les techniques pour poser les pièges».

«En sa qualité de gestionnaire, M. Hùng supervise et surveille périodiquement les groupes de protection. En plus, il accompagne les volontaires pour traverser les forêts durant des semaines afin de traquer la présence du sao la. À 42 ans, l’amour de la forêt coule toujours dans ses veines, et ses pieds ne sont pas encore fatigués», témoigne Duong Van Dành, un collaborateur de Luong Viêt Hùng.

Huit groupes pour la protection de la forêt ont été mis sur pied par Luong Viêt Hùng en 2011, et exercent dans la Réserve naturelle du sao la dans la province de Quang Nam. Chaque groupe accompagne un garde-forestier, et a pour tâche de dégager les éventuels pièges et d’empêcher tout acte de braconnage. Il s’occupe également de poser les pièges mais cette fois-ci photographiques, indispensables pour débusquer le mammifère.

Quê Anh/CVN

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