"Le bài choi, une création des Vietnamiens du Centre"

Le bài choi, un art combinant chant folklorique et jeu de cartes, a été inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Entretien avec Nguyên Binh Dinh, directeur de l’Institut vietnamien de la musicologie, sur ses valeurs et sa sauvegarde.

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Que représente le bài choi sur le plan artistique et quelles valeurs véhicule-t-il ?

Le bài choi est l’une des créations culturelles immatérielles folkloriques originelles des Vietnamiens du Centre. Je peux vous certifier que parmi les arts populaires des pays d’Asie de l’Est et d’Asie du Sud-Est, le bài choi est l’un des arts de spectacles les plus vivants et riches en termes de valeurs artistiques. Il se distingue par sa combinai-son délicate de jeu, de poésie, de musique, d’interprétation, d’improvisation, de théâtre, etc. Ainsi, permet-il au public de contempler de nombreux genres d’arts en un seul. Son originalité réside notamment dans son style de narration, renforcé par la gestuelle des joueurs et du meneur de jeu, la musique ou parfois par l’insertion de scénettes de théâtre. Vous l’avez compris, les talents scéniques - dont la capacité du maître de jeu à improviser - sont un facteur décisif pour l’attractivité et la réussite d’un spectacle.

Au début du XXe siècle, des documents écrits par des Vietnamiens et étrangers abordant l’histoire de cette forme d’art ont été publiés. Dans le Larousse musical de 1928, l’auteur français GL Bouvier, un musicologue français d’origine polonaise, a consacré un chapitre au bài choi. Selon lui, cet art a été inventé et s’est développé après 1470. Néanmoins, aucune preuve prouvant cette affirmation n’a été donnée. Ultérieurement, certains cher-cheurs des provinces de Quang Binh et Binh Dinh (Centre) se sont basés sur ce que l’on racontait oralement pour formuler une autre hypothèse selon laquelle Dào Duy Tu (1571-1643), un confucéen, est le fondateur et a transmis cet art dans la région. Néanmoins, à ce jour, nous n’avons pas encore réuni suffisamment de preuves pour vérifier cette hypothèse.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, le bài choi respire la vitalité de la vie, exprime les pensées, émotions et aspirations des habitants, les encourage vers le bien et les aide à lutter contre le mal. Le bài choi permet d’enrichir la vie spirituelle des habitants, de satisfaire leur besoin de contempler l’art ou de se produire eux-mêmes en incarnant un personnage afin de mettre en avant leurs talents d’acteurs...

Qu’en est-il de la pratique du bài choi dans le Centre ?

Selon des statistiques établies en 2014, quelque 1.370 personnes divisées en 86 troupes et clubs pratiquent le bài choi, réparties dans neuf ville et provinces que sont Quang Binh, Quang Tri, Thua Thiên-Huê, Quang Nam, Quang Ngai, Binh Dinh, Phu Yên, Khanh Hoà et Dà Nang. Et la dynamique est particulièrement forte à Binh Dinh et Quang Nam, avec 37 clubs et 27 familles totalisant 106 personnes s’adonnant à cet art.

Actuellement, le bài choi se joue selon trois nuances caractérisées géographiquement par trois régions. Les habitants de Quang Binh, Quang Tri, Thua Thiên-Huê le pratiquent avec un rythme de jeu et de chant plus lent et plus simple. À Quang Nam, Quang Ngai et Dà Nang, on préfère le style doux et lyrique, alors qu’à Binh Dinh, Phu Yên, Khanh Hoà, on privilégie la théâtralité du spectacle.

Les spectacles de "bài choi" attirent de nombreux spectateurs dans la ville de Hôi An, province de Quang Nam (Centre).
Photo : Kha Ly/VNA/CVN

Quel regard portez-vous sur les activités de préservation et de valorisation de ce patrimoine par les pratiquants et les organismes compétents ?

Je pense que les garants de la préservation de cet art sont les maîtres de jeu comme Trân Rí, Lê Thi Dao, Truong Thi Hang, Minh Liêu, Nguyên Van Dung, Dô Huu Quê et leurs familles, dont la réputation n’est plus à faire. Outre la transmission des compétences de chant, de maîtrise des instruments, d’installations scéniques, d’animation des spectacles destinés au jeune public, ces artistes ont permis, de près ou de loin, de fonder les 86 troupes et clubs aujourd’hui en activité.

Pour mettre en exergue le bài choi, le Centre de la culture et des sports de Hôi An (province de Quang Nam) organise réguliè-rement des représentations. Cet art figure depuis 1998 dans le programme artistique "Dêm ram phô cô" (La nuit de la pleine lune dans le vieux quartier) à Hôi An au 15e jour de chaque mois lunaire. La collecte, la documentation et les statistiques portant sur les différentes versions du bài choi ont été également réalisées par l’Institut national de la musicologie et l’Institut de la culture et des arts du Vietnam, en collaboration avec neuf provinces du Centre depuis 1998. Les autorités de ces localités ont réservé une partie de leur budget pour financer la recherche, la restauration, l’enseignement et la représentation du bài choi.

Il existe également de nombreuses autres activités visant à préserver et promouvoir ce patrimoine. Des festivals et concours sont organisés au niveau provincial à Binh Dinh depuis 2010, à l’échelle régionale à Binh Dinh, Phu Yên, Khanh Hoà (en 2013 et 2014), et au niveau interprovincial dans le Centre (en 2011, 2014 et 2015). Ces activités ont reçu un fort soutien des autorités locales, des organisations et des particuliers. En 2013, l’antenne de l’Association du patrimoine culturel du Vietnam à Quang Tri a financé un projet d’étude et de restauration des spectacles de bài choi anciens. L’Association de la littérature et des arts folkloriques du Vietnam a attribué le titre d’"Artisan folklorique" à quatre artistes : Lê Thi Dào, Minh Liêu, Nguyên Thi Duc et Hô Ngoc Tùng.

Pour préserver et promouvoir ce trésor du Centre, je pense que les provinces concernées devront continuer d’accélérer les activités de recherche, de restauration et d’enseignement. Plus précisément, il est nécessaire d’organiser des festivals du bài choi au niveau provincial, régional et même national. Enfin, il apparaît impératif de renforcer les campagnes de sensibilisation auprès de la population - notamment la jeune génération - sur la responsabilité de préserver et de promouvoir les valeurs artistiques de ce qui constitue désormais un patrimoine de l’humanité.


Hoài Nam - Linh Thao/CVN

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