La tradition de «la feuille indemne»

Plus d’un vietnamophone en herbe pourrait être pris de court par la locution proverbiale «lá lành đùm lá rách», locution qui a été adoptée comme mot d’ordre par une association de secours populaire.

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Photo : CTV/CVN

Pourquoi «feuille indemne» et «feuille déchirée» ? Une telle métaphore ne peut émaner que d’un peuple qui relève de la «culture du végétal», se nourrissant de riz plutôt que de blé. En Europe où l’on mange du blé, le pain est empaqueté dans du papier industriel. En Asie orientale, les gens consomment peu de viande mais surtout du riz ; ils enveloppent les galettes et gâteaux dans des feuilles végétales. Leur papier artisanal, en général spongieux, collerait aux pâtes de riz gluant ; il se prête moins bien à l’emballage que les feuilles végétales, celles que le paysan peut cueillir dans son jardin ou se procurer à bon marché.

Une solidarité qui est devenue une tradition

Nombre de galettes et de gâteaux sont enveloppées de feuilles avant la cuisson, entre autres le fameux bánh chung carré du Têt. Comme il faut plusieurs couches de feuilles, celles qui sont indemnes peuvent renforcer les feuilles déchirées. De là l’expression «lá lành đùm lá rách» (Que la feuille indemne protège la feuille déchirée !) dont nous avons parlé et qui fait allusion à la pauvreté partagée : «Que le moins pauvre partage avec le plus pauvre !».

Cette solidarité est devenue une tradition ancrée dans le village où règne l’esprit de la famille élargie, et même dans le centre urbain qui conserve toujours quelque chose de rural. Elle a fait ses preuves au fil des trente années de guerre nationale. Hélas, aujourd’hui, elle est en train de se perdre sous les coups de boutoir du mode de vie matérialiste, surtout depuis l’adoption du marché libre qui déchaîne une course effrénée à l’argent...

Mais ne désespérons pas trop. L’histoire que m’a racontée mon ami G. me met du baume au cœur. Journaliste retraité, il mène un train de vie plus que modeste, ayant à sa charge une femme malade et un fils sans emploi. L’un de ses voisins est un tailleur qui tient boutique rue Tràng Tiên (Phú Hung). Il vient d’offrir au fils de G. une machine à coudre et le prix de six mois de cours de couture ; le fils du tailleur qui est tailleur également a donné pour sa part une vingtaine de mètres d’étoffe ; et voilà ! Le fils de mon ami va pouvoir travailler à façon : feuilles indemnes et feuilles déchirées !

Huu Ngoc/CVN
(Septembre 1995)

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