La poésie bouddhique de l’ancien Vietnam

À la période des Ly-Trân (XIe-XIVe siècle), le bouddhisme est devenu religion d’État. Voici quelques très beaux poèmes bouddhistes composés à cette période-là.

Le brillant roi Trân Nhân Tông (1258-1308), intelligent et courageux, résiste avec son peuple à deux invasions mongoles, aidé par le général Trân Hung Dao. Après la victoire, il laisse le trône à son fils. Quelques années après (1298), il se retire dans un monastère et, avec deux autres bonzes, fonde la secte de Truc Lâm (Forêts de bambous) à Yên Tu. Son inspiration poétique est très variée :

L’image de la blanche aigrette dans un poème du roi Trân Nhân Tông.

Matin de printemps

À mon réveil, j’ouvre ma fenêtre,

Je ne peux vraiment douter

de la venue du printemps.

Un couple de papillons blancs

Battant des ailes, voltigent

sur les fleurs.

Crépuscule sur Thiên Truong (1)

Les villages s’estompent

dans la brume,

Irréels dans la lumière du soir.

Les pâtres soufflant dans leurs flûtes ont ramené les buffles.

Des couples de blanches aigrettes

se posent sur les rizières.

Lune

Près de la fenêtre entrouverte,

un lit jonché de livres, aux clartés

de la lampe.

La rosée d’automne perle la cour, l’air avec la nuit devient

plus léger.

Quand je m’éveille, le bruit

des battoirs (2) a cessé de troubler

le silence.

La lune qui paraît sertit les grappes de fleurs Moc (3)

Au palais royal de Thiên Truong (4)

Dans cette solitude, êtres et choses sont d’une douceur infinie,

C’est ici la plus belle des douze régions du pays (5).

Des oiseaux chantent à cent voix : véritable concert !

Et tels des milliers de gardes,

les mandariniers en rangées.

Une lune sereine éclaire l’homme

en paix,

Et le ciel d’automne se mire aux eaux d’automne.

Les quatre mers sont apaisées, les tourbillons de poussière posés.

Ce séjour, plus encore que l’an passé, me charme.

Reçu Trang Nguyên (Premier Docteur aux concours mandarinaux), Huyên Quang (1254-1334) abandonne très tôt la carrière mandarinale pour se faire bonze, rejoignant la secte Truc Lâm (forêt de bambous) à Yên Tu. Ses poèmes respirent la joie de l’âme au sein de la nature :

Pour Huyên Quang, les chrysanthèmes épanouises annoncent

Chrysanthèmes

M’oubliant moi-même, la vie, et toutes choses,

En silence, je reste longtemps assis sur ce lit de fraîcheur.

L’année approche de sa fin.

Dans la montagne, nul calendrier.

Les chrysanthèmes épanouis annoncent le temps «Trùng Duong» (6).

Maison dans la montagne

La nuit est avancée, le vent d’automne souffle sur la véranda,

La maison se blottit dans les lianes vertes.

Depuis longtemps, mon cœur s’éclaire à la lumière du Thiên (7).

Pour qui le grillon lance-t-il

ses tristes plaintes ?

Promenade en barque

La barque file au gré du vent,

sur l’immensité des eaux,

La montagne verte et l’eau bleue baignent dans la lumière d’automne.

Le son des flûtes de pêcheurs glisse au-delà des fleurs de roseau,

La lune tombe au creux des flots,

et le brouillard couvre le fleuve.

Impressions de printemps

Une belle jeune fille de seize ans brode nonchalamment,

Sous les fleurs de gainier chante

un loriot jaune.

Combien pénible l’émotion printanière confuse qui l’envahit,

Retenant son aiguille et les mots sur ses lèvres.

L’ermitage de Yên Tu

Là-haut, proche du ciel, l’ermitage est bien froid,

Sa porte s’ouvre au-dessus

des nuages.

Le soleil, haut d’une perche, éclaire

la grotte du Dragon (8),

La couche glacée, sur le ruisseau

du Tigre (9), reste épaisse d’un mètre.

Pour préserver ma maladresse,

je n’ai pu trouver un autre moyen,

Un frêle bâton de rotin soutient

mon corps débile.

La forêt de bambous accueille tant d’oiseaux

Dont la plupart sont les amis

du bonze paisible.

Sieste

La pluie a cessé, montagne et ruisseau baignent dans le silence.

Au cœur de la forêt d’érables,

on plonge dans un sommeil plein

de fraîcheur.

Jetant un regard sur le monde

des poussières,

Même les yeux ouverts, une douce ivresse vous engourdit encore.  

(1) Thiên Truong : district (dans l’actuelle province de Nam Dinh) où est situé Tuc Mac, village d’origine des Trân. Là se trouvaient des palais de villégiature royaux.

(2) Battoir fait de pierre. En automne, on bat le linge en prévision des jours d’hiver.

(3) Moc : caryotamitis, olivier odorant.

(4) Après avoir battu deux fois les mongols, le roi rend visite à son village natal à Thiên Truong. Bùi Huy Bich attribue ce poème au roi Trân Nhân Tông et Ngô Thoi Si, au roi Trân Thanh Tông.

(5) Sous les Trân, le pays était divisé en 12 (région). Thiên Truong en tant que lieu d’origine de la famille royale, figure en tête de la liste.

(6) Trùng Duong («Chiffre yang doublé » : le nombre 9 est considéré comme celui du principe yang), fête du 9e jour du 9e mois lunaire. Les chrysanthèmes s’ouvrent en automne, en général au 9e mois.

(7) Thiên : méditation bouddhique.

(8)Long Dong (Grotte du Dragon) : site pittoresque du mont Yên Tu choisi comme domicile par Huyên Quang.

(9) Ho Khe (source du Tigre) : près de la pagode de Dong Lam (Chine). Le bonze Tuê Viên de cette pagode ne dépassait jamais les limites du Ho Khe quand il accompagnait ses visiteurs.

                                                                                                               

                                                                                                                Huu Ngoc/CVN

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