La poésie de Xuân Quynh face aux défis de la vie

À l'occasion de la sortie d'une Petite anthologie de la poésie de Xuân Quynh sous le titre de ... Si demain ..(1), nous désirons rendre hommage à une poétesse, encore mal connue des francophones. Ses poèmes postulent pour une mercatique transcendante et prospective face aux défis de la vie.

De l'auteure : de son nom complet Nguyên Thi Xuân Quynh, est née le 6 octobre 1942 dans le village de La Khê, commune de Van Khê, province de Hà Dông. Ayant perdu sa mère dès son plus jeune âge, elle a été élevée par sa grand-mère paternelle. Sa sélection par la Troupe artistique centrale en 1955 lui a permis de devenir danseuse professionnelle. Elle s'est produite sur plusieurs scènes internationales, mais a embrassé une carrière littéraire, suite à une formation de 1962 à 1964 à l'École des jeunes écrivains (première promotion) de l'Association des écrivains vietnamiens. À la sortie de cette école, elle s'est engagée dans les rédactions de journaux de Hanoi (Littérature et Arts puis Les femmes). Membre de l'Association des écrivains vietnamiens en 1967, elle a été élue à son comité exécutif lors du 3e congrès de l'association. En 1973, après avoir divorcé de son premier mari, un musicien de la Troupe artistique centrale, Xuân Quynh a épousé le dramaturge et poète Luu Quang Vu(2) . Un couple simple d'intellectuels vietnamiens, pris par les aléas du quotidien dans un pays sorti à peine de deux longues guerres, un pays qu'ils aiment à partager avec les intimités de leur amour, d'où cette déclaration "J'aime ces instants où nous sommes réunis". L'amour, la maternité, la solitude, la souffrance sont exprimés sur le ton de la confidence sincère, sans feutrages et éveillent l'estime du lecteur. De 1978 jusqu'à 1988, elle a été rédactrice aux éditions Taùc phaåm môùi (Nouvelles œuvres) (l'actuelle Maison d'éditions de l'Association des écrivains). Xuân Quynh est décédée le 29 août 1988 dans un accident de la route survenu sur le pont Phu Luong (province de Hai Duong) ainsi que son mari Luu Quang Vu et leur garçon Luu Quynh Tho. La poétesse a obtenu plusieurs prix littéraires, notamment le Prix de littérature enfantine de l'Association des écrivains vietnamiens (1982 - 1983) pour son recueil de poésie Le ciel dans un œuf, et le Prix de poésie de l'Association des écrivains vietnamiens (1990) pour son recueil Les fleurs de chrysopogon. En 2001, lui a été décerné à titre posthume le prix d'État vietnamien Littérature et Arts.

Des poèmes : qu'ils associent les lieux, la mer, le sable, le vent, les rues de Hanoi, la gare, l'hôpital..., "Les rues de janvier"... ou "La gare au soir de mon départ" à peine le train a sifflé que nos cœurs, Nord-Sud se séparent... (allusion à l'époque de la séparation du pays)… Et puis "Le temps blanc" (évocation des souvenirs de fillette), les poèmes de Xuân Quynh ornementent son histoire personnelle (lorsqu'elle était à l'hôpital pour des traitements cardiaques), en expérience planétaire. Le temps est blanc, c'en est pareil de tout l'espace. L'appel à l'amour "Quand les aglaia odoranta vont-ils éclore?" la solitude, la souffrance due à la guerre, la nature.. sont exprimées sur le ton de la confidence sincère, sans lustrages, et attisent notre attention avec les saisons qui passent et les questionnements tels dans "L'été" nous remémore "Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours. Laissez-nous savourer les rapides délices. Des plus beaux de nos jours". Éventuellement influencée par l'incantation au temps tirée du poème Le lac d'Alphonse de Lamartine(4), Xuân Quynh (5) donne à la vie, donc à l'amour la coloration du bleu éperdu de l'immensité de la mer. Ses vers nous manœuvrent à compulser avec la quintessence de l'avenir avec beauté, avec impulsion et inclination dessous dessus du "Bateau et de la mer". Autrement dit, à rétorquer aux ennuis, aux misères et aux réalités de jadis à demain en passant par aujourd'hui. Les mêmes vers remontent le temps pour réaliser sa longue évolution imaginaire.

Des traducteurs : Nguyên Minh Phuong, habitante d'Hanoi et Trân Dang Thuong, de Corrèze, ont choisi pour titre du recueil Si demain… ("Si demain je n'écrivais plus de vers"), titre hypothétique et conditionnel laissant l'ouverture à l'exégèse des sentiments. En effet, les traducteurs ont voulu confier leur désir de nous faire apprécier la profondeur de l'âme vietnamienne alors que dans la préface de Pierre Enckell (6), elle est ressentie à travers le mouvement et la discipline d'une danseuse, la tendresse et la pureté d'une musicienne et la grâce de toutes deux. Les traducteurs nous font partager leur amour du beau, du vrai, du palpable et de la discrétion à travers la poésie vietnamienne. Ils ont sélectionné des poèmes faisant échos aux sensibilités authentiques mais combien cordiales et familières d'une incontestable femme poète du 20e siècle, qui a livré tout un Cosmos, le sien, pendant trente ans d'une existence à dévorer les faits et gestes de la vie. Elle nous a légué l'héritage même de la mémoire collective du Vietnam post guerre. Par dessus tout, Xuân Quynh a laissé le temps au temps.

Notre hommage à Xuân Quynh, nous prenons la plume, simplement pour apostropher notre ode en cohésion avec sa force de frappe à la vie.

D'ici et d'ailleurs

Vous intégrez, vous pétrifiez

Terre et bonheur !

Comme... l'enfant et le miroir

L'océan et le terroir

Vous fêtez la Femme et son honneur

Loin, près, partir vivre

de sa mollesse, êtes-vous ivre ?

Le temps

N'est agencé

Que pour le suspendre

À vos côtés !

Et Mon enfant

Éternise la rutilance continuelle

D'un amour perpétuel

D'antan, cent ans !

Destin

Ne laisse son empreinte

Qui n'est jamais feinte

Qu'à ceux des festins !

Il et Elle

S'affrontent pareils

Labeur et désordre

À la vie, à la cohorte !

Lendemain(s)

Au singulier au pluriel

Ne sont enchanteurs

S'ils sont sans pleur !

Comment lui dire?

Surtout ne pas lui écrire

Il quémandera les clairvoyances

De vos fées sous les banians !

Le soleil se couche

Et semble nouveau

Peut être sous l'eau

Néanmoins restez sans secousse !

Car les Amoureuses

Qui paraissent heureuses

Dès lors que le quotidien

Devient le Méridien !

Passé, présent, futur

Confondus dans l'azur

Qui pourra les ressusciter, ton absence ?

Ou par ta simple présence ?

Qu'importe : Toi et/ou Moi

Restons encore en émoi!

Si d'une histoire brisée

Faisons en un accord décidé

Un jour viendra…

Où tu nous verras

Au fond de tous bords

Le vertige des jours forts.

Sans nous remettre

Sans nous compromettre

Les pendules en ivraie

Ces détours que tu attendais.

Poussières

De tous les Empires

Qui s'altèrent en hères

Et en rouages aigris.

et la Politique

Quel vertige!

Où justice, plénitude

Confondues ne sont qu'attitudes.

Un monde qui se fissure

Gardez encore en figure

Sans déchirure les raisons de la colère

Et soufflez tous les airs!

de l' Immigré
Choisi ou intégré

En voilà à confondre les lois

Et les monceaux de rois.

À croiser les regards
Percés ou perçus du hasard

Des marionnettes de la mort

Que les ghettos ont mis dehors.

Toutefois le Retour

Rempli d'amour.

Guettes les divers dominos

Qui installent mon cœur en étau.

Colonie

Existent des fourmis

Qui se surpassent

Pour assouvir en surface!

à La Paix de la colombe ou croiseurs

Rassemble tes élans tapageurs

Pour les conduire en dehors des clôtures

De la mondialisation sans fermetures.

"Si demain" impacte le social, le culturel et la mercatique transcendante et prospective de la poésie vietnamienne. Une telle œuvre traduite avec élégance caparaçonne une échappatoire considérable, à l'heure des crises contemporaines dans le contexte de la mondialisation au Vietnam et ailleurs.

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1 Parmi tous les poèmes de Xuân Quynh, les connus et les moins prosaïques, trente d'entre eux ont été traduits par Nguyên Minh Phuong et Dang Trân Thuong et publiés par les Édition Thê Gioi 07/06/2010.

2 Voir sa fameuse pièce Loi thê thu 9 (le 9è serment)

3 1983, traduction de Nguyên Minh Phuong

4 Le Lac de Lamartine expliqué. L'allégorie temps-oiseau prend ici une importance particulière. "O temps suspends ton vol", est un impératif adressé au temps comme à un oiseau …

5 La poétesse a obtenu plusieurs prix littéraires, notamment le "Prix de littérature enfantine" de l'Association des écrivains vietnamiens (1982 - 1983) pour son recueil de poésie Le ciel dans un œuf, et le "Prix de poésie" de l'Association des écrivains vietnamiens (1990) pour son recueil Les fleurs de chrysopogon. En 2001 lui fut décerné à titre posthume le prix d'État vietnamien Littérature et Arts.

6 Pierre Enckell, né le 27 septembre 1937 à Helsinki, est un journaliste et lexicographe d'expression française. Il a travaillé aux Nouvelles littéraires de 1977 à 1984 et à L'Événement du jeudi de 1984 à 1996. Parallèlement, il a effectué à titre bénévole des recherches, principalement sur la datation du vocabulaire, pour l'Institut national de la langue française (CNRS).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Enckell

Nguyen Dac Nhu-Mai (Apfsv /CVN)

Lauréate 2010 du Mot d'Or de la francophonie

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