La pastèque du Têt, histoire de Robinson Crusoé vietnamien

La pastèque mûrit vers la fin de l’année dans le Nam Bô (Sud). Point étonnant qu’elle soit devenue le fruit du Têt (Nouvel An lunaire) par excellence.

La légende sur Mai An Tiêm fait partie du trésor des contes vietnamiens

La pastèque trône pendant les premiers jours de la fête sur l’autel des ancêtres, comme offrande cultuelle. Et pourtant, l’adage populaire Xanh vo do long (Peau verte, entrailles rouges) pour décrire le fruit à une nuance péjorative : il faut allusion aux hypocrites.

La pastèque a même des propriétés curatives. Elle facilite la digestion et son jus guérit une certaine fièvre. Originaire d’Afrique, la plante est cultivée dans les pays chauds.

Son introduction au Vietnam fait l’objet d’une vieille légende dont le héros Mai An Tiêm, exilé dans une île déserte, rappelle Robinson Crusoé. En voici l’histoire :

Mai An Tiêm sur l’île déserte

Jadis vivait dans une lointaine contrée du Sud un jeune homme du nom de Mai An Tiêm. Un jour, des marchands cupides l’emmenèrent devant le roi Hùng et le vendirent comme esclave. Mai An Tiêm apprit vite le Viêt, la langue du pays. Doué d’une bonne mémoire et de larges connaissances, il connaissait en outre plusieurs métiers, ce qui lui valut l’estime du monarque. À 35 ans, il devint une personne de confiance du roi qui lui donne une belle demeure située non loin du palais royal. Sa femme, fille adoptive du souverain, lui avait donné un garçon qui atteignait alors l’âge de cinq ans.

Le ménage vivait dans l’opulence, entouré de serviteurs, sa maison était remplie d’objets précieux. Tout le monde respectait Mai An Tiêm. Nombreux étaient ceux qui venaient solliciter sa protection. Mais sa situation privilégiée ne manquait pas de lui attirer la jalousie. Un jour, au cours d’une réception, alors que les invités ne tarissaient pas d’éloges sur lui, Mai An Tiêm leur dit avec modestie :

- Je ne mérite guère vos éloges. Tous ce qui se trouve dans cette maison provient de ma vie antérieure.

Il disait cela sur un ton simple sans arrière-pensée, car selon le dogme religieux de son pays, la destinée d’un être vivant est déterminée par ses actions passées, par sa vie antérieure. Mais parmi les convives se trouvaient des gens malveillants qui interprétèrent sa déclaration comme une insolence à l’égard du roi qu’ils s’empressèrent d’informer.

Celui-ci entra dans une colère effroyable, il tonna :

- Quel insolent ! Si aujourd’hui, il a prononcé de telles paroles, demain il recommencera de plus belle. Traître esclave ! Qu’on l’arrête !

Mai fut sur-le-champ jeté en prison où il prit conscience de son erreur. Il se dit :

- Si la destinée me réserve des jours sombres, c’est que j’ai accompli de mauvaises actions dans ma vie antérieure.

La pastèque est un des fruits préférés des Vietnamiens.
Photo : CTV/CVN

Entre-temps, les mandarins de la Cour se réunirent pour le juger. Quelqu’un proposa de lui tailler le talon. Plusieurs réclamèrent la peine de mort. Un vieux mandarin prit la parole, il dit :

-L’insolent esclave mérite la mort. Mais avant qu’il ne meure, il faut qu’il sache que ses richesses ne proviennent pas de sa vie antérieure mais plutôt des faveurs accordées par Votre Majesté. Il existe dans la baie de Nga Son une île déserte. Qu’on l’y envoie avec quelques mois de vivres. Il aura le temps de réfléchir sur «les objets de sa vie antérieure» avant de trépasser.

L’idée parut bonne au roi qui ordonna :

- Qu’on lui donne suffisamment de quoi vivre pendant une saison!

Le jour du départ de Mai An Tiêm arriva. Malgré les conseils, la femme de Mai s’obstina à suivre son mari sur l’île. Elle emmena aussi son garçon.

C’est de la folie, lui disait-on. Mais elle croyait aux paroles de son époux :

- Si le Ciel a créé l’éléphant, il a aussi créé l’herbe. Nous n’avons rien à craindre.

La solitude et la nature sauvage de l’île inquiétaient vivement, la femme qui dit en sanglotant à son mari :

- Nous allons laisser notre vie ici.

Prenant son garçon dans ses bras, Mai An Tiêm la consola :

- Le Ciel est miséricordieux. Aie du courage. Ne te fais pas de mauvais sang.

Le ménage passa le premier mois à s’installer. Le creux d’un rocher lui servait d’habitation, le ruisseau lui donnait de l’eau, la mer lui donnait le sel. Mais le panier de riz commençait à se vider. Que faire pour subsister ? Le mari dit :

- Si nous arrivons à avoir une poignée de semences, nous n’aurons rien à craindre.

Apparition d’un fruit rare sur l’île

Un jour, de l’ouest arrivèrent de nombreux oiseaux qui vinrent se poser sur le rivage. Les volatiles se mirent ensuite à survoler la demeure de Mai en poussant de grands cris et en lâchant sur le sol quelques graines. Quelques temps après, ces graines donnaient naissance à des plantes rampantes.

À mesure qu’elles poussaient, des fruits commençaient à poindre. Ils grossissaient à vue d’œil et présentaient la forme sphérique d’une tête humaine, la peau lisse et d’une couleur verdâtre. Mai An Tiêm cueillit un fruit et l’ouvrit. Sa chair rose tachée de petits grains d’un noir de jais donnait un goût légèrement sucré et une sensation de fraîcheur. Il s’écria :

- Un fruit rare que je n’ai jamais vu jusqu’à présent. Comme il a été apporté ici par des oiseaux venant de l’ouest, nous l’appellerons le Melon de l’ouest. Nous sommes sauvés.

(À suivre)
Huu Ngoc/CVN

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