La mission sacrée d’un médecin traditionnel

«Ce qui me rend le plus heureux dans la vie, c’est d’étudier et de préparer des remèdes traditionnels pour sauver la vie des malades indigents», confie Nguyên Van Muoi, fier de sa mission des plus nobles.

Sans famille ni habitation fixe, le médecin nonagénaire Nguyên Van Muoi n’a comme «fortune» qu’un cahier rempli de multiples remèdes traditionnels, transmis de ses ancêtres ou conçu par lui-même.

Le médecin Nguyên Van Muoi prépare des remèdes traditionnelles.

Dans la commune de Khanh Binh, province de Binh Duong (Sud), le médecin traditionnel Muoi est connu de tous. Son cabinet de consultation est coincé entre des rizières verdoyantes et un jardin de plantes médicinales. Dans la cour, le vieillard hache des feuilles fraîches. Cheveux blancs remontés en chignon, barbiche longue et blanche, vêtu d’un costume brun, l’homme a l’air d’un sage taoïste.

Métier transmis de père en fils

«Toute ma vie, je l’ai consacrée à la médecine. Je suis allé un peu partout, notamment dans des régions reculées où poussent des plantes médicinales. C’est pour cette raison peut-être que je n’ai pas eu suffisamment de temps pour chercher une épouse», avoue-t-il avec un léger sourire, ravi de la visite de journalistes. En arrivant à Binh Duong il y a un an, le médecin vénérable y a ouvert un cabinet de consultation, cultive des plantes médicinales et prépare des remèdes traditionnels. Autour d’une tasse de thé, il raconte sa vie parfois difficile.

Né en 1922, Nguyên Van Muoi est le dixième d’une famille de onze enfants pratiquant la médecine traditionnelle, à Saigon (Hô Chi Minh-Ville actuelle).

Passionné par les études, Muoi a pu rapidement parler le chinois et saisir bien des «trucs héréditaires» en médecine. Plus grand, il est venu approfondir son savoir-faire chez le «maître Quong», un praticien en médecine traditionnelle de renom dans la région. En peu de temps, il était en mesure de «tâter le pouls» des patients et de composer des remèdes. «Je me suis promis dès lors de me consacrer entièrement à cette mission sacrée : sauver la vie des malades, des pauvres notamment», se souvient-il.

Avec comme bagage inséparable un registre où sont écrits ses remèdes traditionnels, Muoi est parti dans une région déshéritée où il a cherché à établir une base de traitement médical au service de la population locale, chercher et cultiver des plantes médicinales, préparer des remèdes, et former des praticiens locaux. Une fois que l’antenne médicale a commencé à bien fonctionner, il est reparti pour une autre région nécessiteuse. Le médecin a laissé son empreinte dans de nombreuses contrées rurales, montagneuses et insulaires dans le Sud.

Dans le Sud du Vietnam qui était alors en guerre contre l’agression américaine (1954 - 1975), les années 1960 ont été une période très difficile pour les forces révolutionnaires vietnamiennes qui faisaient face souvent à la répression violente de l’ennemie. Personne ne savait que le maître Muoi était lui un partisan de la révolution. Sous le manteau de médecin, il participait clandestinement aux activités révolutionnaires : aller aux renseignements chez les adversaires pour informer les forces révolutionnaires, accueillir et abriter des résistants chez lui, ravitailler le maquis…

Un pagodon à triple fonction

Le médecin Nguyên Van Muoi soigne son jardin de plantes médicinales.

La première destination de sa «mission», au début de la décennie 1960 fut l’île de Phu Quôc (province de Kiên Giang, à l’extrême du Sud). «J’ai pleuré de joie en découvrant de vastes terrains couverts de plantes médicinales rares sur cette île encore sauvage», se souvient-il. Logeant les premiers temps dans la pagode Phuoc Thiên, le médecin s’est adonné à l’étude des livres liturgiques et à la préparation de remèdes à partir de végétaux.

Un an après, Muoi a décidé d’édifier sur le mont Chua un nouveau pagodon, assurant une triple fonction : lieu de culte religieux, laboratoire médicinal et salle de consultation. Au fil du temps, la renommée du «pagodon médical» et du «maître Muoi» a retenti bien au-delà de la localité. Les malades ont commencé à affluer, bénéficiant tous d’un traitement gratuit. Les remèdes à base de plantes préparés par le maître Muoi ont guéri de graves malades.

«En ce temps là, il n’avait aucune station médicale sur l’île», raconte Muoi. Son «pagodon médical» était devenu donc l’unique adresse de confiance des malades insulaires, y compris des hommes proches des Américains. Le «permis de pratiquer la médecine traditionnelle» délivré par l’administration locale était un «laissez-passer» profitable au maître Muoi, avec lequel il pouvait se déplacer librement partout, tant dans les forêts (cueillette de plantes médicinales) que dans des casernes ennemies (visite médicale).

Néanmoins, les actions clandestines du médecin étaient quelquefois suspectées par l’ennemi. «Une fois, j’ai été sur le point d’être emprisonné par la garnison de l’île. Mais, j’ai pu enfin sortir du danger grâce même à un officier du rang ennemi qui m’était redevable pour avoir guéri sa femme atteinte de stérilité», se rappelle le médecin nonagénaire.

L’échappant belle, Muoi a été dans l’obligation de quitter l’île de Phu Quôc pour celle de Thô Châu, où il a continué sa mission sacrée.

Après la chute du régime de Saigon en 1975, à peine la garnison saïgonnaise s’était-elle retirée de Phu Quôc et Thô Châu que ces îles ont été envahies par les forces réactionnaires cambodgiennes, qui ont déversé leur rancune sur la population locale. Encore une fois, le maître Muoi s’est engagé dans les activités clandestines au service de la révolution vietnamienne.

La paix rétablie au Sud, le maître Muoi a choisi de retourner à Phu Quôc, s’adonnant entièrement à la «tâche de vie» qu’il s’est fixée : sauver des malades. Sous sa guide, la station de médecine traditionnelle de la Croix-Rouge de Phu Quôc et le corps de praticiens se développent constamment. Fort de son jardin médicinal, il envoie chaque année vers le continent des tonnes de médicaments à base de plantes à des bases médicales.

Au début de la décennie 2010, à l’âge de 90 ans, le maître Muoi a décidé de partir encore une fois, cette fois-ci pour le continent. Cela pour une seule raison : «Il reste encore beaucoup de personnes nécessiteuses dans le pays, qui ont besoin d’une aide humanitaire, celle de médecins notamment», explique le généreux nonagénaire.

Nghia Dàn/CVN

 

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