La Japonaise qui murmurait à l’oreille des éléphants

Niimura Yoko est venue une trentaine de fois au Vietnam. Sa principale motivation : les éléphants du Tây Nguyên. La fringante septuagénaire a publié des livres de photos sur les pachydermes et fondé l’Association de protection de la forêt de Yok Dôn.

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Niimura Yoko caresse son éléphant préféré, Thoong Ngân.

Depuis qu’elle a eu la chance de contempler des éléphants lors d’un voyage au Vietnam il y a 13 ans, la photographe Niimura Yoko consacre la majeure partie de ses vacances à étudier les relations entre ce mammifère et les populations du Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre).

La Japonaise est revenue en septembre dernier au Vietnam après avoir appris que des braconniers avaient scié une défense de son éléphant favori, Thoong Ngân.  «J’ai été choquée en apprenant la nouvelle. J’ai beaucoup de beaux souvenirs avec lui. Je ne conçois pas qu’un jour il puisse être malmené par de  mauvaises personnes», confie-t-elle.

Une rencontre émouvante

Dès qu’elle pose les pieds au Vietnam, Niimura Yoko file vers le village de Dôn, dans la province de Dak Lak, où vit Thoong Ngân et nombre de ses congénères domestiqués. À peine arrivé, elle cherche Thoong Ngân et, lorsqu’elle l’a enfin trouvé, elle lui caresse la tête en susurrant : «Orikosan ! Orikosan ! Orikosan !» (Bon garçon ! Bon garçon ! Bon garçon !). L’animal, visiblement, la reconnaît, et dirige sa lourde trompe vers la main de la vieille dame. «Cette scène nous émeut toujours, confie le cornac Y Vi Xiên. Nous avons l’impression qu’une grand-mère revoit son petit-fils après des années de séparation».

Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), il ne resterait au Vietnam qu’environ 160 éléphants domestiques et entre 70 et 90 éléphants sauvages.
Photo : VNA/CVN

En 2002, lors d’un voyage au Vietnam, Yoko a été très surprise en voyant des éléphants vivant parmi les gens. Une passion est née et, depuis,  sa vie est étroitement liée au Vietnam. Elle a rencontré beaucoup de cornacs et même le «roi des éléphants» du Tây Nguyên, Ama Kông, qui lui ont raconté des  histoires sur la capture et le dressage des éléphants sauvages.

La Japonaise est aujourd’hui bien connue dans le village de Dôn. «Nous l’appelons par son prénom Yoko, explique Y Mut, également cornac. Elle adore les éléphants. Au village, presque tous les cornacs la connaissent. Alors que les personnes âgées cherchent plutôt à se reposer, Yoko, elle, ne pensent qu’à vadrouiller à droite à gauche pour photographier les éléphants». 

Elle a tissé avec tous les pachydermes du village des liens de confiance. «Bien que Y Kung soit la mère adoptive de Thoong Ngân et Thoong Kham, elle n’aime pas se trouver à leurs côtés, parce que Thoong Kham est turbulent. Pourtant, à chaque fois que je leur rends visite, elle accepte et tous les trois m’accueillent en tendant la trompe. Cela me rend heureuse»,  avoue Niimura Yoko.

Protéger les éléphants sauvages

Ces 13 années d’aller-retour entre le Japon et le Vietnam ont permis à Yoko d’accumuler suffisamment de clichés pour publier des livres au Japon. «Mon ouvrage baptisé +Zou to Ikiru+ (Éléphants du Tây Nguyên) est sorti en 2006, à 15.000 exemplaires. Puis nous l’avons réédité, avec 7.000 exemplaires. Il est présent dans presque toutes les bibliothèques des écoles primaires du Japon», assure Niimura Yoko.

Après avoir vu les photos de Yoko, beaucoup d’étrangers sont venus au Vietnam pour contempler de leurs propres yeux les éléphants domestiqués du village de Dôn.

Elle a aussi offert des centaines d’ouvrages au Comité de gestion du Parc national de Yok Dôn, en guise de remerciement. Elle y raconte des histoires insolites. Beaucoup de Japonais, après avoir lu son livre, sont venus au Vietnam pour voir les éléphants jouer au football ou prendre part à des courses, comme c’est le cas lors de leur festival annuel.

Les gens du Tây Nguyên sont attachés aux éléphants depuis leur enfance. Ces animaux vivent presqu’un siècle et donc les accompagnent toute leur vie. Ce ne sont pas seulement des animaux domestiques, mais des membres à part entière de la famille.

En 2009, avec des amis, Niimura Yoko a fondé l’Association de protection de la forêt de Yok Dôn. Objectif : sensibiliser les habitants locaux à la protection des éléphants et de leur habitat. Pour l’heure, cette association compte 80 membres.  «Ces dernières années, des membres sont venus au Vietnam à plusieurs reprises pour échanger avec les habitants et les écoliers de la province, afin de les sensibiliser à la protection des éléphants et de leur habitat. Nous avons aussi demandé au gouvernement japonais d’aider la partie vietnamienne à créer une zone de protection», insiste Niimura Yoko.

D’après elle, les éléphants sauvages sont comme l’homme, ils ont besoin d’un espace de vie stable. Il faut leur réserver dans la province de Dak Lak des sanctuaires, avec une ressource alimentaire suffisante et des plans d’eau. Le temps presse, car l’éléphant sauvage est au bord de l’extinction au Vietnam.

Un plan d’action pour l’éléphant

Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), il ne resterait au Vietnam qu’environ 160 éléphants domestiques et entre 70 et 90 éléphants sauvages.
La chute des effectifs d’éléphants sauvages a été catastrophique ces dernières décennies ; en effet, en 1990, ils étaient entre 1.500 et 2.000. En cause, la déforestation, donc la perte irrémédiable de leur habitat, et le braconnage. Pour tenter de sauver l’espèce sur son territoire, le Vietnam a lancé un Plan d’action éléphant, qui prévoit la création de zones protégées dans les provinces de Nghê An (Centre), Dak Lak (hauts plateaux du Centre) et Dông Nai (Sud), la sensibilisation des populations locales, la limitation des conflits entre celles-ci et les éléphants via la pose de clôtures...
L’éléphant sauvage est au bord de l’extinction dans le pays et la prochaine décennie sera décisive. Mais pour beaucoup d’experts, il est malheureusement déjà trop tard.


Phuong Nga/CVN

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