Journal intime au temps du coronavirus

En août 2021, Hanoï était en période de distanciation sociale en raison de l’épidémie de COVID-19. Ma mère, médecin à l’Hôpital d’oncologie, a dû y rester pendant une semaine parce qu’un patient y avait été testé positif. Son histoire détaillée.

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Ma mère travaillant à l’hôpital la nuit.

Pour faire face à la 4e vague de contamination, Hanoï a mis en œuvre la distanciation sociale à partir du 24 juillet 2021. Le 1er août, à plus de 300 m de chez moi, à Thanh Tri, la zone de Tho Am - Liên Ninh devint un "point chaud" du COVID-19 où 30 cas F0 furent confirmés en quelques jours seulement. Ce matin-là, j’ai été réveillée par les sirènes des ambulances transportant les patients F0 à l’hôpital.

Étant gendarme local, mon père est allé au travail à 06h00 du matin, et ma mère, médecin à l’Hôpital d’oncologie de Hanoï, n’est pas rentrée à la maison depuis une semaine parce qu’un patient y a été testé positif au COVID-19. Mes deux sœurs et moi préparions le petit-déjeuner lorsque ma mère nous a téléphoné par vidéo à travers un masque hermétique. Elle nous a donné ses nouvelles et nous a conseillé d’être vigilantes face à la situation actuelle.

"Quand pourrai-je revoir ma mère ?"

Le nombre de nouveaux patients atteints du COVID-19 ne cesse d’augmenter et la distanciation sociale est renforcée. Je me suis donc demandée : "Quand pourrai-je revoir ma mère ?". Elle me manque tellement ! Mais je connais bien son travail. Ses tâches quotidiennes sont d’examiner les patients pour déterminer la nature de la maladie, enregistrer les informations médicales et discuter de l’état de santé avec sa famille.

Pour sa pause, elle n’a le temps bien souvent que de prendre rapidement un déjeuner et de faire une micro-sieste. Viennent ensuite des prescriptions ou l’administrations des traitements. Avec la recrudescence des patients, sa journée est très chargée, débutant à 06h30 du matin et se terminant à plus de 18h00. Malgré cet emploi du temps très lourd, elle essaie toujours de travailler avec la plus grande prudence car les responsabilités et la déontologie médicale sont très importantes : toutes les décisions du médecin ont un impact direct sur la vie du patient.

Ma mère et mon frère

De plus, ma mère est souvent sous pression et doit répondre continuellement aux sollicitations des patients. Beaucoup de leurs questions sont légitimes mais parfois il y a des plaintes ou des messages faux répandus sur les réseaux sociaux. Parfois, cela va même plus loin. En 2018, par exemple, un incident s’est produit au Département de chirurgie de l’hôpital Thach Thât de Hanoï. Alors qu’un médecin discutait avec la famille du patient de sa plaie et des méthodes de traitement, il fut frappé par des membres de sa famille, au point de souffrir d’une lésion cérébrale traumatique.

Ma mère m’a dit que ces choses avaient un effet négatif sur la psychologie des médecins. Cependant, même si elle est fatiguée, elle doit toujours garder l’esprit clair et calme pour éviter les accidents professionnels.

Des risques professionnels Pendant l’épidémie de COVID-19, le travail de ma mère est devenu plus dangereux, à cause de la proximité qu’elle entretient avec les patients. Il y a plus d’une semaine, à l’hôpital où ma mère travaille, un patient est venu consulter un médecin. Il s’est avéré que cette personne avait été testée positive, étant liée à un cas F0 soigné à l’Hôpital pulmonaire de Hanoï. Lorsque ma mère a reçu cette information, elle nous a rapidement téléphoné pour nous dire de prendre bien soin de nous. Pour ma mère, le risque d’être infectée par le COVID-19 n’est pas une surprise car le contact direct avec les patients est son travail quotidien.

Pendant la période d’isolement à l’hôpital, ma mère et nombre de ses collègues travaillaient 24 heures sur 24, en faisant de leur mieux pour prendre soin des patients et en suivant strictement les règlements du processus de quarantaine pour éviter les infections croisées.

Je sais que ma mère est très inquiète pour nous parce que le district de Thanh Tri a été confiné tandis qu’elle ne pouvait pas rentrer à la maison. Nous aussi, nous sommes inquiets pour elle, mais pas autant qu’une mère pour ses enfants ! Pour nous rassurer les uns les autres, nous échangeons rapidement des messages, des appels vidéos courts mais chaleureux : "Avez-vous déjà mangé ?"

Bien qu’elle aime mieux être à nos côtés dans cette période difficile, elle doit garder son énergie pour accomplir sa mission. Ma mère n’est pas seulement un bon médecin, elle est aussi une femme et une mère dévouée. Quand j’étais enfant, elle m’a appris à dire chaque phrase, chaque mot, et c’est aussi elle qui a pris ma main de bambin pour m’encourager à faire mes premiers pas dans la vie.

Ma mère m’a appris à être calme et à me comporter selon des normes éthiques. Je veux exprimer ma reconnaissance envers elle pour m’avoir appris à devenir une fille active et indépendante dans la vie. Elle est toujours dévouée à sa famille et c’est une amie intime à qui je peux partager mes sentiments et de qui je peux recevoir de précieux conseils.

Quand j’étais petite, je me demandais : "Comment ma mère a pu équilibrer vie professionnelle et vie privée ?". Maintenant, j’ai compris. C’est grâce au grand amour qu’elle porte à sa famille ainsi que sa passion, son dévouement et sa responsabilité pour la profession médicale. Je suis plus que jamais fière d’elle, qui sacrifie son bonheur personnel pour prendre soin de patients ayant un grand besoin d’aide.

Texte et photos : Trân Thu Phuong/CVN

(Prix du GADIF du Concours "Jeunes Reporters Francophones 2021")

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