John Tuê Nguyên, voyagiste non-voyant visionnaire

John Tuê Nguyên, un Vietnamien résidant en France, a décidé en 1999 de créer une agence de voyage de luxe au Vietnam. Après des débuts délicats, la réussite est aujourd’hui au rendez-vous, avec 28.000 touristes par an. L’histoire serait banale s’il n’était pas non-voyant. Récit.

Tue Nguyên et son épouse, Phan Ngoc.

C’est en 1999 que l’idée de créer une agence de voyage de luxe proposant des produits haut de gamme germe dans l’esprit de John Tuê Nguyên, qui a la particularité d’être non-voyant. Une idée vertement critiquée par ses proches, amis et gestionnaires de grands hôtels, qui n’hésitent pas, à l’époque, à le traiter de «fada». Il faut dire aussi que le contexte à cette date se prête peu à son projet, le Vietnam étant connu comme une destination pour routards (sans gros moyens financiers) parmi les moins chères du monde. Une perception que beaucoup de Vietnamiens entretiennent encore maintenant.

Mais notre ami n’est pas de cet avis. Son handicap ne l’empêche pas d’avoir une vision d’un nouveau siècle qu’il est peut-être le seul, à l’époque, à imaginer : celle d’un Vietnam où affluent les touristes fortunés qui sont hébergés dans des établissements de grand standing, prennent part à des programmes de découverte de la culture traditionnelle avec des prestations de service irréprochables. Tuê Nguyên pense alors que l’histoire et la culture vietnamiennes peuvent être une marchandise de grande valeur, et compte bien mettre ce patrimoine à profit.

De l’infortune...

Tuê Nguyên et sa femme, Phan Ngoc, vivent actuellement à Fountain Valley, dans le Sud de la Californie (États-Unis). Né en 1970 à Huê (Centre), M. Tuê a été témoin de la résistance historique du pays. Enfant, il prend déjà conscience de l’utilité de maîtriser une langue étrangère. En même temps qu’il fréquente les bancs de l’université, il travaille en qualité de guide touristique pour des voyageurs français et russes. «J’adore présenter la culture et l’histoire du Vietnam aux étrangers», souligne l’intéressé.

Les tourismes écologique et communautaire, très en vogue, sont la clé du succès de Tuê Nguyên.

Diplôme en poche, Tuê Nguyên voit sa carrière si prometteuse subir un coup d’arrêt, avec la perte progressive de l’acuité visuelle de son œil gauche. Pire, l’opération est un désastre et lui ôte tout espoir de revoir de cet œil un jour. Puis, rebelote du côté droit si bien qu’à 28 ans, Tuê Nguyên a totalement perdu l’usage de la vue...

«Je ne pouvais pas accepter cette réalité ! C’était la fin du monde pour moi !», nous confie Tuê Nguyên. Son désarroi est tel qu’il décide de se séparer de sa petite amie, Phan Ngoc. Mais la demoiselle ne l’entend pas de cette oreille. Mieux, elle le réconforte, l’encourage... bref, lui redonne le goût de vivre.

En 1999, l’agence de voyage Duong mon Dông Duong (La piste de l’Indochine) est lancée. Cependant, les premiers jours sont difficiles. Si Tuê Nguyên est en contact avec de grands hôtels de la ville - lieux de séjour des touristes étrangers au portefeuille bien garni - pour leur présenter ses services, il ne parvient pas à signer le moindre contrat. Sceptiques, ses trois premiers employés quittent le navire et il apprend peu après que la loi vietnamienne de l’époque refuse qu’une personne non-voyante occupe la fonction de chef d’entreprise.

... à la fortune !

Tuê Nguyên est néanmoins un habitué des épreuves et il lui en faut plus pour renoncer. Afin de contourner la loi, il cède son entreprise à sa moitié, Phan Ngoc. Duong mon Dông Duong devient une agence au succès florissant, presque insolant, à tel point qu’aujourd’hui, 28.000 touristes - vietnamiens comme étrangers - passent entre ses mains chaque année. L’entreprise est aujourd’hui connue comme l’un des meilleurs voyagistes d’Asie du Sud-Est, elle qui propose des circuits touristiques à destination de nombreux de pays et territoires comme le Cambodge, le Laos, la Thaïlande, Singapour, le Myanmar, la Chine, Hông Kông (Chine), Indonésie… pour ne citer qu’eux.

Les tourismes écologique et communautaire, très en vogue, sont la clé du succès de Tuê Nguyên.

Les nouvelles formes de tourisme - qui proposent d’aller au contact de la population locale et de découvrir la nature du pays - sont largement exploitées par Tuê Nguyên, qui en tire, avec son épouse, la majeure partie de ses revenus. Comme par exemples les circuits «À la découverte du marché de Hanoi avec un cuisinier du cru», «Un jour dans la peau d’un agriculteur», etc.

«Vivre des expériences intéressantes et originales», telle est sa devise. Si sa clientèle, exigeante, est friande des services haut de gamme des plus grands établissements de Miami, San Francisco, Londres ou Paris, la donne n’est plus tout à fait la même pour le Vietnam, un pays en voie de développement qui ne parvient pas encore à rivaliser sur ce plan. S’il est hors de question d’être logé dans un boui-boui, ici les clients souhaitent avant tout de la découverte, de la nouveauté et vivre de belles expériences. C’est la raison pour laquelle Tuê Nguyên propose des tours dans la peau d’un personnage (agriculteur, pêcheur, artisan), avec la participation des habitants locaux. Aujourd’hui, ce modèle est en plein boom au Vietnam, alors qu’il n’existait pas encore il y a dix ans.

Selon Tuê Nguyên, pas épargné par la vie : «Quand une porte se ferme devant vous, une autre s’ouvre». Elle est peut-être cela, la clé de son succès.

Phuong Nga/CVN

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