Hanoi et moi !

Hanoi est en fête ! Hanoi célèbre un 10 octobre, il y a longtemps déjà, où elle pavoisait d’une liberté retrouvée. Hanoi, toujours émouvante, toujours surprenante, toujours envoûtante...

Hanoi de toujours !

Il n’y a rien à faire, j’ai beau parcourir le pays de long en large, séjourner dans des villes aussi différentes que Hô Chi Minh-Ville, Huê, Lang Son, petites ou grandes, riches d’histoire ou belles à s’en pâmer..., toujours mon coeur bat pour Hanoi. Entre cette ville et moi, c’est une histoire d’amour ! Sans doute parce que c’est elle qui m’a accueilli la première fois...

Le temps de vivre...

C’est en ribambelle de vélos, chapeaux pointus et casques militaires que j’ai découvert Hanoi la première fois. D’un seul coup, les cartes postales s’animaient, prenaient vie pour me transporter dans un livre de contes et légendes…

En remontant vers le Vieux Quartier, les berges du lac disparaissaient sous le rouge des flamboyants, et on pouvait entrer au Temple de Jade sans bourse délier. La rue des Pêchers, que les Français avaient baptisé rue de la Soie, nous avait entraînés jusqu’au marché Đông Xuân. Il n’avait pas encore été victime du grand incendie qui quelques années plus tard allait le transformer en immense halle de béton. Je regardais les innombrables marchandes à la palanche qui trottinaient, courbées sous le poids de leurs plateaux, sortant du grand marché comme d’une ruche nourricière…

Dans les rues alentours, les artisans avaient transformé la chaussée en ateliers. Je me souviens avoir contourné des menuisiers au rabot agile, des fondeurs de bronze penchés sur la fournaise, des étameurs martelant des plaques de fer blanc… Les vieilles maisons dégoulinaient de fleurs et de moisissures, et les portes largement ouvertes laissaient entrevoir de sombres demeures, d’où suintait la lueur tremblante d’un réchaud à charbon…

Tu portais encore les stigmates d’une guerre fratricide, avec ces entassements d’obus vides à l’angle des avenues, approvisionnant la fonderie artisanale. Je vois encore ces cyclo-pousse qui attendaient les clients à la sortie des hôtels. Sur le grand lac de l’Ouest - le Hô Tây -, il y avait une jonque aux voiles déployées, qui emportait les touristes pour des évasions lacustres. Mon père y avait fêté ses 65 ans, en mangeant des oiseaux frits avec nos guides revêtus de leurs plus beaux uniformes militaires ! Ce soir-là, nous étions à mille lieux de la ville. Seuls quelques rares lumignons éparpillés de-ci de-là donnaient signes de vie sur les rives éloignées. Même le «dancing» où m’avait conduit le plus jeune de nos guides avait l’air de sortir d’un album photos des années 50. Un orchestre fatigué jouait quelques airs de valse et de slow, face à un auditoire installé derrière de longues tables disposées en épi. Morosité ou sérénité, je ne sais encore ce qui rendait les gens si sérieux ! L’immense banian, qui poussait au milieu de la salle et transperçait la toiture, me laisse encore songeur aujourd’hui !

À cette époque, la plus haute tour de la ville était celle de la citadelle, qui posait son regard minéral sur une ville paisible, qui se dévoilait tout doucement à l’Occident. On y vivait encore au rythme d’un temps qui ne sacrifiait pas au temps moderne...

La soif de vivre !

Et puis, un jour, je ne suis plus reparti ! Je n’étais plus visiteur, je devenais Hanoïen. Et depuis, je te découvre encore.

J’aime toujours flâner dans tes rues, le nez en l’air, là où le regard des touristes ne se pose pas ! J’y vois la cime des grands banians sacrés, j’y aperçois les cages des oiseaux chanteurs qui portent bonheur, j’y croise celui des cariatides de pierre, j’y repère les faîtes polychromes de pagodes englouties par ta soif de grandir, j’y devine derrière les vitres des immeubles modernes ou les arbres masquant les terrasses toute une vie frémissante qui répond à celle d’en bas…

Hanoi de demain !

En bas, la rue grouillante de piétons, de vélos, de motos et depuis peu de voitures. En bas, les commerces qui poussent comme des champignons et disparaissent selon l’humeur versatile des clients. En bas, les trottoirs encombrés de marchandises, de gargotes en plein air, de marchands à la sauvette. En bas, cette vie qui s’enroule autour de moi, qui me hèle si je fais mine de chercher mon chemin, qui me bouscule dans les marchés, qui vibrionne en incessant bourdonnement.

Pour lui échapper, je peux pousser le lourd ventail d’une pagode. Instant magique où le bruit de la rue s’incline devant les murs vénérables. Moment de tranquillité où je peux, comme dans le temple du Cheval Blanc, mesurer le temps à l’aune des millénaires. Je peux aussi m’évader de longues heures dans un de tes musées, au Temple de la Littérature, ou dans la cathédrale St Joseph. J’essaie toujours d’y aller très tôt, avant la cohorte des curieux qui viennent faire provision de photos numériques…

Et puis, quand je suis las de tutoyer Confucius, Lao Tseu, Bouddha ou Jésus, je retourne vers toi, Hanoi aux milles visages. Hanoi médiévale aux ruelles tortueuses et aux héros légendaires, Hanoi coloniale aux villas-ambassades et aux monuments art déco, Hanoi moderne aux faubourgs industrieux et aux larges avenues, Hanoi futuriste aux tours de verre et aux ponts qui déploient leurs arches nouvelles au-dessus du fleuve Rouge... Mais aussi Hanoi des villes, à la circulation trépidante, aux hôtels et aux magasins de luxe, aux supermarchés qui remplacent les marchés ; Hanoi des champs, le long des berges, avec ses petites maisons et ses vergers de kumquats et de pamplemousses. Hanoi, parfois aussi, trop petit pour contenir autant de voitures polluantes ; Hanoi, trop avide de vivre qui s’urbanise sans prendre le temps de respirer…! Hanoi gigantesque qui s’étire jusqu’au pied des monts Ba Vì, et transforme Hanoi en petit village du grand Hanoi !

Je n’y peux rien, Hanoi n’a pas fini de me surprendre, et c’est tant mieux !

Gérard BONNAFONT/CVN

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