Guet-apens fluvial

Hôi An. Ce nom est aujourd’hui synonyme de tourisme, de flâneries dans de vieilles rues commerçantes, de farniente au bord de plage. Pour moi, c’est aussi un mélange de nostalgie et d’imprévus…

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Une rivière pas si tranquille.

Ultime étape au Centre d’une escapade entre amis, Hôi An (province de Quang Nam) nous accueille avec un soleil brûlant. La douche écossaise, après les jours de pluie de Hanoï et les orages vespéraux de Huê (province de Thua Thiên-Huê). La fermeture, pour un mois, de l’aéroport de cette dernière ville m’a permis de découvrir les dessous du col des Nuages.

En effet, tous les avions des amateurs de la Cité impériale étant déroutés sur Dà Nang, ville voisine de Huê, ceux qui veulent aussi profiter des charmes de Hôi An (ancien nom Fai Fo) doivent faire un aller-retour par la route Mandarine.

De Dà Nang, nous sommes donc remontés vers Huê en passant par la route touristique du col des Nuages. Et pour retourner à Hôi An, nous avons choisi la route express qui traverse la montagne.

Après les plages

Habitué des tunnels alpins, celui qui, pendant 6 km, nous fait franchir la ligne climatologique entre Nord et Sud, ne m’impressionne pas beaucoup, si ce n’est le remarquable respect du Code de la route dont font preuve les conducteurs. Notre chauffeur en l’occurrence, qui jusqu’à présent nous a offerts un beau festival de virages coupés, dépassements sans visibilité, queues de poisson, franchissement de lignes blanches et autres pressions amicales mais fermes sur le véhicule précédent, met un point d’honneur à maintenir la nécessaire distance de sécurité avec le camion que nous suivons.

Est-ce la présence de caméras ou le sentiment que cet admirable ouvrage d’art mérite déférence? Toujours est-il que pour la première fois depuis longtemps, notre trajet ressemble davantage à un voyage sur route qu’à une course de stock-car.

Une vue de la plage de Cua Dai, à Hôi An (Centre).

Jouant à saute-mouton avec Dà Nang qui nous avait déjà accueillis à l’arrivée dans le Centre, nous filons vers Hôi An par la route de la mer. Ou plutôt par la route des palissades qui entourent resorts et hôtels de luxe.

En voyant ces mastodontes hôteliers qui s’alignent en rangs serrés sur le front de mer, je pense à la transvietnamienne en moto que j’ai faite en 2007. À l’époque, je pouvais admirer l’étendue bleue de la Mer Orientale qui venait doucement s’assoupir sous les filaos et les cocotiers. Je pouvais humer l’air marin qui rafraîchissait le visage, et parfois quelque bourrasque mutine m’envoyait un peu de sable qui giflait ma visière. Les baraques de pêcheurs se faisaient face de chaque côté de la route…

Aujourd’hui, les golfs ont remplacé les maisons et l’étendue bleue est cachée par des murs à la hauteur proportionnelle aux nombres d’étoiles qu’ils protègent. Il y a aussi la plage de Cua Dai à Hôi An. Si elle est toujours aussi vaste, elle est loin d’être aussi déserte. Les cocotiers sont toujours là, mais ils servent d’ombrage à de modernes restaurants qui ont chassé les paillotes aux toits de lataniers. Par contre, les grands parasols aux toits de même matière, abritant des chaises longues aux matelas moelleux, se sont alignés en rang d’oignon sur tout le front de mer, faisant ressembler de plus en plus la plage, jadis sauvage, à la Riviera. Même, les scooters de mer se sont mis de la partie. Qu’importe, ceci n’empêche pas des centaines de touristes d’envahir le sable et les flots dès le milieu de matinée.

En fermant les yeux et en écoutant les conversations de nos voisins, j’ai plus l’impression d’être sur la Côte d’Azur qu’au Centre du Vietnam.

L’abordage sauvage

Mes yeux sont également fermés, tandis que le bateau dans lequel je suis assis glisse sur la rivière qui mène de Hôi An à la mer. Je me laisse bercé par la petite houle qui fait tanguer notre esquif, en laissant le vent caresser mon visage. C’est, presque, le paradis!

Soudain, une exclamation de l’ami, assis dans son fauteuil à mes côtés, me fait revenir sur eau. Une embarcation paraît s’être lancée à notre poursuite…

Surprenant, si l’on sait qu’il y a belle lurette que la piraterie fluviale a été éradiquée par ici. Et pourtant, aucun doute, le bateau qui nous arrive dessus est bien décidé à nous aborder.

J’ai beau scruter avec attention ce pirate d’eau douce, je ne vois aucun individu balafré ou tatoué, porteur de sabre ou de hache, décidé à nous faire la peau. Le seul passager est le pilote qui paraît effectivement vindicatif...

Notre pilote lui aurait-il fait une queue de poisson? Ce qui sur un fleuve parsemé de carrelets de pêche pourrait, somme toute, être acceptable.

L’explication arrive aussi rapidement que l’abordage. Arrivé à notre hauteur, notre pirate d’eau douce quitte son poste de pilotage et se met à invectiver mon épouse assise derrière moi, ce qui a pour effets concomitants de pousser notre embarcation vers la rive, de surprendre notre équipage, et de me faire froncer les sourcils.

En quelques mots, je saisis que le mécontent a effectivement quelque raison de l’être: la veille au soir, ma moitié, ne voulant pas faire les choses à moitié (oui, je sais, c’est facile), avait réservé un bateau auprès de cet homme. Or, pour des raisons de facilité d’embarquement, de proximité, mon épouse avait délibérément posé un lapin à cet honorable promeneur de touriste, en choisissant de monter dans un autre esquif… à quelques mètres du prétendant éconduit qui, reconnaissant ma femme et voyant ses projets tomber à l’eau, s’était empressé de se lancer à notre poursuite.

Allons-nous finalement en venir aux mains? C’est compter sans la faculté du Vietnamien à passer d’un extrême à l’autre en quelques secondes. Le ton a déjà changé. Il n’est pas question d’argent. Simplement une leçon de morale et un avertissement sans frais que la prochaine fois, il sera inutile de commander un bateau auprès de lui. Sa revendication s’est exprimée, il a sauvé la face.

Après, l’abordage moralisateur que me reste-t-il encore à découvrir dans ce pays fabuleux?


Gérard BONNAFONT/CVN

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