Gestion des patrimoines mondiaux : le Vietnam veut revoir sa copie

Le Vietnam recense actuellement 26 patrimoines mondiaux, tant matériels qu’immatériels, classés par l’UNESCO. Dans un souci de mieux préserver et valoriser l’intégralité de ces sites, le pays doit trouver des méthodes de gestion adaptées à la nouvelle conjoncture. Le point.

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Touristes étrangers en baie de Ha Long, province de Quang Ninh (Nord).
Photo : Thuy Hà/CVN

En 1993, le Vietnam voyait l’ensemble des monuments de Huê (province de Thua Thiên-Huê, Centre) inscrit par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à la liste des patrimoines culturels du monde. Une première. Aujourd’hui, les sites reconnus sont au nombre de 26 et la liste devrait s’allonger dans les années qui viennent.

Si le pays éprouve une fierté légitime de voir autant de patrimoines inscrits au registre de la prestigieuse organisation onusienne, l’inquiétude est de mise concernant les méthodes de gestion et de préservation de ces sites, jugées comme inadaptées et donc inefficaces.

«La gestion des patrimoines mondiaux n’est pas cohérente. Il existe un manque d’homogénéité évident», reconnaît volontiers le Docteur Dang Van Bài, vice-président de l’Association du patrimoine culturel du Vietnam et membre du Conseil national du patrimoine national.

Des interférences contre-productives

D’après les experts, ces dysfonctionnements sont dus aux comités de gestion des patrimoines mondiaux, lesquels relèvent de différents échelons administratifs, soit au niveau du district, soit au niveau provincial, ou encore des Services de la culture, des sports et du tourisme. Ce qui crée des chevauchements malvenus. Et les exemples ne sont pas rares. L’ensemble des monuments de Huê, le complexe paysager de Tràng An (Ninh Binh, Nord), sont chacun gérés par un comité qui relève soit du Comité populaire provincial, soit municipal.

Les comités de gestion du sanctuaire de My Son, de la vieille ville de Hôi An (province de Quang Nam, Centre) et de la baie de Ha Long (Quang Ninh, Nord) sont placés sous la tutelle des Comités populaires des districts où se situent ces sites. Le fait que ces comités de gestion relèvent de différents échelons administratifs entraîne des interférences contre-productives.

D’après Katherine Muller Marin, représentante en chef de l’UNESCO au Vietnam, les patrimoines mondiaux au Vietnam sont placés chacun sous la gestion d’un comité de gestion ad hoc. Mais l’activité et la fonction de cet organisme ne sont pas indépendantes, avec plusieurs autres organismes de différents échelons qui parfois s’occupent d’un même dossier simultanément. Une véritable perte de temps et d’argent.

À la recherche de meilleurs modèles

La recherche des moyens et des modèles de gestion convenables, scientifiques, flexibles se pose comme un impératif et a été au centre des débats de différents colloques. D’après le Docteur Dang Van Bài : «Si l’on suit l’esprit de la convention internationale pour la protection du patrimoine mondial, les comités de gestion des patrimoines mondiaux doivent relever des comités populaires provinciaux et municipaux».

La cité impériale de Thang Long, un patrimoine vivant retraçant les mille ans d’histoire de Thang Long-Hanoï.

Des experts étrangers ont proposé au Vietnam de créer un Comité national ad hoc de gestion et de préservation des patrimoines mondiaux, un modèle dont l’efficacité n’est plus à prouver. Ses membres viendront des ministères de la Culture, des Sports et du Tourisme, de l’Éducation et de la Formation, de l’Intérieur, de la Justice, du Comité national de l'UNESCO au Vietnam, etc.

Co-administration, et pourquoi pas ?

Actuellement, les patrimoines mondiaux sont sous l’administration d’une ville ou d’une province, en vertu de l’espace géographique où il se situe principalement. Une donne qui pourrait changer d’ici quelques années, plusieurs villes et provinces abritant des patrimoines mondiaux ayant la possibilité de les co-administrer avec ses voisins.

Le vice-Premier ministre Vu Duc Dam a travaillé avec les autorités de la ville de Hai Phong et de la province de Quang Ninh sur l’élaboration prochaine d’un dossier d’élargissement de l’espace du patrimoine mondial de la baie de Ha Long (province de Quang Ninh) jusqu’à l’archipel de Cat Bà (ville de Hai Phong). Ce dossier sera présenté prochainement à l’UNESCO. Raison invoquée : l’archipel de Cat Bà, limitrophe de la baie, a des similitudes géologiques et géomorphologiques pour faire partie de ce site. En 2014, l’UNESCO a proposé que Cat Bà constitue l’espace élargi de Ha Long. En d’autres termes, cela signifie que la baie de Ha Long dépendra à la fois de la province de Quang Ninh et de la ville de Hai Phong.

Le cas de la baie de Ha Long n’est pas unique. Le complexe bouddhique de Yên Tu serait sous la tutelle des provinces de Hai Duong et Bac Giang, en plus de Quang Ninh actuellement. En effet, en 2012, quand Quang Ninh préparait l’élaboration du dossier sur Yên Tu pour le soumettre à l’UNESCO, les experts ont proposé à la province de collaborer avec Hai Duong et Bac Giang pour enrichir ce dossier, Yên Tu étant un espace culturel et bouddhique qui s’étend jusqu’aux territoires de Bac Giang et de Hai Duong. Et la proposition a été acceptée.

En attendant l’application de ces nouveaux modèles de gestion, les spécialistes recommandent aux villes et provinces abritant des trésors mondiaux de privilégier avant tout la préservation des valeurs des sites, et non les activités de développement touristique, industriel ou urbain alentour. En espérant que le message soit entendu.


Linh Thao/CVN

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