Exploitation des migrants : passeurs nigérians et criminels libyens "main dans la main"

De nombreux chefs d'État africains ont récemment montré du doigt la Libye, dénonçant le racisme et les crimes envers leurs "frères". Mais pour ceux revenus de l'enfer, si les Libyens tirent profit de ce "business des migrants", les clandestins sont aussi la proie des groupes mafieux sub-sahariens sur place, et notamment nigérians.

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Des migrants originaires de l'État d'Édo, au Nigeria, arrivent à Benin City, capitale de l'État, après avoir été rapatriés de Libye, le 6 décembre.
Photo : AFP/VNA/CVN

Daniel - tous les prénoms de cet article ont été modifiés pour des raisons de sécurité - était étudiant lorsqu'il s'est laissé convaincre par un réseau de passeurs de rejoindre l'Europe.
"En deux semaines, tu seras en Italie", lui avaient promis ses contacts.
Début décembre, ce jeune nigérian de 28 ans était rapatrié vers Bénin City, sa ville d'origine après 10 mois de séquestrations, de violences, de travaux forcés, les jambes lacérées par les brûlures de fils électriques.
"Nous avons été trompés. C'était un piège. Ceux qui nous ont fait ça, sont les mêmes qui nous promettent l'Europe", confie-t-il, la gorge nouée, entouré de ses compagnons de désillusion.
À leur descente de l'avion qui les ramenait de Tripoli, les quelque 200 Nigérians rapatriés ce jour-là n'avaient pas assez de mots pour décrire les horreurs subies pendant leur voyage, dénonçant "l'homme Arabe qui n'aime pas les Africains".
Centres clandestins
Mais à force de confidences et l'esprit de vengeance commençant à monter, tous les témoignages recueillis par l'AFP sont unanimes : des Nigérians autant que des Libyens sont responsables des mauvais traitements, de la vente de migrants et des enlèvements.

Des parents se réjouissent du retour d'un membre de leur famille, Jeremiah Adelu (à droite), à Benin City, au Nigeria, après son rapatriement de Libye, le 7 décembre.

Daniel a payé 550.000 nairas (1.290 euros) à l'organisation criminelle, assuré de rejoindre l'Europe. "Mais quand je suis arrivé à la frontière libyenne, leur contact m'a dit que je devais payer 500.000 nairas (1.172 euros) supplémentaires", se souvient-il.
Dans ces centres clandestins, des migrants sont "pendus par les pieds", "on leur fait couler le sang avec le téléphone à l'oreille" en appelant leurs proches, jusqu'à ce qu'ils paient la somme sur un compte domicilié au Nigeria.
Certains sont morts, ceux dont les proches ne peuvent ou ne veulent pas payer sont vendus à des Libyens qui "travaillent avec eux (les passeurs) main dans la main".
Daniel a pu payer et continuer sa route. Arrivé sur la côte, le réseau de passeurs lui a redemandé 400.000 nairas (937 euros) pour traverser la Méditerranée. Il a payé une fois encore et a été libéré. Mais n'est jamais passé en Europe.
Bloqué à Tripoli, Daniel fait ensuite des petits boulots pour un salaire équivalent à 2 euros par jour. "Le patron venait me chercher le matin, et je voyageais dans le coffre de sa voiture pour qu'on ne me voie pas", raconte-t-il. "Si tu n'as pas de papiers, tu risques d'être enlevé à tout moment, à la fois par les Libyens ou des Nigérians sur place".
Daniel s'est finalement rendu aux autorités, dans l'espoir d'être expulsé vers son pays d'origine. Son compte bancaire vidé, il attendra finalement sept mois, dans un centre de détention où des Libyens venaient les chercher pour travailler gratuitement, "comme des esclaves", pendant la journée.
Les services consulaires nigérians basés en Libye ont accéléré les procédures de rapatriement sur ordre d'Abuja, après l'indignation mondiale suscitée par les vidéos de vente de migrants sur la chaîne CNN.

AFP/VNA/CVN

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