Entretenir le feu sacré du foyer

La plupart des ethnies minoritaires vietnamiennes accordent une importance particulière au foyer, le feu étant l’âme de toute la maison. Au delà d’un lieu pour faire la cuisine, c’est un espace mêlant culture et dévotion.

>>Ouverture des cours de chants folkloriques de l’ethnie Dao

>>La sculpture sur bois dans les hauts plateaux du Centre

Assis autour du feu, les hôtes nouent les relations dans une ambiance conviviale.

Pour les groupes ethniques, chaque objet a une âme, nécessitant des règles strictes pour son emplacement et son utilisation.

Dans la vie quotidienne et spirituelle des Co Tu, une ethnie que l’on trouve essentiellement dans l’Ouest de la province de Quang Nam (Centre), le foyer joue un rôle central. C’est même un lieu sacré, symbole de bonheur et de prospérité, dont les Co Tu prennent grand soin. Utilisé non seulement pour la cuisson des aliments, il sert également pour l’éclairage de la maison en soirée et pour réchauffer les pièces pendant l’hiver.

«Par le passé, le foyer se trouvait en général au milieu de la maison. L’important, était d’éviter que le soleil de l’après-midi ne l’éclaire», commente Dinh Van Bot, le patriarche du village de Tà Lâu niché dans la province de Quang Nam. En effet, selon les croyances des Co Tu, le soleil de l’après-midi est très chaud, et si ses rayons venaient à toucher le foyer, cela apporterait le malheur aux habitants.

Tournés vers la source de chaleur

Dans la maison traditionnelle de l’ethnie, le foyer est situé à une hauteur comprise entre 12 et 15 cm par rapport au plancher. En hiver, la famille dort tout autour, les pieds tournés vers la source de chaleur.

Pour les H’Mông qui peuplent dans les montagnes du Nord, le génie du foyer est celui qui protège la famille. «Ériger un foyer revêt une importance considérable dans toutes les familles H’Mông, explique Vi Van An, chercheur au Musée d’ethnographie du Vietnam. Après avoir construit leur maison, elles invitent un artisan spécialisé à façonner et installer le poêle. Prêter ce dernier indispose plus qu’autre chose, mais si on y est contraint, on met une pierre à sa place en attendant son retour».

Les H’Mông possèdent deux cuisines, la plus grande avec le foyer et l’autre avec le fourneau. Le premier, installé dans la salle principale où sont vénérés les génies et les ancêtres, a pour fonction de garder la famille au chaud et assurer que l’estomac soit plein. Il est hors de question pour un étranger de pénétrer dans cet espace sans l’autorisation du maître des lieux. Quant au petit fourneau, il sert à cuisiner le mèn mén, le plat typique des H’Mông fait à base de maïs, mais aussi à préparer les aliments pour les porcs et à fabriquer de l’alcool. Les règles y sont strictes, comme l’interdiction de s’asseoir ou de mettre les pieds sur le fourneau. On ne peut pas non plus, selon leurs croyances, le frapper avec un bâton, sous peine de rendre les animaux domestiques malades.

Pour les Kho Mu, le foyer représente aussi le génie du feu de la vie et de la réincarnation.

À l’instar des H’Mông, les maisons des Thaï noirs, installés dans la région Nord-Ouest du pays, sont dotées de deux cuisines. La principale se trouve au milieu du salon. Assis autour du feu, les hôtes discutaillent dans un espace convivial, et l’autre foyer sert à la cuisine quotidienne.

Pour Luong Van Thiêt, un autre chercheur au Musée d’ethnographie du Vietnam, ces lieux revêtent une force extrêmement symbolique. «En observant le feu, on connaît le statut social de son hôte. Le feu est l’âme de toute la maison et il est comme un lien entre les membres de la famille. Il réchauffe aussi le cœur des jeunes couples, détaille-t-il. Des plateaux pour sécher des aliments sont disposés à proximité, ainsi que des pots de sauce de poisson et de sel».

Dans la province centrale de Nghê An, le foyer représente le génie du feu, de la vie et de la réincarnation pour les Kho Mu. Aussi petite qu’elle soit, chaque maison doit absolument posséder trois cuisines. La première pour concocter les plats quotidiens, la deuxième, la plus importante, pour honorer les ancêtres, et la troisième, uniquement pour la préparation du riz gluant. Le deuxième foyer est situé au pied du pilier central de la maison et témoigne de tous les événements majeurs de l’année. Selon Vi Van An, «les Kho Mu estiment que les ancêtres doivent avoir leur propre cuisine, car ils représentent ce qu’il y a de plus pur et sacré. De ce fait, les repas qui leur sont dédiés sont exclusivement préparés dans celle-ci».

Place prépondérante du foyer

Le feu et le foyer occupent aussi une place prépondérante dans la vie des ethnies peuplant les hauts plateaux du Centre, tels les Êdê, les Banar ou les M’Nông. Le génie du feu est présent dans toutes les fêtes familiales pour souhaiter la longévité, accueillir le nouveau riz ou la nouvelle année. Les villageois dansent autour d’énormes flammes aux sons entraînants des gongs. Installé à côté du foyer, dans sa maison communale, le patriarche du lieu raconte les plus illustres épopées.

Si on revient au Nord, les Hà Nhi établissent également un foyer dans la principale salle de la maison. Ils y posent une pierre sacrée, considérée comme l’incarnation du génie et du bonheur familial. La femme Hà Nhi démarre sa journée en allumant le feu pour faire bouillir de l’eau, acte symbolique traduisant la volonté de prendre soin de toute la famille. Un rituel qui s’exerce également au Nouvel An pour exprimer sa reconnaissance envers les génies et les ancêtres.

Au-delà d’un simple ustensile de cuisine, le foyer est un élément crucial pour la transmission des traditions et de la culture, de génération en génération.

Tô Tuân- Thuy Hà/CVN

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam.

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top