Enseigner le français langue étrangère aux enfants

L’Institut français de Hanoï vient d’organiser un stage sur l’enseignement précoce. Samuel Delamézière, Directeur de l’Annexe de Hà Dông et pilote de cette formation, nous en parle plus longuement, de l’apprentissage aux plus jeunes et de la méthodologie.

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Une séance de formation animée par Marianne Capouet, co-auteure de la méthode d’enseignement "Loustics".

Il y a quelques semaines, l’Institut français de Hanoï a organisé un stage de formation pour des enseignants, intitulé "Enseigner le français langue étrangère aux enfants". Pourriez-vous nous donner plus d’informations?

Avec ses deux centres de langue à Hanoï, deux autres à Huê et Dà Nang (Centre), ainsi que son étroite collaboration avec l’Institut d’échanges culturels avec la France à Hô Chi Minh-Ville (IDECAF), l’Institut français du Vietnam (IFV) est un acteur majeur de la formation à la langue française dans tout le pays. De plus en plus de parents font appel à nous afin que leurs enfants apprennent le français. C’est un public qui s’est rapidement élargi au Vietnam, comme dans le reste de l’Asie, ces dernières années, et notre équipe pédagogique a besoin d’être accompagnée pour proposer le meilleur enseignement possible aux enfants. Cette formation fait donc partie du plan de formation continue des enseignants de l’IFV. Nous avons tenu à convier des membres de l’équipe pédagogique de l’IDECAF à se joindre à nous. Ainsi, 17 enseignants issus de toutes les antennes de l’IFV et de l’IDECAF ont suivi la formation "Enseigner le français langue étrangère aux enfants" pendant cinq jours à Hanoï.

Dans le cadre de ses actions de coopération, le Bureau de la coopération linguistique et éducative de l’ambassade de France a proposé de prolonger l’intervention de la formatrice auprès des enseignants des écoles primaires de Hanoï. Pour ce second volet de la formation, c’est une vingtaine d’enseignants de l’éducation nationale vietnamienne qui ont pu profiter de l’expertise de la formatrice pendant deux jours.

Vous avez fait appel à Marianne Capouet. Pourriez-vous nous préciser les raisons?

Marianne Capouet a plus de 20 ans d’expérience de l’enseignement du français aux enfants. Elle a participé à la création des classes bilingues  au Vietnam dans les années 1990. Elle est co-auteure de la méthode d’enseignement "Loustics" qui est un support pédagogique pour les enfants très utilisé à travers le monde et dans nos centres de langue au Vietnam. Elle était donc la formatrice idéale pour répondre à nos besoins dans notre contexte. Et revenir à Hanoï fut un plaisir pour elle aussi.

Les objectifs fixés ont-ils été atteints et pensez-vous à une suite en 2019-2020?

Les objectifs pour l’IFV étaient simples: de la méthodologie d’enseignement, des outils concrets pour de bonnes pratiques de classe, mais aussi des échanges d’expériences et de la mutualisation entre collègues. Enseigner aux enfants demande des compétences professionnelles très spécifiques et nous avions demandé à la formatrice d’axer ses interventions sur des thématiques précises, par exemple la place des chansons, du jeu, des comptines dans l’apprentissage. Mme Capouet a entièrement respecté le cahier des charges en trouvant le juste équilibre entre apports théoriques (exposés sur les intelligences multiples par exemple) et apports techniques (comment mettre en place une discipline positive dans sa classe).

Moments de détente pendant le stage.

Il faut maintenant être attentif à ce que ces nouvelles compétences soient bien réinvesties dans les classes, pour garantir la qualité de l’enseignement et faciliter la progression des enfants. Le travail ne s’achève donc pas à la fin de la formation. Au contraire. Quant à une suite en 2020, c’est toujours une idée attrayante.

Selon vous, qu’est-ce que la méthode "Loustics" apporte de plus aux enseignants et aux élèves, voire aux parents d’élèves?  

Elle fait partie de ces méthodes "combinées" que développe Hachette. En ce sens, ce n’est pas un manuel que l’enseignant exploite de façon isolée mais un univers dans lequel un panel d’outils doit être utilisé pour en tirer le potentiel. Les auteurs se sont réellement penchés sur la question de l’animation du cours tout en proposant les activités et routines entrant dans une progression modulable et évaluable car les supports d’accompagnement sont aussi à disposition (évaluation, portfolio, décoration de classe). De quoi rassurer les parents. Nous travaillons d’ailleurs, suite à la formation, à de meilleurs rapports de suivi à destination des parents.

On connaît le succès de l’enseignement précoce d’une langue étrangère comme le français. Est-ce que c’est d’actualité partout au Vietnam? 

L’enseignement précoce d’une langue est un bienfait qu’il n’est plus besoin de présenter en effet. Outre la compétence linguistique  en elle-même, que l’enfant développe sans vraiment s’en rendre compte d’ailleurs, les recherches en neuro-pédagogie ont prouvé qu’un développement de capacités cognitives spécifiques est observable chez les enfants en situation de plurilinguisme. Ces compétences acquises s’appliqueront ensuite aux autres champs d’apprentissage tout au long de leur développement.

Le cadre et les modalités d’enseignement des langues étrangères dans les établissements publics au Vietnam ont évolué ces dernières années. Plusieurs sont enseignées aujourd’hui, et c’est très bien pour les enfants car l’apprentissage de la langue française doit se concevoir dans un environnement mondial qui repose désormais sur la diversité linguistique.

Mais, choisir le français pour un jeune Vietnamien aujourd’hui, c’est choisir un parcours continu de haute qualité: une excellente éducation dès le primaire (du et en français, avec les classes bilingues par exemple), puis des études supérieures accessibles et reconnues parmi les meilleures au monde (en France ou à la française au Vietnam), et finalement un emploi (le réseau des Alumni très étendu et ses liens avec les entreprises). Choisir le français dès le plus jeune âge, c’est choisir la réussite!

Nombreux sont les parents et les enfants à l’avoir compris, c’est pourquoi on compte près de 50.000 enfants qui apprennent le français dans les écoles publiques du Vietnam, dont plus de 12.000 dans les classes bilingues. Les écoles françaises (Lycée français international Yersin à Hanoï et Margueritte Duras à Hô Chi Minh-Ville) accueillent près de 3.000 élèves à elles deux.

Plusieurs écoles privées francophones existent à Hô Chi Minh-Ville où plusieurs centaines d’enfants sont scolarisés aussi. Les centres de langue de l’IFV, tout comme l’IDECAF, accueillent un public de plus en plus large. Concernant l’enseignement supérieur, il existe une cinquantaine de filières francophones diplômantes au Vietnam. Toutes d’excellence, elles offrent des opportunités d’aller étudier en France. D’ailleurs, chaque année, 1.400 étudiants vietnamiens partent faire leurs études dans l’Hexagone.

Des enseignants de l’IFV travaillent en petits groupes.

D’après-vous, serait-il intéressant de présenter la méthode "Loustics" à une plus grande échelle, dans les médias par exemple comme Le Courrier du Vietnam? 

Si cela peut prouver qu’il est possible pour les enfants d’apprendre le français en s’amusant, pourquoi pas. Mais "Loustics" n’est ni une méthode miracle ni l’objet de fond de la formation qui s’est tenue. Ce sont avant tout les équipes pédagogiques qui font vivre un cours et c’est elles qu’il faut mettre en avant. "Loustics" est l’outil d’une démarche proposée par l’IFV et ses enseignants. Une démarche tournée vers l’apprenant, qui place l’élève au centre de l’apprentissage, qui doit être l’acteur de la construction de ses savoirs. L’enseignant n’est qu’un "facilitateur". C’est ce message pédagogique qu’il faut faire passer afin de montrer que l’implication de l’élève est primordiale dans une formation.

Les élèves rencontrent-ils des difficultés avec ce type de méthode? Et au contraire, le mieux: chansons, jeux, bricolages, personnages, animaux…? 

Cette question permet de rebondir sur le point précédent. Enseigner, c’est aussi une question de méthodologies, avec un "S". Et parfois, les nouvelles approches pédagogiques sont en ruptures avec des techniques d’enseignement plus classiques (qui peuvent s’appuyer sur la pratique de la répétition par exemple). Ce changement de "culture éducative" peut être déstabilisant pour les élèves ou les parents. L’enseignant qui propose une nouvelle méthodologie doit donc savoir créer l’adhésion… Il doit savoir amener les élèves à participer et à interagir en français dans sa classe. Une fois ce défi relevé, le public prend plaisir et se prend au jeu, et il redouble alors d’énergie et de motivation: il communique et agit en français!

Ne manque-t-il pas une méthode plus attractive lorsque les élèves entrent au collège puis au lycée?   

À l’IFV, nous étudions la mise à jour des méthodes utilisées pour ces âges et les passerelles entre elles selon les parcours de formation. Comme évoqué, si l’efficacité et la motivation pour apprendre le français peuvent être liées à la qualité de l’outil de formation, c’est aussi une affaire d’environnement éducatif et d’adéquation entre le public, l’enseignant et les supports pédagogiques. Et à l’IFV, nous pouvons en plus ajouter "un bout de France" à tout cela. Nos centres, comme celui de l’IDECAF d’ailleurs, ont une offre culturelle francophone très riche: des films, des expositions, des concerts, des médiathèques très riches en documents pour tous les âges, etc. avec beaucoup de choses dédiées spécifiquement aux plus jeunes. Cela participe évidemment à la réussite!

Aussi, il appartient aux établissements de définir leurs propres moyens d’enrichissement plus que de se reposer sur une seule méthode et c’est à tous de se coordonner pour partager et fédérer (beaucoup d’établissements ont un club de français par exemple). C’est pour cela que la formation a abordé des thèmes variés comme l’exploitation musicale, les activités motrices, la routine de classe mais aussi de nombreux moments d’échanges de pratiques et la mise en commun d’outils. En bref, il faut savoir parler à son public et savoir se parler pour qu’il nous parle… en français.

Propos recueillis par Hervé Fayet/CVN

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