Encore sur les éléphants

La chasse aux éléphants, aujourd’hui interdite, était pratique courante chez les montagnards du Vietnam. On chassait ces mammifères souvent pour leur viande qui a un goût proche de celle du buffle, la trompe était particulièrement recherchée.

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L’éléphant est au bord de l’extinction dans le pays.
Photo : Minh Duc/VNA/CVN

Les chasseurs doivent bien connaître les mœurs et coutumes de ces grandes bêtes dont la forêt de bambous est l’habitat de prédilection. Elles font leur apparition avec la saison des pluies, au cours d’un long périple dont les étapes et les itinéraires, toujours les mêmes, coïncident avec les facilités d’existence qu’ils y rencontrent. Elles évitent les prairies et les collines nues, se cachent souvent dans la brousse, se tenant à l’écart des lieux où s’exerce l’activité humaine.

Une grande solidarité

Les éléphants vivent en bandes. Les chefs de harde et les individus les plus forts marchent en tête ou à l’arrière, couchant à l’extérieur du cercle aux moments du repos. Si un éléphant rencontre un danger, les autres accourent tout de suite à son aide. Toute la harde veille sur un malade. Celui qui trahit le groupe en est chassé.

Pour chasser l’éléphant avec des armes modernes, il faut employer des balles blindées qui puissent traverser le crâne sous un angle tel que le projectile puisse passer par son axe, c’est-à-dire atteindre le cerveau. Le crâne est la partie la plus vulnérable du corps. Énorme bloc osseux, il contient le cerveau inséré au centre, lequel a la forme et le volume d’une bouteille d’un litre. Un éléphant blessé est un engin terrifiant. Sa trompe levée lui sert de radar, de lasso et de massue. Malheur à ceux qui se trouvent sur son passage.

Voici comment se pratique la chasse à l’arbalète ou au fusil selon le style traditionnel. On cherche de préférence un repaire d’éléphants installé sur une pente douce sur laquelle poussent des arbres séculaires aux grosses racines émergent du sol en forme de palette géante. Quelques chasseurs intrépides se faufilent dans la harde d’éléphants. S’ils sont poursuivis, ils se cachent derrière les racines-palette pour lancer deux flèches empoisonnées ou tirer trois balles tronquées sur l’éléphant chef ou l’éléphant le plus fort de la harde. Blessé, ce dernier sème le désarroi dans le groupe. Les bêtes se mettent à la recherche des assaillants qui, de leur asile, continuent à tirer. Quand l’animal est grièvement touché, ses compagnons l’entraînent ailleurs. Les chasseurs n’ont qu’à suivre les traces sanglantes. L’éléphant moribond finit par s’écrouler. La harde arrache des branchages avec leur trompe pour en couvrir le cadavre. Ils se retirent ensuite de la région dangereuse. Les chasseurs n’ont pas de peine à retrouver leur proie morte.

Les Vietnamiens considèrent l’éléphant comme un ami, un compagnon et un proche.
Photo : Duong Giang/VNA/CVN

Les montagnards pratiquent aussi la chasse au piège. Le piège est construit avec des troncs de bois de 15 cm à 20 cm de diamètre, liés ensemble dans le sens transversal et longitudinal pour former des carreaux. Ce treillage (maximum 8 m) est posé au bord d’un marécage couvert de bananiers sauvages, là où les animaux peuvent s’enfoncer jusqu’au ventre, à un endroit enserré entre deux pentes abruptes qui rend difficile le recul des bêtes. On attend quelques jours pour permettre aux plantes sauvages de pousser et de recouvrir le treillage, au vent et à la rosée de dissiper l’odeur de l’homme.

Dès que la harde arrive pour se nourrir d’herbe et de bananiers, un guetteur posté dans les environs sonne l’alerte. Tout le village s’amène pour faire un tintamarre assourdissant. Les éléphants effrayés, de tous côtés, s’enfoncent dans la boue ou se jettent dans le treillage. Leurs pattes engagées dans les carreaux de ce dernier y sont prisonnières, les troncs de bois empêchent l’animal de s’enfoncer dans la fange. On attend que le troupeau s’éloigne pour capturer les bêtes prises au piège.

Les victimes d’un braconnage

On chassait les éléphants souvent pour leur viande qui a un goût proche de celle du buffle, la trompe était particulièrement recherchée. On a capturé de plus en plus d’éléphants vivants pour les utiliser dans le transport.

La capture se faisait à la fosse ou à la proie. Dans le premier cas, on creusait des fosses dans les endroits fréquentés par les éléphants, en particulier les terrains cultivés laissés en friche qui gardent encore des parcelles de bananiers et de cannes à sucre. Le treillage à bascule adapté à l’ouverture de la fosse était soigneusement camouflé. Pour faire sortir l’éléphant prisonnier, il fallait immobiliser sa trompe par un éléphant domestique ; un homme descendait ensuite dans la fosse pour enchaîner une patte de l’éléphant sauvage avec une chaîne de fer. On cherchait à l’amadouer en même temps qu’on aménageait une pente au bord de la fosse pour qu’un animal domestique y descende et ramène amicalement son nouveau compagnon à la surface du terrain.

Au Vietnam, l’éléphant vit dans plusieurs régions, surtout sur les hauts plateaux du Centre.
Photo : Duong Giang/VNA/CVN

La capture du jeune éléphant sauvage par une femelle domestique était très romantique. Pendant les périodes du rut (printemps-été-automne), les montagnards lâchaient dans la forêt une femelle, éléphant domestique vierge.

Les éléphants sauvages évitent toujours de s’approcher des éléphants inconnus, surtout ceux qui portent l’odeur humaine. Il arrive qu’un jeune éléphant sauvage, attiré par Eve, se détache de la harde pour s’approcher de la femelle. Rencontre platonique pendant les premiers jours. Le jeune soupirant commence à porter sur lui une odeur inhabituelle qui le rend suspect à la harde ; il est mis à l’écart sans être chassé. La solitude lui pèse, il reste plus longtemps avec la femelle enhardie qui le caresse de sa trompe. Ils finissent par passer la nuit ensemble dans la forêt. Le maître, averti, a préparé des chaînes pour la circonstance. Il conduit quatre éléphants domestiques robustes dans la forêt. Les sentant arriver, la femelle comprend le manège. Elle entraîne son amoureux vers l’affût où s’embusquent les éléphants domestiques. La traîtresse entoure sa trompe de la sienne ; lui croit que c’est une expression de tendresse et fait de même. Quand la trompe de la femelle serre trop fort, avant qu’il ait le temps de s’étonner, ses quatre pattes sont déjà empoignées par quatre trompes puissantes. Un cornac surgit, qui lui met les fers aux pattes. Il s’agite, se débat mais un coup de couteau près de son oreille l’étourdit. Il est emmené au village pour le dressage.

On peut aussi capturer les éléphants par la musique, parce que ces bêtes en raffolent. On amène dans la forêt une jeune femelle. Le cornac, s’installant dans un hamac suspendu sous le ventre de l’animal, joue de la flûte ou d’un instrument fait d’une feuille végétale fraîche. Les éléphants sauvages, séduits, s’approchent. La jeune femelle s’éloigne, l’homme n’étant pas ainsi découvert. Les éléphants sauvages la suivent partout, jusqu’au moment où ils tombent dans les fosses-piège. Pauvres amateurs de musique.


Huu Ngoc/CVN
(Juin 1997)

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