En Pologne, on invite des non-voyants à «voir la mer»

Sur les eaux calmes et brumeuses du plan d’eau de Siemianowka, à la frontière polono-bélarusse, des handicapés de la vue vivent leur initiation à la voile, invités par la fondation polonaise Imago Maris. Leur objectif est infiniment plus ambitieux : se lancer dans la navigation maritime.

En Pologne, une association invite des malvoyants et aveugles à découvrir la mer et à naviguer.

«Je ne peux pas observer les voiles, mais qu’importe ! Sur mes joues et dans les oreilles je sens d’où vient le vent, je sens sa force quand je tire sur les cordes». Malvoyante depuis sa naissance, Walentyna Koziol tient fermement la barre d’un ketch au milieu d’un lac dans l’Est de la Pologne.

«Ici, c’est ma première sortie sur l’eau, sur un voilier», déclare Piotr Sokolski, jeune magasinier de Bialystok (Nord-Est), quasi aveugle et souffrant de nystagmus, oscillation involontaire du globe oculaire.

«Je ne savais pas que le voilier penchait autant. Au premier tournant, je pensais que le bateau allait se retourner. Après, j’ai appris que c’était normal», raconte-t-il en évoquant ses premières sensations et émotions.

«Je ne savais pas non plus que l’eau était si proche quand on était assis sur le côté du bateau, et qu’on pouvait la toucher», ajoute-t-il en serrant l’écoute du foc dont il a la charge.

Courage et confiance

Après un cours de théorie portant sur la construction d’un voilier et sur les mesures de sécurité sur l’eau, une douzaine d’aveugles et malvoyants partent à la découverte de l’élément qui a l’air encore moins facile à affronter que leur réalité quotidienne.

Le voilier est adapté pour accueillir les non-voyants, notamment avec le gouvernail pourvu d’indicateur vocal du cap et d’allure, un GPS sonorisé et des cartes en relief et en braille.

«Nous pensons que grâce à ce genre de projet, on peut aider des personnes aveugles ou malvoyantes à trouver le courage nécessaire et la confiance en elles», explique Ewa Skrzecz, présidente d’Imago Maris.

«Face à l’inconnu, l’attitude de ces gens ne diffère en rien de celle des autres gens : il y en a qui sont anxieux, d’autres sont ouverts et veulent bien goûter à quelque chose de nouveau. Il y a ceux qui ont perdu la vue et qui ont peur de sortir de chez eux... Nous tentons de les y encourager et de leur dire que la vie n’est pas finie, qu’on peut continuer à faire des choses intéressantes», ajoute cette jeune femme dont la thèse de doctorat porte sur la navigation maritime pour handicapés de la vue.

La Pologne en a une belle tradition. Des croisières en voilier en mer Baltique y sont organisés depuis plusieurs années, notamment dans le cadre d’un projet «Zobaczyc morze» (Voir la mer), sur le trois-mâts Zawisza Czarny. Des stages de formation pour des aveugles et malvoyants se tiennent aussi sur les grands lacs de Mazurie, dans le Nord-Est du pays. Walentyna Koziol en a suivi un et affiche des compétences de timonier.

Désormais, «nous voulons transmettre notre savoir-faire et notre tradition à d’autres pays», déclare Ewa Skrzecz.

D’Alicante à Barcelone

Sa fondation organise du 11 au 18 octobre une croisière internationale en voilier sur la Méditerranée, d’Alicante, via Majorque et Ibiza, jusqu’à Barcelone, sur la goélette polonaise «Kapitan Borchardt». Aux côtés de malvoyants polonais vont embarquer des Allemands, Lituaniens et Lettons.

Les participants ne sont pas des passagers. Les non-voyants font partie de l’équipage du voilier.

«Les handicapés font toujours partie intégrale de l’équipage. C’est le principe de base. Ils ne peuvent pas être considérés comme de simples passagers. Ils tirent les cordes, ils font de la cuisine, ils prennent leur quart et sont de toutes les corvées, 24 heures sur 24», souligne Ewa Skrzecz.

Le voilier est adapté pour les accueillir, notamment avec le gouvernail pourvu d’indicateur vocal du cap et d’allure, un GPS sonorisé et des cartes en relief et en braille.

«Pour assurer la sécurité d’une telle expédition, il faut bien évidemment une assistance de personnes voyantes. L’expérience dit que la bonne proportion entre les voyants et non-voyants doit être de 1 à 1, et ils font tout ensemble», précise-t-elle.

Sur le lac de Siemianowka on entend des chants de marins. Walentyna les connaît déjà.

AFP/VNA/CVN

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