En marge du Millénaire de Hanoi : la reine Trung Trac, Jeanne d'Arc vietnamienne

En 1998, comme membre consultant, je faisais partie d'une commission vietnamienne choisissant des Vietnamiennes à figurer à l'exposition des femmes mythiques de tous les temps et de tous les pays qui devait avoir lieu à Paris en 1999.

Le projet réalisé par France Association et USA Foundation était patronné par la France, l'UNESCO et le Fonds des Nations unies pour les femmes. Par femmes mythiques, on entendait "les femmes illustres qui ont joué un rôle important ou accompli des actes d'héroïsme, les femmes dont l'image est conservée dans le souvenir populaire de leur région, leur nation, leur culture, les femmes qui représentent des valeurs exemplaires et confortent la fierté de leur peuple".

À la lumière de cette définition, notre jury s'est mis d'accord sans trop de peine sur le choix d'une dizaine de noms.

En tête de la liste était la reine Trung Trac, dont le culte se perpétue au temple des Deux Sœurs (Dên Hai Bà), rue Dông Nhân à Hanoi, temple dédié à elle et à sa sœur Trung Nhi.

Au long des millénaires, la tradition patriotique vietnamienne s'est cristallisée autour de quelques grandes figures parmi lesquelles les Sœurs Trung sont les plus touchantes et les plus populaires.

La véritable conquête chinoise date de 111 avant J.-C. En l'an 40, Trung Trac, fille d'une famille de Seigneurs indigènes (Lac haàu), prit la tête d'un mouvement de révolte, secondée par son mari Thi Sách, sa sœur Trung Nhi et d'autres seigneurs Laïc. Le cruel administrateur chinois Tô Dinh s'enfuit. Elle enleva 65 citadelles et fut proclamée Reine. En 41, la Cour de Chine envoya contre elle un général blanchi sous le harnais, Ma Viên (Ma Yuan). Après quelques victoires, les Sœurs Trung furent vaincues et moururent en 43. Selon la légende, elles se seraient tuées en se jetant dans la rivière Hát (selon une autre version dans le lac Lãng Baïc, souvent confondu avec le lac de l'Ouest à Hanoi). D'anciennes annales rapportent que l'assassinant de Thi Sách (par Tô Dinh) aurait été à l'origine du déclenchement de la rébellion de sa femme Tröng Traéc.

Et tout cas, l'épopée des Sœurs Trung est inscrite dans l'esprit et dans le cœur de tous les Vietnamiens, au point que sous la domination chinoise comme au temps de l'occupation française, elles ont été le symbole du patriotisme. Pendant la période contemporaine, les partis politiques opposés, les hommes politiques de tout horizon, y compris les collaborationnistes, se réclament d'elles.

Pourquoi cette ferveur faite de vénération et d'affection qui leur donne une place de choix dans le Panthéon des héros de l'indépendance nationale ?

Tout d'abord, c'est l'ancienneté. Deux mille ans de culte ! Ce sont les Sœurs Trung qui, les premières, ont réaffirmé, par la force des armes, l'identité culturelle et nationale des Viêt dans le bassin du fleuve Rouge, au sein du Sud-Est asiatique. Elles ont voulu défendre les valeurs, les us et coutumes authentiquement Viêt, pré-chinois, donc pré-confucéens, l'embryon de la future Vietnaméité.

Le second facteur qui explique le prestige éternel des Sœurs Trung ainsi que la tendresse populaire dont elles bénéficient, c'est qu'elles sont des femmes. Une femme qui prend les armes pour venger son mari, des femmes guerrières, non seulement les Deux Sœurs, mais encore leur mère, leurs vaillantes soldates et commandantes... voilà qui enflamme l'imagination populaire. Au temps des Deux Héroïnes, le matriarcat n'avait pas encore perdu ses droits dans le Vietnam pré-chinois. Plus tard, les annalistes influencés par le confucianisme patriarcal changeront certaines données historiques concernant les Sœurs Trung, mais ils ne réussiront pas à altérer le culte qu'on leur voue.

Rien que dans Hanoi et 3 provinces voisines, on a dénombré quelque 200 temples dédiés aux Deux Dames et à leurs femmes-lieutenants. Selon une autre légende, Trung Trac et Trung Nhi se seraient jetées dans la rivière Hát au bord de laquelle se seraient rassemblées les troupes insurrectionnelles pour un serment solennel avant le déclenchement des opérations. Leurs corps pétrifiés auraient flotté jusqu'à la berge Dông Nhân (aujourd'hui dans la banlieue de Hanoi). La population leur a élevé un temple qui tombera en ruine à la suite de fortes crues du fleuve Rouge. L'édifice a été transféré en 1819 au village Dông Nhân - actuellement rue Dông Nhân à Hanoi.

Chaque année, la fête des Sœurs Trung y est célébrée en grande pompe du 3e au 5e jours du premier mois lunaire.

Huu Ngoc/CVN

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