Élections philippines: des donateurs en quête de retour sur investissements

La campagne qui s'achève aux Philippines n'a pas fait exception: les principaux candidats ont tous évité de dévoiler leurs soutiens financiers, alimentant les craintes que le prochain président ne soit encore tenu par un richissime donateur.

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La sénatrice Grace Poe en campagne à Quezo dans la banlieue de Manille, le 29 avril 2016

En dépit d'une forte croissance, la pauvreté ne recule pas dans l'archipel, où les écarts de richesse sont parmi les plus importants d'Asie.

Pour certains, ces disparités sont notamment dues au fait que les hommes politiques ne sont pas redevables envers leurs électeurs, mais envers ceux qui les ont financés.

Aux Philippines, aucune loi ne limite l'importance des dons que les candidats peuvent recevoir des entreprises ou des individus. Et les hommes politiques ne sont tenus de communiquer le nom de leurs soutiens qu'un mois après le scrutin.

Rodrigo Duterte, 71 ans, s'est imposé comme le favori de la présidentielle qui se tiendra le 9 mai parmi d'autres scrutins. Il s'est posé en candidat anti-establishment au caractère suffisamment trempé pour résister à toute récupération.

"Lorsque je deviendrai président, par la grâce de Dieu, je servirai les gens, pas vous", a-t-il lancé à la presse cette semaine, en référence à la classe dirigeante.

L'homme connu pour son langage cru, qui est censé gagner moins de 1.800 euros par mois en qualité de maire de Davao (sud), s'est cependant vu accuser d'avoir reçu des millions sur des comptes secrets.

Il a d'abord démenti l'existence de ces comptes, avant de devoir l'admettre car un journaliste était parvenu à y transférer de l'argent.

Des amis riches

Puis il a reconnu avoir reçu le jour de son anniversaire il y a deux ans 139,7 millions de pesos (2,6 millions d'euros), soit dix fois sa fortune déclarée.

"Cela signifie simplement que j'ai beaucoup d'amis riches", a-t-il dit tout en refusant de donner leur identité.

Prié lors d'un récent débat télévisé de révéler qui étaient ses donateurs, il a répondu dans une boutade "Emilio Aguinaldo", du nom d'un héros de la guerre d'indépendance au XIXe siècle.

Ses adversaires n'ont pas non plus fait acte de transparence.

Entrée en politique il y a trois ans, la sénatrice Grace Poe aime se poser en égérie du changement et de la probité. Elle est soupçonnée, elle, d'être directement soutenue par Eduardo Cojuangco et Ramon Ang, les dirigeants du géant philippin de l'agroalimentaire San Miguel.

Eduardo Cojuangco fut un des soutiens financiers de l'ex-dictateur Ferdinand Marcos qu'il suivi en exil en 1986 aux États-Unis avant de rentrer au pays trois ans plus tard.

Priée par l'AFP de dire si elle était financée par les deux hommes, Mme Poe a répondu de façon très générale en expliquant qu'il n'y avait rien de mal à recevoir de l'argent de personnes liées à Marcos. Et elle a dit que son financement serait, conformément à la loi, dévoilé après le scrutin.

Auteur d'une impressionnante percée politique, le fils du défunt dictateur, Ferdinand Marcos Junior, brigue pour sa part la vice-présidence. Interrogé par l'AFP sur ses sources de financement, il s'est également abrité derrière la loi.

Comme du capital risque

Mais celui dont le père est accusé d'avoir dépouillé l'État en deux décennies de 10 milliards de dollars a rejeté l'idée qu'il puisse être redevable envers ses donateurs.

"Cela signifierait que je suis un homme politique qu'on peut acheter. Je ne le permettrais pas", a-t-il protesté.

La loi prévoit sur le papier que le total des donations, pour chaque candidat à la présidentielle, ne dépasse pas 10 pesos par électeurs, ce qui représente par candidat 9,6 millions d'euros.

Le fait que le montant individuel des dons n'ait dans les faits pas de limite ouvre la voie à de gigantesques contributions de personnes richissimes escomptant un retour sur investissement, selon Ronald Mendoza, doyen de l'Ateneo School of Government (ASoG) de Manille.

Dans ce cas, "vous n'êtes plus redevable envers les gens qui ont voté pour vous mais envers la personne qui vous a financé", a-t-il dit à l'AFP.

Cela s'est traduit selon lui par le passé par des monopoles et une stagnation économique, un blocage des réformes et de la concurrence afin de permettre aux bailleurs de retrouver leur mise.

Seuls 308 Philippins avaient financé la présidentielle en 2010, selon le Centre philippin pour le journalisme d'investigation (PCIJ), qui compare les donateurs à des fonds de capital risque et les candidats à des start-ups à la cote plus ou moins élevée.

AFP/VNA/CVN

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