Écoles et marché de l’emploi, le grand décalage

La hausse récente du chômage chez les jeunes diplômés inquiète. En cause : la faible qualité de la formation et l’orientation professionnelle, quasi-inexistante. Il est urgent de remédier à cette situation, notamment en associant la théorie à la pratique. Idées d’experts.

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Les jeunes diplômés ont de plus en plus de difficultés à trouver un emploi en rapport avec leur formation.

Le problème est de plus en plus pressant. De nombreux professeurs, hommes d’affaires, experts en éducation s’alarment du fait que les écoles forment des diplômés loin des exigences des entreprises. Ces derniers en sont les principales victimes, n’ayant souvent d’autre choix, faute de compétences professionnelles, d’accepter un travail sans rapport avec leur formation.

Pas ou peu de liens écoles-entreprises

Plusieurs professeurs reconnaissent volontiers que les écoles ne cherchent pas à associer la formation théorique à la formation pratique. Les établissements n’ont encore, pour la plupart, établi de liens avec les entreprises afin de trouver des orientations de formation adaptées à leurs exigences.

«La plupart des écoles n’ont pas de plan concret concernant une quelconque collaboration avec les entreprises pour les formations. Inviter des intervenants issus de ces entreprises pour des échanges éducatifs avec les étudiants n’est pas chose aisée. Les enseignants doivent eux-mêmes contacter ces participants et prendre en charge les frais de ces activités», analyse Lê Ngoc Huong, professeure d’économie à l’Université de Nha Trang (Centre). Selon elle, puisque les entreprises ne sont pas consultées dans l’élaboration des programmes de formation scolaire, il est impossible que la théorie soit en adéquation avec la pratique.

«L’absence de connaissances pratiques représente un obstacle pour ces nouveaux diplômés qui peinent à s’intégrer rapidement dans leurs fonctions. Une grande partie des entreprises doit, en effet, mettre en place des dispositifs de formation pour ces étudiants après le recrutement. C’est un gaspillage important, pour toute la société», conclut Mme Huong.

Même son de cloche du côté de l’agrégé Bùi Anh Duc, professeur à l’Université de l’industrie de Hanoi : «Les entreprises hésitent encore à embaucher les étudiants fraîchement diplômés. Leur formation représente un coût. En plus des raisons affectant la qualité des cursus universitaires, s’ajoute le manque d’orientation professionnelle dans l’enseignement général».

Nguyên Lôc, de l’Institut des sciences et de l’éducation du Vietnam, fait savoir que les documents sur l’orientation professionnelle n’évoquent que certaines professions largement connues, obstruant ainsi les centaines d’autres existantes et influençant par conséquent les choix professionnels des lycéens.

Plus de réactivité du côté des écoles

Sur les quelque 400.000 nouveaux diplômés recensés chaque année, plus de 170.000 sont au chômage. Un chiffre inquiétant. Doan Mâu Diêp, vice-ministre du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales, encourage les lycéens à suivre leurs études dans des écoles de formation professionnelle adaptées à la réalité du marché du travail afin de trouver plus facilement un poste adapté une fois leur diplôme obtenu. Plusieurs études récentes menées dans certaines écoles d’apprentissage dans les provinces de Phu Tho (Nord) et de Bà Ria-Vung Tàu (Sud) montrent que nombre de leurs étudiants sont sollicités par les entreprises avant même leur sortie de l’école, preuve que ce modèle fonctionne.

De ce constat, les ministères du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales et de l’Éducation et de la Formation doivent réformer le système. Cela passe par le renouvellement des programmes de formation, la réalisation d’études de prévisions du marché de l’emploi, la réactualisation des enquêtes sur les exigences des entreprises, le tout à l’échelle nationale et en fonction des besoins de chaque région.

 Les écoles forment des diplômés loin des exigences des entreprises

Hormis les changements de politiques du ministère de l’Éducation et de la Formation, plusieurs professeurs estiment que les universités doivent également se montrer davantage proactives dans le processus. Il en va de la qualité de leurs étudiants.

En effet, selon Lê Ngoc Huong,  les écoles devraient démarcher plus activement les entreprises afin de signer des programmes de coopération avec celles-ci pour répondre de manière plus adaptée aux besoins du marché.

De fait, certaines écoles déploient actuellement avec succès ce modèle, selon lequel les entreprises payent les frais concernant la sélection et la formation des étudiants en fonction des besoins de chaque secteur.

D’autre part, les entreprises peuvent aider les écoles à organiser des séances thématiques, des visites de terrain dans des entreprises ou encore faciliter l’accès aux stages des étudiants. À l’issue de chaque stage, les entreprises - en coopération avec les écoles - réévalueront les candidats avant de les recruter définitivement.

«Avec un tel processus de formation, les entreprises peuvent avoir totalement confiance en les candidats qu’elles ont choisi», affirme Lê Ngoc Huong. En effet, l’enseignement des intervenants, assistants, directeurs ou chefs de bureau des entreprises est primordial et doit être organisé régulièrement.

Le vice-ministre de l’Éducation et de la Formation, Bùi Van Ga, fait savoir que le ministère compte réorganiser le réseau d’universités et d’IUT d’ici 2020. Il informe également les écoles du surplus de personnel dans certains secteurs et les encourage donc à ouvrir les secteurs de formation en fonction des besoins de la société.

Au cours de ces trois dernières années, de nombreuses universités ont ainsi renouvelé leurs programmes ainsi que leurs secteurs de formation. Concrètement, une partie de la formation dans le domaine économique est délaissée pour se pencher davantage sur la formation dans les domaines technoscientifiques et techniques.

Enfin, le ministère ne permet plus aux écoles de Hanoi et de Hô Chi Minh-Ville d’élargir leur sélection d’étudiants dans l’économie, la finance, la banque et la comptabilité, l’optique étant de remédier au surnombre de licenciés dans ces secteurs, et donc aux problèmes de débouchés professionnels qui s’ensuivent.

Huong Linh/CVN

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