Échappées belles

En ce moment, le ciel sur la ville est morose. Il a pris un ton gris du plus mauvais augure qui donne envie d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte, ou du moins si le temps est meilleur.

>>Touches à touche

>>Allo, vous êtes là?

>>Une odeur de madeleine

L'herbe... ou le riz est toujours plus vert ailleurs.
Photo: Gérard Bonnafont/CVN

Allez hop! On charge la voiture, on emporte les nounours, la malle à pique-nique, l’appareil photo, tout ce qui est totalement inutile à l’adulte, mais indispensable aux petites filles. Et on se carapate, direction mer et montagne…

Pains de sucre en vue

Quittant Hanoï, par le pont Chuong Duong, avec vue imprenable sur le pont Long Biên, l’ancien pont Paul Doumer, construit par Gustave Eiffel en 1902, puis on emprunte l’autoroute N°5, la plus ancienne du Vietnam, qui conduit jusqu’à Hai Phong (Nord), à travers un paysage alternant les rizières ancestrales et les zones industrielles ultra-modernes!

"Dis papa, c’est quand la campagne?". Tu as raison ma fille. Hanoï devient véritablement chaque jour de plus en plus grande. Pour un millénaire, elle fait preuve d’une énergie redoutable!

La dernière partie du voyage s’effectue le long de la côte de la Mer Orientale, avec en toile de fond à l’horizon les fameux îlots en "pain de sucre" qui préfigurent la légendaire baie de Ha Long (province de Quang Ninh). Nuit devant les pains de sucre minéraux…

On reprend la voiture pour six heures de route vers Lang Son (Nord). Après avoir quitté la côte, la route s’engage dans la région montagneuse et vallonnée du Nord-Est, couverte de forêts où vivent tigres, panthères, ours et pangolins. Du moins, c’est ce qu’on dit, mais malgré toutes les incantations incessantes de ma fille, je n’ai pas réussi à lui montrer un seul de ces charmants animaux. Tant pis, ça fait toujours plaisir de penser que nous avons frôlé la rencontre avec "Oncle Tigre"!

De temps à autre, au détour d’une vallée ou au sommet d’un col, au milieu de plantations de tabac, caféier ou théier, un village habité par l’une ou l’autre des minorités ethniques qui peuplent cette région: Tày, Nùng, Dao, San Chay, H’mông, Hoa et bien sûr Kinh, l’ethnie de la majorité des Vietnamiens.

Canards et tripailles

En fin d'après-midi, arrivée à Lang Son, à 14 km de la frontière chinoise. Comme toutes les villes récemment reconstruites, Lang Son est relativement impersonnelle, mais sertie dans un joli paysage de pitons calcaires, elle est attachante. Mais, ce sont surtout ces marchés qui valent le coup! Ainsi, le marché de Ky Lua, au nord de la ville, est depuis des centaines d'années le marché préféré des populations alentours. Les jours de marché, les jeunes des ethnies alentours y affluent joyeusement pour faire des achats, vendre leurs produits, se rencontrer et discuter. On peut aussi avoir la chance d'y croiser les fameux chanteurs Tày.

Après une découverte des spécialités locales: le pho chua (soupe de nouilles) ou le vit quay et lon quay (canard et porc rôtis), bonne nuit à l'hôtel. La route a été longue!

Après être passée à proximité de la porte de la Chine, passage historique entre Chine et Vietnam, la route à quatre voies laisse la place à une RN4 étroite et irrégulière, qui traverse des paysages où se succèdent cultures de maïs, rares damiers de rizières, falaises percées de grottes, pitons escarpés, forêts tropicales...

Le lac Ba Bê, une destination prisée de la province de Bac Kan (Nord).
Photo: ST/CVN

Cao Bang a souffert des péripéties de l'histoire, mais son cadre est magnifique, au pied d'un rideau de falaises blanches au confluent du fleuve Bac Giang. L'intérêt de la ville repose sur le commerce interlope qui s'y déroule, notamment au grand marché couvert, le long de l'avenue principale. Du début de la journée à la fin de l'après-midi, des flots de vêtements qui déploient toutes les nuances de l'indigo côtoient des profusions de paniers emplis de légumes, de la camelote chinoise, des objets de culte… auxquels succèdent des marmites et braseros où mijotent galettes de riz, canard laqué et tripaille.

Bon, ce n'est pas tout ça, mais il est temps d'aller dormir!

Troc en stock

Après avoir abandonné rapidement les montagnes déboisées et les champs de maïs, la route étroite et sinueuse côtoie des buttes de terre rouge plantées de forêts de pins, redescend vers la vallée au milieu d'une forêt tropicale luxuriante, puis serpente entre les maisons isolées des H’mông et des Dao, pour arriver enfin vers Cho Ra dans l'univers de l'ethnie Tày… Ma fille n'en peut plus d'être émerveillée, et moi, je suis enroué à force de répondre à ses questions qui me parviennent en rafales!

Ouf! Voilà, Cho Ra… Les jours de marché, on trouve une profusion de produits artisanaux locaux, notamment des étoffes tissées et teintes. On y pratique encore le troc! Ce que je fais avec ma fille en troquant une dernière histoire sur l'origine des ethnies minoritaires (une histoire d'œufs, de dragon et de déesse, que je vous raconterai un jour), contre une bonne nuit de sommeil.

Sampan vogue

Ça, c'est le summum du voyage! Pendant deux heures de navigation, le sampan suit la rivière qui se faufile dans une campagne cultivée, avant de pénétrer dans un paysage de falaises calcaires au flanc desquelles s'accrochent de petits jardins sauvages, tâchés de cannas rouge sang et marbrés de tronc grêles argentés.

Après la grotte-tunnel de Puong, on découvre un paysage sauvage, peuplé d'une centaine d'espèces de papillons et d'oiseaux, et de plusieurs sortes de batraciens et reptiles. Ma fille en trépigne de joie, nous évitons de peu chavirage et enfant "à la rivière"… avant d'arriver au débarcadère du lac Ba Bê (province de Bac Kan).

Autour du lac, des villages sur pilotis, comme celui de Pác Ngòi, peuplés de Tày. C'est, d'ailleurs, vers lui que nous nous dirigeons pour être accueillis dans une maison: thé vietnamien, pipe à eau et même alcool local. Heureusement que notre chauffeur boit et fume, sinon c'était l'incident diplomatique!

Bon, ce n'est pas tout ça, mais il va falloir penser à retrouver les embouteillages et le ciel gris… jusqu'à la prochaine escapade.


Gérard Bonnafont/CVN

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