Échappée belle !

Aujourd’hui encore, je profite du beau temps pour vous emmener en promenade, même si parfois le soleil se cache derrière un peu de pluie.

>>Route au grand cours

>>Ça coule de source…

>>Une ruelle qui remue

Maison Êđê, cachée sous les bambous...

D'aucun pourrait dire que j’évoque souvent le Bac Bô (Nord) dans ces tranches de vie. Mais si Hanoi est mon port d’attache, le Vietnam a suffisamment de charmes à dévoiler pour que le Nam Bô (Sud) ou le Trung Bô (Centre) m’appelle lors de grandes échappées. Et c’est justement au Trung Bô, quelque part entre le pays du café et la Mer Orientale, que je vous propose de faire une excursion, entre montagne et littoral. Et comme au Vietnam, rien n’est monotone, j’espère que le plaisir de la découverte sera au rendez-vous !

Buôn Ma Thuôt (province de Dak Lak, sur les hauts plateaux du Centre), la capitale du café vietnamien. Je suis au jour naissant, installé au 9e étage d’un hôtel pour déguster un copieux petit déjeuner. Petite entorse au rituel du pho matinal et forte envie de retrouver le goût du pain beurre et œufs au plats matutinaux. Sur le plan diététique, je ne suis pas certain que je gagne au change, mais sur le plan de la gourmandise, c’est un vrai régal. Et puis, la vue sur Buôn Ma Thuôt et les environs est superbe ! Seuls les pas feutrés des serveurs viennent troubler la sérénité de l’instant.

Chacun pour soi

Mais ce moment de plénitude gastro-sensitive ne dure pas. À peine ai-je terminé de plonger un croissant croustillant dans ma tasse de thé que l’ascenseur déverse sur la terrasse un flot ininterrompu d’hommes et de femmes qui se ruent sur le buffet, manquant de me renverser au passage. Je remarque que la plupart portent des chemises au sigle d’une grande entreprise et en déduis que nous avons pour convives des employés de ladite entreprise, en voyage d’agrément.

Connaissant cette entreprise de réputation, je me dis que nous sommes entre gens de bonne compagnie et que je ne risque rien d’aller me resservir au buffet. Quel naïf je suis !

En effet, devant un buffet comme sur la route, l’individu devient un monstre d’égoïsme, seulement préoccupé à atteindre son but : le plat qu’il convoite. Je me retrouve coincé au milieu d’individus, les yeux exorbités, les lèvres retournées sur un rictus sauvage, poussant des grognements de bête, cognant, bousculant, piétinant…

Je résiste, j’essaie de rester humain, mais, moi aussi, je dois lutter pour ma survie, et, que mes ancêtres me pardonnent, je profite éhontément de mon expérience d’ex-talonneur de rugby pour écraser, culbuter, éjecter tout ce qui me sépare de mon pain, et revenir, couvert de bleus, mais triomphant. C’est ce qui s’appelle «gagner son pain à la sueur de son front». Ce qui est remarquable, c’est que, une fois servis et de retour à leur table, tous ces fauves redeviennent des individus aimables et polis qui me sourient et me souhaitent bon appétit !

Cette épreuve accomplie, j’en entame une seconde, non moins dangereuse : prendre la route en direction de Nha Trang (province centrale de Khánh Hoà). Je dois traverser le plateau volcanique de la province de Dak Lak, avant de redescendre sur le littoral.

La route 26 me promène à travers les plantations de caféiers et innombrables champs de maïs, s’étirant jusqu’aux montagnes noires qui se profilent à l’horizon. Le maïs est pour la région ce que le riz est aux deltas : nourriture principale, source de revenus, activité commerçante.

Entre Ea Knop et M’Drak, arrêt devant de petits auvents de fortune qui s’agglutinent le long de la route. Devant chacun d’eux, des chaudrons fumants dégagent une agréable odeur de maïs bouilli. Des éventaires alignent des rangées d’énormes durians à l’écorce rugueuse. Sur le sol, sont posées des cages en osier, dans lesquelles une multitude de petites perruches vertes s’époumone en vaines querelles.

Belle descente

Il y en a qui aimeraient bien s'échapper aussi !

Pas le temps d’accepter le thé vert aimablement proposé : il faut continuer son chemin, car le temps se couvre et la pluie risque d’apporter sa contribution aux épreuves de cette journée. Les nuages s’amoncellent sur les hauts sommets arrondis qui bordent le plateau, et le ciel prend une vilaine teinte cuivrée.

À peine le temps d’admirer les pittoresques maisons Êdê à l’escalier taillé dans un tronc que déjà les premières gouttes du voyage s’écrasent sur les casques. Arrêt d’urgence sur le bas-côté. On enfile en vitesse les áo mưa (imperméables), opération délicate, car il s’agit de protéger à la fois les vêtements, les pieds, les mains et les bagages. Je ne réussis pas à concilier le tout, et je sacrifie les pieds et les mains.

La route, déjà difficile par temps sec, devient franchement périlleuse par temps de pluie ! La prudence s’impose, et pourtant, il y a encore des motos qui me doublent en zigzaguant entre les camions et les bus qui passent en trombe. Heureusement, l’averse est brève, et le soleil, insensible aux tracas humains, reprend sa place dans le ciel…

La route se lance à l’assaut du đèo Phuong Hoàng, col qui ferme la province de Dak Lak et ouvre celle de Khánh Hoà qui abrite Nha Trang. Les nombreuses maisons Êdê, devant lesquelles des enfants me saluent en riant, s’espacent progressivement, et bientôt je suis seul au milieu d’un paysage surprenant. La route trace son chemin parmi des sommets arrondis, couverts jusqu’à mi-pente d’une jungle touffue.

Ensuite, les flancs des montagnes sont recouverts de plantations d’arbres sur des centaines d’hectares. Ces jeunes arbres, alignés à perte de vue, me donnent l’impression de circuler dans une gigantesque pépinière. Je suis ébahi par le travail de titan que représente ce reboisement de millions et de millions d’arbustes qui s’étire à l’infini !

Au sommet du col, la jungle épaisse reprend ses droits pour s’éclaircir peu à peu dans la descente et laisser place à une végétation plus clairsemée. Les plantations de maïs réapparaissent autour des dernières maisons Êdê que je verrai. Voici la plaine et les premières rizières. Un dernier regard sur ces montagnes que je quitte et qui se diluent déjà dans une brume blanchâtre.

À peine le temps de passer devant la source d’eau chaude Truong Xuân, et déjà voici la route nationale 1, la fameuse route Mandarine. Après plusieurs jours sur des routes peu encombrées, le voyageur est brutalement assailli par le flot incessant de toutes sortes de véhicules qui se précipitent vers Nha Trang.

Cependant, je retrouve avec plaisir les allées latérales réservées aux deux-roues qui offrent une relative sécurité, comparée à l’herbe et à la boue des fossés qui longeaient la route depuis l’entrée dans les hauts plateaux. Au bout d’une route au revêtement de bitume lisse à se donner des envies de grande vitesse, Nha Trang nous attend.

Bagages déposés à l’hôtel, il faut plonger dans l’agitation de cette ville balnéaire qui étourdit un peu après le calme des hauts plateaux du Centre. Cet après-midi, repos aux heures chaudes, puis promenade à pied et badminton sur le front de mer. Quel bonheur de jouer au touriste après une échappée si belle !

Texte et photos : Gérard BONNAFONT/CVN

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