D’un pont à l’autre...

Hanoï, la ville dans le fleuve! La capitale du Vietnam tient son nom de sa position à l’intérieur d’un méandre du fleuve Rouge, qui lui sert de rempart naturel. Mais, ça c’était avant, du temps où seules les barques passaient d’une rive à l’autre…

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Un pont et le fleuve semble tout petit.
Photo: HTV/CVN

Longtemps, les hommes ont choisi de bâtir leurs villes à côté d’un fleuve. De l’eau à volonté, des poissons en veux-tu en voilà, un obstacle à franchir pour les ennemis, une route à portée de main pour rejoindre la mer et transporter des marchandises. Et, le fleuve Rouge répondait à toutes ses exigences. Donc, pas étonnant que dans un de ses méandres, on ait pu voir éclore ce qui allait devenir la capitale du Vietnam.

Pendant plusieurs siècles, le village regroupé autour de la citadelle, devenu ville, regardait l’autre rive d’un œil suspicieux. Aller là-bas, à Gia Lâm, c’était déjà un voyage risqué. Il fallait éviter les colères et les remous du fleuve en période de crues, ou se méfier de sa fausse langueur et des grandes grèves de sable rouge qui apparaissaient lors de la saison sèche. Des sables mouvants pouvaient vous avaler, des pirates pouvaient se cacher dans les hautes herbes des îlots ou de l’autre rive pour dévaliser le voyageur téméraire. Les barques, sampans et autres esquifs faisaient parfois payer le prix de la vie à ceux qui s’aventuraient à vouloir franchir le fleuve. Comme si ce dernier, jaloux de son rôle protecteur et nourricier, refusait de se plier à la volonté humaine.

Et puis, un jour, le pont est arrivé, transformant Gia Lâm, l’autre côté, en une proche banlieue de Hanoï, et renvoyant le fleuve suivre son cours.

Un ancêtre respecté

À tout ancêtre, tout honneur! Quatre années d’efforts, des tonnes de poutrelles de fer, de sueur aussi, pour qu’en 1902, le pont Long Biên soit le premier à supporter sur son dos le passage de centaines de piétons, vélos, chevaux, calèches, bref, tout ce qui permettait à ceux de la ville d’aller de l’autre côté. Même le train s’y est mis! Et, pendant 83 ans, le vénérable a été le seul à relier les deux rives du fleuve.

Aujourd’hui, un peu fatigué par toutes les vicissitudes de l’histoire, il n’accepte plus que les deux jambes, les deux-roues… et le train, qui tangue un peu quand il passe au-dessus des bananeraies et des potagers de la grande île.

J’aime bien m’y promener de temps à autre sur les trottoirs de dalles branlantes. Il me semble traverser une forêt d’acier suspendue entre ciel et terre, animée d’une vie truculente, surtout le soir, lorsque des vendeuses de maïs bouilli installent de petits restaurants de plein air sur des nattes en paille de riz.

L’envol du dragon

Premier pont que j’ai traversé en arrivant au Vietnam. Il date de 1985, et c’est déjà l’ère du béton armé. Passage obligé pour franchir le fleuve Rouge quand on se rendait à l’aéroport, il m’a toujours marqué, à la fois par son nom "Thang Long", l’ancien nom de la capitale qui signifie "Envol du Dragon", et par la séparation entre les voitures et les motos.

En effet, il a la particularité d’avoir deux tabliers, ou deux étages si vous préférez! L’étage inférieur est réservé aux deux-roues, et l’étage supérieur aux voitures. Pour l’avoir franchi avec les deux moyens de locomotion, je dois avouer que je préfère bien mieux le ciel clair de l’étage supérieur, même si je suis enfermé dans l’habitacle d’une voiture, que la pénombre de l’étage inférieur. Mais bon, à défaut de grive, on mange du merle!

De l’air, de l’air

Le pont Chuong Duong! Même date de naissance que le précédent, mais une différence de taille: voitures et motos sont au même niveau. Aux voitures la voie centrale, aux motos et vélos les voies latérales. Sauf qu’aller savoir pourquoi bus, camions, voitures s’étalent sans vergogne sur les voies latérales, ne laissant aux motos que la portion congrue.

Et, comme ce pont est celui qui voit passer le plus de véhicules matin et soir, je vous laisse imaginer la longueur et la durée des embouteillages. Je l’ai fréquenté plusieurs mois durant, à l’époque où je m’étais installé du côté de Phú Thuy. Chaque matin, j’entrai dans Hanoï à moitié asphyxié par mon long séjour sur ce pont; et chaque soir, je m’étouffais de nouveau au milieu des gaz d’échappement pour regagner ma campagne. Et, impossible d’y échapper…

Une vue du pont Vinh Tuy, à Hanoï.
Photo: TEDI/CVN

Le pont vole

Et puis, le pont Vinh Tuy est apparu en 2009. Un long ruban de béton qui franchit allègrement le fleuve Rouge, au sud du pont Chuong Duong.

Je l’aime bien, ce pont. D’abord, parce que je l’ai vu pousser, de premières fondations à petites piles en béton armé, puis se jeter tablier en avant, au-dessus du fleuve pour atteindre l’autre rive. Et puis, aussi parce qu’il est tellement large que la circulation y reste fluide. D’ailleurs, quand on l’emprunte, c’est comme si on décollait: on a l’impression de survoler littéralement les maraîchages et les pâtures à buffles, lesquels, à défaut de regarder passer les trains, peuvent compter les drôles d’engins qu’utilisent les humains pour se déplacer.

Tout en longueur

Depuis 2008, il s’étire majestueusement, fier de son titre de pont le plus long de Hanoï et de son statut de viaduc autoroutier. Lui aussi, je l’ai vu naître, le pont Thanh Tri, et j’ai souvent pesté contre les travaux qui m’empêchaient alors de m’échapper par les petites routes buissonnières que j’avais connues, et qui ont disparu depuis. Tribut au progrès et à la fluidité des flux circulatoires, comme disent les urbanistes!

Mais bon, au moins, ça me fait gagner du temps quand je dois prendre l’autoroute qui me conduit à Hai Phong (Nord). Toujours, ça de gagné!

Le plus beau

C’est le dernier en date. Le pont Nhât Tân est le plus beau, le plus haut, aux couleurs nocturnes les plus éclatantes, bref le plus partout! Voie royale pour l’aéroport, c’est aussi le pont des amoureux qui viennent s’y faire des serments d’amour, des selfies au pied de ses mâts de béton aux couleurs changeantes.

Mais, ce n’est pas le dernier à jouer à saute-mouton avec le fleuve. Il est prévu 14 ponts pour sauter par-dessus le fleuve Rouge. De quoi faire passer ce dernier pour une flaque d’eau!


Gérard BONNAFONT/CVN

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