Du caviar suisse grâce à de l’eau chaude des Alpes

Fait unique en Suisse, 35.000 esturgeons de Sibérie barbotent dans une eau chaude naturelle des Alpes, déversée dans 2.700 m3 de bassins près du village de Frutigen, où est produit un caviar revendu en moyenne 3.000 francs suisses (2.500 euros) le kilo.

Un employé de Tropenhaus Frutigen prend ses mains pour sortir plusieurs poignées de milliers de petits œufs noirs d’un esturgeon. Photo : AFP/VNA/CVN


I
l fait froid, environ 4 degrés Celsius. D’un geste calme, Tobias Felix, responsable de la production de la société Tropenhaus Frutigen, ouvre à l’aide d’un couteau une longue fente dans le ventre grisâtre du poisson fraîchement tué, tandis qu’un autre employé plonge ses mains dans les entrailles pour en sortir plusieurs poignées de milliers de petits œufs noirs.«Une fois que l’esturgeon est tué, il faut environ 10 minutes jusqu’à ce que le caviar soit salé», dernière étape d’un processus de production entièrement fait à la main, explique M. Felix, tout en lavant, salant et goûtant le caviar.Satisfait, il laisse le tout s’égoutter quelques instants sur un tamis avant de mettre le caviar dans des boîtes sous vide, vendues par la société Tropenhaus Frutigen, dont l’actionnaire principal est Coop, le numéro un de la grande distribution en Suisse.«Maintenant on en a environ 35.000, et avec les nouveaux bassins, il y aura 60.000 esturgeons pour trois tonnes de caviar», contre 500 à 800 kilos cette année, explique Andreas Schmid, responsable du marketing et des ventes de la société. Sur ces trois tonnes, deux seront destinées à l’international, précise-t-il, avant de raconter la surprenante histoire de l’esturgeon suisse.En perçant le tunnel alpin du Lötschberg, au centre du pays, les ingénieurs ont eu une mauvaise surprise lorsqu’ils ont découvert que de l’eau à 18 degrés sortait dans le tunnel à un débit de 70 litres par seconde. Une eau chaude impossible à déverser directement dans la rivière proche où viennent frayer des truites.L’ingénieur en chef du tunnel, Peter Hufschmied, marié à une Russe, a alors eu une idée : élever des esturgeons sibériens, des produits ayant un fort potentiel commercial, puisque les oeufs représentent près de 10% du poids de ces poissons faciles à élever.Mesurant en général près d’un mètre et pouvant peser jusqu’à 200 kilos, les esturgeons de Sibérie ont été surpêchés dans le passé, puis réintroduits dans les élevages en Europe dans les années 1970.Le premier et le seul à élever les esturgeons

Des produits des esturgeons sibériens ayant un fort potentiel commercial. 
Photo : AFP/VNA/CVN


À Frutigen, les premiers bébés, achetés en France et en Hongrie, sont arrivés en 2005. «Il y a d’autres élevages d’esturgeons en Europe, mais nous sommes le premier et le seul en Suisse», se félicite M. Schmid, soulignant par ailleurs le caractère écologique de la production en Suisse, avec de l’eau naturelle des Alpes, et sans antibiotique préventif ni conservateur. Seul est rajouté du sel de Bex, un sel suisse.
Élevées en captivité, les femelles produisent leurs premiers œufs à l’âge de 6 ans. En 2011, Tropenhaus Frutigen a donc produit son premier caviar suisse, près de 200 kilos, revendu environ 3.000 francs le kilo.Qualité suisse oblige, «ce n’est pas le meilleur marché», reconnaît M. Schmid. L’an dernier, l’entreprise a surtout eu des clients dans la Confédération. «Cette année, on va le vendre aussi aux États-Unis, en Allemagne, et en Asie», dit-il.Mais exporter des produits dérivés de l’esturgeon n’est pas si simple, ce marché étant gouverné par les règles de la Cites, une organisation basée à Genève et affiliée à l’ONU chargée de la protection des espèces en danger.Ainsi, les exportations de produits d’esturgeon d’élevage sont soumises à des permis. Pour ce qui est des exportations de caviar sauvage, la Cites a instauré plusieurs fois un moratoire annuel, faute d’accord entre les riverains de la Caspienne pour proposer des quotas - c’est d’ailleurs le cas actuellement.L’esturgeon «n’est pas menacé d’extinction, mais il peut être menacé s’il n’y a pas de contrôle strict», explique le chef de l’équipe des services scientifiques, à la Cites, David Morgan.À ses yeux, l’élevage diminue «la pression sur les espèces sauvages». Mais il craint toutefois que ces derniers perdent en conséquence de leur valeur, de sorte que les pays n’auraient alors plus de «raison de garder les eaux propres».

AFP/VNA/CVN

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