Des statues pour accompagner les défunts du Tây Nguyên

Les Gia Rai et les Ba Na pensent que les défunts ont une vie après la mort. Les proches sculptent pour eux des statues en bois qui leur servent dans l’autre monde. Découverte.

>>Tây Nguyên : un héritage culturel inestimable à préserver

Les nhà mô (maison funéraire) des Gia Rai et des Ba Na du Tây Nguyên, notamment à Gia Lai et à Kon Tum, font partie d’un autre monde. Selon la tradition de ces ethnies qui habitent sur les hauts plateaux du Centre, le mort est enterré dans une forêt lointaine et l’âme du défunt se transforme en fantôme, qui hante les villageois et ne veut pas quitter le monde terrestre. Chaque jour, les proches doivent lui apporter de la nourriture et nettoyer sa tombe.

Une maison funéraire des Gia Rai.

Le soir, ils racontent au défunt ce qui s’est passé dans le village et dans la famille. Et ce pour qu’il garde des liens avec son ancienne vie, jusqu’à la cérémonie d’abandon de la tombe. À ce moment-là, la famille lui fait des offrandes, notamment un poulet. L’âme du défunt s’en va et il peut commencer sa nouvelle vie.

Les serviteurs du défunt

La cérémonie d’abandon de la tombe, l’une des caractéristiques des habitants du Tây Nguyên, se déroule essentiellement de novembre à avril. Sous l’angle religieux, il s’agit d’une cérémonie funéraire destinée à commémorer les proches décédés. On parle de cette activité traditionnelle dans les épopées des ethnies Gia Rai et Ba Na. Il s’agit de la dernière activité que font les vivants pour le mort. Elle se déroule un jour de pleine lune.

Un mois avant ladite cérémonie, les villageois se rendent dans la forêt à la recherche de bois pour la maison funéraire, qui doit être construite par de jeunes hommes robustes et décorée par des personnes âgées. De nombreuses statues représentant humains et animaux - symboles de la vie dans l’au-delà - sont disposées à l’entrée et autour de la nhà mô. Ces statues se multiplient dans l’autre monde. Elles sont relativement simples, mais leurs formes sont suggestives et représentent des comportements humains.

Selon les chercheurs, elles ont pour but d’orner et de rendre plus vivante la cérémonie d’abandon de la tombe. Elles sont aussi les serviteurs du défunt.

Une statue, un message, un espoir

Siu Doan, domicilié dans le quartier de Dông Da, dans la ville de Pleiku (province de Gia Lai), a appris le métier de sculpteur de statues pour les nhà mô de son père, alors qu’il avait 11 ans. Aujourd’hui, il est l’unique sculpteur de ce quartier. «Les statues montrent comment se déroule la vie ailleurs que sur terre. Elles représentent des formes humaines, des oiseaux, des animaux, ou des activités de la vie quotidienne. Un jeune couple faisant l’amour, une femme enceinte, des nouveaux-nés. Ces statues expriment les messages que les villageois veulent transmettre aux défunts. Elles sont un élément spirituel indissociable des communautés des ethnies minoritaires du Tây Nguyên», partage Siu Doan.

Chaque statue est porteuse d’un message, d’un espoir que les proches ont pour le défunt dans sa nouvelle vie.

Les sculpteurs sur bois n’imitent aucun modèle et pensent que le bois a une âme. Leurs travaux consistent à le tailler pour en supprimer les parties non nécessaires et conserver cette âme. Auparavant, dans les grandes maisons funéraires, les statues étaient faites en bois précieux. Aujourd’hui, les sculpteurs utilisent du Bombax ceiba. «Si le sculpteur rêve d’une maison incendiée ou d’une pénurie d’eau le soir avant qu’il ne se mette au travail, il l’ajournera. S’il rencontre un serpent dans la forêt, il retournera chez lui car c’est un mauvais présage», commente Siu Doan.

Ro Châm Mach (94 ans), patriarche du village de Bàng (district de Chu Pah, province de Gia Lai), explique qu’en arrivant près d’une maison funéraire, on peut savoir l’âge (jeune ou vieux) du défunt, ses sentiments et ses perspectives pour sa vie dans l’au-delà, rien qu’en observant les statues qui l’entourent.

À la vue d’une statue représentant une femme enceinte, il explique qu’il s’agit du tombeau d’une femme mariée, qui n’a pas eu d’enfants. «Ses proches ont fait faire cette statue en espérant qu’elle ait des enfants et une vie heureuse dans l’autre monde».

Les statues pour la maison funéraire sont sacrées. Elles sont réservées aux morts, pas aux vivants. C’est pourquoi, les vendre ou les voler est interdit. Dans le village, si un habitant le fait, il est puni et doit partir.

Aujourd’hui, les maisons funéraires traditionnelles (en bois) sont petit à petit remplacées par des maisons en béton. Ce qui transforme la vie spirituelle des ethnies du Tây Nguyên. Les statues se font aussi de plus en plus rares.

Quê Anh/CVN

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