Delta du Mékong : comment la fruiticulture s'adapte au changement climatique

Dans le delta du Mékong où se concentrent de grands vergers, le réchauffement climatique fait déjà sentir ses effets. Le problème se pose de protéger la fruiticulture contre la sécheresse et l'envahissement progressif des terres par l'eau salée.

Le journal Sài Gon Giai Phong (Saigon libéré) a interviewé le maître de conférences-Docteur Nguyên Minh Châu, directeur de l'Institut de recherche sur les cultures fruitières pour le Sud Vietnam (SOFRI).

* Actuellement, l'eau salée remonte le Tiên et le Hâu (deux bras du Mékong) et la sécheresse menace plusieurs provinces et villes du delta du Mékong. La situation est-elle préoccupante ?

Les arbres fruitiers sont réellement très sensibles à l'eau salée ainsi qu'aux crues, même non salées... Ainsi, ces derniers temps, la province de Bên Tre a vu des milliers d'hectares de ses arbres fruitiers mourir, ou leur rendement nettement diminuer. Et plusieurs autres zones de culture sont directement menacées dans les provinces de Dông Thap, Tiên Giang et Vinh Long. L'enjeu est important car la fruiticulture, avec la riziculture et l'aquaculture, sont les trois productions agricoles majeures du delta du Mékong, et nous sommes inquiets de l'évolution du changement climatique dans cette région.

* Quelles sont les mesures définies par le SOFRI pour protéger ce secteur ?

Nous avons commencé à étudier des mesures il y a dix ans déjà, anticipant les conséquences du changement climatique, mais en trouver de faisables à l'échelle d'une région entière ne va pas de soi. Ainsi, par exemple, on peut envisager de construire des digues mais, au-delà d'un coût important, une telle mesure ne permettra pas de faire face à une salinisation des eaux et des sols à grande échelle. Nous avons donc abordé le problème sous un autre angle, c'est de créer des variétés d'arbres fruitiers plus résistantes au sel, à la sécheresse ou encore aux aluns de potassium, mesure nettement plus faisable à tous points de vue. Le SOFRI a donc menés deux projets scientifiques in situ, pour aboutir à six variétés, dont deux de manguier et de pamplemoussier. La culture de quatre variétés de fruits à quartier est actuellement expérimentée dans les provinces d'An Giang, de Tiên Giang et de Bà Ria-Vung Tàu.

* Que faut-il envisager pour assurer pour un développement durable de la fruiticulture dans cette région ?

En dehors de ce qui précède, beaucoup de choses sachant que le Vietnam n'est toujours pas un grand exportateur de fruits. Plusieurs raisons à cet état de fait alors que nous possédons de grands potentiels en terme de fruiticulture. Globalement, la chaîne n'est pas rationnelle ni optimisée. Les cultures ne sont pas régulières et la qualité des fruits est très variable de récolte en récolte. Les pertes après récolte sont considérables, de l'ordre de 20 à 25%, ce en raison de manque de moyens ou de connaissance des cultivateurs mais aussi d'une mauvaise coordination entre ceux-ci et les entreprises de transformation qui, à terme, vont permettre d'exporter.

Il faut donc réorganiser l'ensemble de ce secteur de production...

La priorité va d'abord à une plus grande qualité et une qualité stable.

Pour ce, des régions spécialisées doivent être créées avec, selon les caractéristiques de chaque province, d'une à trois variétés adéquates. La production devra répondre à des normes de bonne pratique agricole telles que VietGAP ou Global GAP, mais aussi tout le reste de la chaîne prévision des exportation sur les marchés ayant une réglementation stricte. Et cela suppose aussi que les acteurs de l'ensemble de cette chaîne travaillent davantage ensemble...

La première difficulté cependant, c'est le financement de ce secteur, producteurs et transformateurs n'ayant que peu de capacités de financement. Un moyen de pallier à cette situation serait que tous les comités populaires interviennent dans la mobilisation des capitaux nécessaires auprès de tous investisseurs ou autres bailleurs de fonds. Une bonne nouvelle sur ce point, c'est que la Banque mondiale (BM) étudie actuellement le projet de renforcement de la compétitivité du secteur agricole vietnamien, et a déjà agréé la sélection de plusieurs espèces, manguier, longanier, ramboutanier et pamplemoussier pour développer une culture industrielle au sein du delta du Mékong. Une fois ce projet définitivement adopté, la BM accordera une aide non remboursable représentant 40% de la totalité du budget de ce dernier.

Le Docteur Nguyên Minh Châu fait remarquer que "la qualité de plusieurs fruits du delta du Mékong est supérieure que leurs concurrents d'autres pays de la région, ainsi de la mangue Hoa Lôc, de la pomme étoilée Lo Rèn, ou de la sapotille Mac Bac". Et depuis quelques années, plusieurs variétés de fruits vietnamiens ont été certifiées VietGAP ou Global GAP, ce qui d'ailleurs a permis une appréciable croissance des exportations, lesquelles devraient être de 500 à 510 millions de dollars cette année. Autre point, la fruiticulture vietnamienne accède désormais à plusieurs marchés exigeants, notamment avec le ramboutan, le longane et le fruit du dragon, tels que les États-Unis et le Japon.

Phuong Mai/CVN

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